David Donatello

David

Auteur

Dimensions

H. : 158 cm

Provenance

Technique

Sculpture

Matériaux

Bronze

Datation

Vers 1435-1440

Lieu de conservation

Italie, Florence, musée du Bargello

Héros biblique ou dieu antique ?

La Renaissance, qui apparaît à Florence au début du XVe siècle, touche progressivement tous les arts. La sculpture joue un rôle majeur dans son développement, grâce notamment à un artiste comme Donatello, incontestablement le sculpteur le plus novateur et le plus influent de son temps. Formé par un maître d'une sensibilité encore médiévale, il apporte un souffle nouveau et obtient de nombreuses commandes pour les églises de Florence. Sa renommée dépasse bientôt les murs de sa ville natale : il est appelé à travailler dans toute la Toscane et jusqu'en Vénétie, contribuant ainsi à la diffusion des nouvelles formes florentines. Il excelle dans tous les formats, dans tous les matériaux et dans tous les sujets, profanes ou religieux. Son habileté dans la représentation des expressions, de la douceur d'une mère [ image 1 ] à la détermination farouche d'un guerrier [ image 2 ] , distingue ses sculptures entre toutes. Sa statue en bronze de David [ image principale ], aujourd'hui conservée au musée du Bargello à Florence, est l'une de ses œuvres les plus célèbres.

David, un héros biblique

Comme le relate la Bible (Samuel I, 16-18), David est un jeune berger que Saül, roi d'Israël, appelle à son service pour ses talents musicaux. Alors que la guerre contre les Philistins fait rage, il défie le champion du camp adverse, le géant Goliath, qui terrorise les armées de Saül. Armé d'une simple fronde, David l'abat d'une pierre en plein front, puis lui tranche la tête avec sa propre épée. Cette victoire inespérée en fait un héros pour le peuple d'Israël.

Le bronze de Donatello représente David debout, un pied posé sur la tête de Goliath qui gît sur le socle orné de laurier, symbole de la victoire du berger [ détail b ]. La pierre qu'il tient dans la main gauche et l'épée rappellent le combat qu'il vient de livrer. La plume du casque de Goliath est plaquée contre la jambe droite du jeune homme. Les boucles de la barbe du géant semblent caresser les orteils de David. Sa longue chevelure et son chapeau rustique au décor de lierre [ détail c ] ajoutent une note pittoresque qui tempère la violence qui pourrait émaner de l'ensemble. Dans cette œuvre conçue pour être présentée sur un haut socle, David penche la tête vers le spectateur. Son regard pensif, presque absent, semble indiquer qu'il a vaincu Goliath avec aisance, signe de la protection divine qui lui a été octroyée.

Au début de sa carrière, Donatello avait déjà eu l'occasion de traiter ce thème avec la commande d'une statue de marbre [ image 3 ] pour la cathédrale de Florence. Mais les deux œuvres ont très peu en commun : l'une est réalisée sous l'influence d'un maître d'une autre génération, l'autre est déjà tout imprégnée des idées nouvelles de la Renaissance, inspirées de l'Antiquité.

Nu comme un dieu antique

Donatello choisit de représenter ce second David avec un corps nu d'adolescent, évoquant des sculptures grecques du IVe siècle av. J.-C. [ image 4 ] qu'il pouvait connaître par des répliques ou des sarcophages romains. La nudité affirme l'innocence et le caractère héroïque du personnage. Elle le rapproche de grandes figures mythologiques, comme Persée qui trancha la tête de Méduse.

Le visage au nez droit témoigne aussi de l'influence antique et rappelle notamment les portraits romains du jeune favori de l'empereur Hadrien, Antinoüs, qui incarnaient l'idéal classique [ image 5 ]. Les muscles sont peu marqués, le corps de l'adolescent est gracile, presque androgyne. La pose, pied gauche sur la tête de Goliath, confère au jeune homme un air nonchalant.

Une jambe tendue porte le poids du corps, l'autre est légèrement pliée [ détail d ] : cette attitude à la fois dynamique et stable est appelée contrapposto ou hanchement. Inventée par les sculpteurs grecs au Ve siècle av. J.-C., elle devient caractéristique de l'art occidental à partir de la Renaissance. Le David de Donatello lui doit une sorte de désinvolture qui atténue la violence de l'histoire. Quant au choix du bronze, matériau plus onéreux que le marbre, il a probablement été dicté par la volonté du commanditaire et de l'artiste de créer une œuvre prestigieuse dans la lignée des bronzes antiques. De la statue se dégage une double ambiguïté : fragilité apparente et assurance du vainqueur, sensualité juvénile et figure majeure de la Bible.

