Garniture de Roissy

Couvercle de Roissy

Auteur

Dimensions

D. 20 cm

Provenance

Roissy-en-France, Val-d’Oise

Technique

Sculpture, Fonte à la cire perdue

Matériaux

Bronze

Datation

IIIe siècle av. J.-C.

Lieu de conservation

France, Saint-Germain-en-Laye, musée d'Archéologie nationale

Que nous dit cet objet exceptionnel sur la civilisation gauloise ?

À l'occasion de travaux d'extension de l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle, on a découvert en 1999 un cimetière à la Fosse-Cotheret daté du second âge du fer (du Ve au Ier siècle avant J.-C.). Deux tombes à char du IIIe siècle avant J.-C. d'hommes de haut rang social se distinguent dans cette nécropole d'une dizaine de sépultures située près d'un hameau sur lequel devaient régner ces individus. L'une appartient à un guerrier, et l'autre, dont le mobilier est exceptionnel, à un homme sans armes. C'est dans cette dernière que se trouvait cet objet de bronze insolite [ image principale ].

Fonction et réalisation

La forme circulaire de l'objet de 20 cm de diamètre évoque celle du couvercle d'un récipient disparu, car en matière organique périssable comme le bois. L'anse découverte à proximité donne du poids à cette hypothèse [ image 1 ]. Toutefois il pourrait aussi bien s'agir d'un élément du décor du char. La question de sa fonction reste posée.

L'objet a été obtenu par un procédé que les artisans gaulois maîtrisaient parfaitement, celui de la fonte à la cire perdue. Cette technique consiste à réaliser un modèle en cire, puis à l'enrober d'une couche de terre. Quand le métal en fusion est coulé dans ce moule, il prend la place et conserve la forme de la pièce en cire.

Un bestiaire fantastique

Le décor ajouré se compose de trois registres concentriques superposés [ détail b ] , le dernier formant un bouton central. Le registre extérieur [ détail c ] présente dix monstres aux gros yeux en amande et à longue crinière : cinq à la gueule largement ouverte alternent avec cinq autres à mufle plus petit et fermé terminé par une excroissance sphérique que les spécialistes de l'art celtique dénomment « globule ». Au registre médian [ détail d ] trois autres dragons, reliés par le mufle et la queue, montrent les dents. Au centre [ détail e ] , le bouton est constitué de trois forts globules qui semblent porter des éléments anatomiques isolés, tirés des animaux fantastiques présents dans les autres registres, comme la crinière striée, l'œil ou l'oreille. Ces motifs schématiques ne pouvaient être compris que d'initiés connaissant cette symbolique dont le sens nous échappe aujourd'hui.

Une composition très savante

L'organisation du décor de la garniture de Roissy chasse bien des idées reçues sur ces Gaulois que les Grecs et les Romains méprisaient et taxaient d'ignorants. En effet, la composition met en évidence une construction géométrique savante qui témoigne de connaissances poussées en mathématiques, notamment quant à la division du cercle. Cela suppose en effet l'utilisation d'un compas pour exécuter des séries de cercles ou d'arcs de cercle créant, outre les motifs de monstres, des symboliques mathématiques complexes. Il y a donc beaucoup plus qu'un simple décor.

La phase « baroque » de l'art celtique

Sur les objets du IVe siècle avant J.-C., on trouve un décor formé de motifs d'inspiration végétale enchaînés les uns aux autres et traité à plat qui donne son nom à un style artistique : le « style végétal continu ». Avec son exubérant décor de monstres zoomorphes ou anthropomorphes traités en relief, la garniture de Roissy est caractéristique du style qui lui succède, baptisé « style plastique », qui se développe au IIIe siècle avant J.-C. Les autres objets trouvés dans la tombe en témoignent également, comme la clavette du char (pièce qui permet de fixer la roue à l'essieu) décorée de faces d'animaux fantastiques en bronze [ image 2 ] , ou les appliques aux curieux masques se présentant les yeux ouverts ou fermés [ image 3 ]. Les formes exubérantes de ces objets, souvent qualifiées de « baroques », se distinguent nettement de celles du style végétal continu image 4.

La tombe à char et son mobilier atypique

Des deux tombes à char découvertes à Roissy, la plus riche est celle qui abritait la garniture aux dragons. L'homme, sans armement, a été allongé sur le dos dans la caisse de son véhicule cérémoniel à deux roues. Ce char fut déposé dans une grande fosse revêtue et recouverte de planches pour constituer une chambre funéraire.

Le mobilier disposé autour du défunt comprenait un nécessaire de toilette masculin avec un rasoir. Près de sa tête ont été déposés de drôles d'objets parmi lesquels un galet gris strié de rayures plus foncées, considéré comme une amulette. Sa parure se composait d'un bracelet de bronze et d'une fibule de fer. Fait rare pour l'époque, la tombe contenait également deux céramiques.

Une tombe de druide ?

La richesse de cette sépulture, la présence d'objets insolites, des amulettes et des vases, amènent à s'interroger sur l'occupant de la tombe. L'absence d'arme montre que le défunt n'est pas un aristocrate guerrier. Pourrait-il s'agir d'un druide ?

L'existence des druides est attestée, mais il est difficile d'identifier ces personnages par l'archéologie. Nous savons qu'ils utilisaient des cailloux et des nombres pour prédire l'avenir. Peut-être le petit galet faisait-il partie de cet attirail de divination. Dans la société gauloise composée en majorité de paysans dominés par une aristocratie guerrière, les druides avaient pour principales fonctions d'organiser les cultes publics et de régler les problèmes juridiques. Mais ces savants philosophes s'intéressaient avant tout à l'astrologie et tentaient de percer les secrets de l'univers.

Il n'est pas impossible que la tombe de Roissy soit celle d'un druide versé dans les mathématiques, emportant dans l'au-delà tous les symboles de son pouvoir, dont l'élément le plus spectaculaire et le plus emblématique est cette garniture aux dragons qu'il aurait pu d'ailleurs tout à fait concevoir lui-même.

Applique circulaire à décor ajouré by France Collections on Sketchfab

Christine Vève

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/garniture-de-roissy

Publié le 30/07/2014

Ressources

Émission « L’art gaulois, esthétique et symbolique » avec Laurent Olivier

https://www.franceculture.fr/personne-laurent-olivier.html

Émission « Qui étaient les Gaulois ? » avec Jean-Louis Brunaux

https://www.franceculture.fr/emissions/le-salon-noir/la-gaule-de-jean-louis-brunaux

Les collections gauloises du musée d’Archéologie nationale

http://www.musee-archeologienationale.fr

Sur l’exposition « Gaulois, une exposition renversante », à la Cité des sciences et de l’industrie, 19 octobre 2011 – 2 septembre 2012

http://www.cite-sciences.fr/au-programme/expos-temporaires/gaulois/visite-exposition-Gaulois/presentation-exposition.php

Sur le site gaulois d’Acy-Romance, dans les Ardennes

http://www.gaulois.ardennes.culture.fr/index.php?version=accessible

Glossaire

Bronze : Alliage de cuivre et d’étain.

Fibule : Épingle le plus souvent en métal servant à maintenir les pans d’un vêtement.

Nécropole : Cimetière.

Registre : Dans une œuvre peinte ou sculptée, lorsqu’un décor est réparti sur plusieurs bandes superposées, le registre désigne l’ensemble des éléments situés au même niveau.

Anthropomorphe : Qui a la forme humaine.