Un modèle de civisme et un symbole pour la république florentine

La statue a vraisemblablement été commandée vers 1440 par Cosme de Médicis (1389-1464) dont Donatello était proche. Dans la seconde moitié du XVe siècle, elle se trouvait à Florence dans la cour du palais Médicis, lieu de rassemblement et de fête. Bien que son sujet soit tiré de la Bible, l'œuvre de Donatello n'est donc pas une œuvre religieuse. Ce n'est pas le protégé de Dieu, le futur roi d'Israël, qui est célébré à travers elle, mais un jeune garçon d'extraction modeste au courage exemplaire, un modèle de civisme. À l'origine de la puissance politique de sa famille, Cosme de Médicis, en commandant cette œuvre, souhaitait peut-être montrer que sa conduite était guidée, comme celle de David, par l'intérêt général.

À la suite d'un soulèvement contre les Médicis en 1495, la statue est emportée par leurs opposants comme un trophée et placée dans la cour du palais de la Seigneurie, siège du pouvoir politique : elle y devient dès lors un symbole républicain de la victoire sur la tyrannie. C'est dans cet esprit que Michel-Ange réalisera quelques années plus tard son célèbre David [ image 6 ] , lui aussi jeune et nu, mais fier et redoutable (une sculpture qui sera installée devant le palais de la Seigneurie).

La statue en bronze de David est vite devenue célèbre et l'est restée. Elle a longtemps été considérée, à tort, comme le premier grand bronze fondu et le premier nu de grande taille réalisé depuis l'Antiquité. L'œuvre de Donatello demeure néanmoins emblématique d'un tournant dans l'histoire de l'art. Au XIXe siècle, lorsque la Renaissance revient à la mode, elle sert de modèle à Antonin Mercié [ image 7 ], un artiste qui participe à l'éclosion d'une sculpture « néoflorentine ».

Nathalie Gathelier

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/david

Publié le 20/09/2013

Ressources

David à la cour de Saül, dans la Bible (Samuel I, 16-18)

http://bibliotheque.editionsducerf.fr/par%20page/84/TM.htm#

Un article sur la sculpture à Florence au XVe siècle

http://www.aparences.net/le-quattrocento/la-sculpture-du-quattrocento-a-florence/

Un site sur la Renaissance mais en anglais…

http://www.italian-renaissance-art.com/Three-Davids.html

Glossaire

Bronze : Alliage de cuivre (au moins 75 %) et le plus souvent d’étain. 

Antinoüs : Jeune Égyptien, amant de l’empereur Hadrien (76-138). Il est divinisé après sa mort sous la forme d’Osiris-Antinoüs. La ville d’Antinoë fondée par Hadrien perpétue son souvenir. Son image devient un idéal de beauté dans l’art romain.

Osiris : Dieu du monde des morts de l’Égypte pharaonique. Sa personnalité se construit et se complète au fil des siècles jusqu’à l’époque romaine. Fils de Geb, la terre, et de Nout, le ciel, il est désigné premier roi sur terre par le démiurge (ou créateur) Atoum. Assassiné par son frère Seth, jaloux de lui, il est le premier être de la création à avoir subi le drame de la mort. Ramené à la vie par l’intervention magique de son épouse Isis, il règne dès lors sur l’au-delà. Il est représenté gainé dans un linceul, portant une couronne et les sceptres de la royauté.

Héros : Dans la Grèce antique, personnage le plus souvent issu de l’union d’une divinité et d’un mortel auquel on prête des aventures exceptionnelles. Associé à la vie locale, un culte est rendu sur son tombeau.

Médicis : Famille florentine de banquiers collectionneurs et protecteurs des arts. Ses membres s’emparent progressivement du pouvoir à Florence au XVe siècle. Deux grands papes de la Renaissance en sont issus : Léon X (1475-1521) et Clément VII (1478-1534). Anoblie au XVIe siècle, la famille Médicis s’allie deux fois à la France en lui donnant deux reines et régentes : Catherine (1519-1589), épouse d’Henri II, et Marie (1575-1642), épouse d’Henri IV.

Nudité héroïque : Dans l’ancienne Grèce, la nudité traduit formellement l’idéal aristocratique du kaloskagathos, celui qui est « beau et bon ». Elle exprime le caractère exceptionnel du personnage figuré, ce qui conduit à représenter ainsi les dieux, les héros et tous ceux qui, comme les guerriers et les athlètes, aspirent à une héroïsation.

Renaissance : Mouvement artistique né au XVe siècle en Italie et qui se diffuse dans le reste de l’Europe au XVIe siècle. Il repose sur la redécouverte, l’étude et la réinterprétation des textes, monuments et objets antiques. À la différence de la pensée médiévale qui donne à Dieu une place centrale, c'est l'homme qui est au cœur de la pensée de la Renaissance.   

Statue : Sculpture en trois dimensions réalisée dans différents types de matériaux (pierre, bois, métal, terre).