Portrait des époux Arnolfini Van Eyck Jan

Les Époux Arnolfini

Auteur

Dimensions

H : 0,822 m ; L. : 0,6 m

Provenance

Technique

Peinture

Matériaux

Huile sur bois, Chêne (bois)

Datation

1434

Lieu de conservation

Royaume-Uni, Amesbury

Qui sont ces deux personnes ?

Ce tableau image principale est sans doute l'un des plus prestigieux de l'école des Pays-Bas du Sud. Sa célébrité est due à son histoire mouvementée, à l'élégance du couple représenté et au recours à la peinture à huile, technique nouvelle mise en œuvre ici par Jan Van Eyck, peintre de la Flandre du XVe siècle image 6 (aujourd'hui approximativement la Belgique). Cette province active et industrieuse a pour capitale commerciale et artistique Bruges image 6, qui accueille de nombreux voyageurs, parmi lesquels les Arnolfini, marchands italiens venus de Lucques, image 7,. Elle attire également de brillants peintres comme Gérard David, Hans Memling ou Jan Van Eyck image 1, qui s'y installe en 1425.

Le duc de Bourgogne engage ce dernier comme peintre, mais aussi comme agent secret… Van Eyck dirige un important atelier image 2 au sein duquel il met au point une nouvelle technique : la peinture à l'huile.

Un couple élégant

Van Eyck peint ici un couple en pied image principale dans une chambre.

L'homme image b soutient la main image c de la femme image d. Il porte un pourpoint noir, sorte de justaucorps qui couvre le torse, et une huque (casaque ample portée comme un manteau) de velours violet doublée de fourrure de martre zibeline. Il porte au doigt une bague en or, sans doute offerte par son épouse.

La dame image d est coiffée d'une huve dont les plis retombent sur son col. Elle est vêtue d'une robe bleue et d'un surcot vert bordé de fourrure grise, peut-être du pelage de ventre d'écureuil. Le modèle de cette robe, la traîne ramenée sur le ventre et la pose cambrée de la dame correspondent à la mode du XVe siècle.

Les vêtements de l'un et l'autre traduisent le luxe et l'élégance. Au sol, sont posées deux paires de socques image e image f, sur-chaussures utilisées en extérieur permettant d'éviter de salir le bas des habits. Les personnages sont immobiles. Ils adoptent une pose hiératique et solennelle.

Un intérieur médiéval flamand luxueux et confortable

Cet intérieur de maison flamande témoigne du confort bourgeois par son décor et son mobilier. Il est ici décrit avec un important souci de réalisme.

Van Eyck présente une salle largement baignée de lumière grâce à la fenêtre à meneaux image g, à gauche, ouvrant sur la ville de Bruges. Le lit à courtines image h, les sièges de bois sculpté garnis de coussins, le coffre sous la fenêtre sont des meubles fréquemment rencontrés. Toutefois, les vitres image g, le lustre ouvragé image i, le tapis posé sur le sol et surtout le miroir image j sont des éléments de luxe.

Le miroir image j, convexe car on ne sait pas encore fabriquer de miroirs plats, est d'un grand raffinement. Ses grandes dimensions (la plupart des miroirs sont à cette époque de la taille d'un poudrier) augmentent sa valeur. Enfin, il est inséré dans un encadrement à médaillons représentant dix scènes de la Passion du Christ, de sa mort et de sa résurrection. Chacune d'entre elles est lisible et identifiable. Le miroir est utilisé par les peintres pour montrer un autre point de vue, approfondir l'espace, renvoyer la lumière. Il devient un élément récurrent du tableau à partir de cette époque image 3 image 4. Ici, il reflète deux personnages, vêtus de bleu et de rouge, entrant dans la pièce derrière nous, et révèle une deuxième fenêtre justifiant la lumière sur le visage de la dame et sur le sol. En revanche, dans le reflet, la position des mains est différente et le petit chien image k qui apparaît au premier plan a disparu.

Le lustre à six branches image i, sans doute en bronze et laiton doré, ne porte qu'une bougie, curieusement allumée en plein jour.

À l'arrière-plan du tableau, on observe un chapelet, réservé à la prière individuelle image l, et trois sculptures en bois : une sorte de figure diabolique image m, un lion image n et une sainte en oraison image o, qui domine le dossier de la chaire image o.

Une lecture plus attentive permet de découvrir d'autres détails, comme les cerises image p sur l'arbre visible à gauche, la pomme sur l'appui de la fenêtre image q et les oranges image r sur le coffre.

Entre le lustre et le miroir, le mur porte une inscription en écriture gothique image s : Johannes de Eyck fuit hic, 1434 (« Van Eyck était ici, 1434 »). À cette période, les signatures de peintre sont encore rares, et celle-ci est inhabituelle. Généralement, l'artiste signe pinxit ou pingebat (« a fait », « a composé »). Ici, Van Eyck se contente de rappeler sa présence (« était ici »). Il se signale non comme peintre, mais comme témoin. Mais de quel événement ?

La peinture à l'huile

Jusqu'alors, les artistes utilisaient la peinture a tempera (à la colle et à l'eau).

La peinture à l'huile emploie des pigments similaires, mais liés à l'huile de lin ou d'œillette et dilués à l'essence de térébenthine. Elle autorise la superposition de fines couches colorées pour obtenir, par la transparence, des effets de relief et de perspective. Son séchage, très lent, permet des reprises nombreuses.

La technique à l'huile offre une très bonne résistance dans le temps et laisse une grande souplesse à la couche picturale. Cette souplesse permettra de passer d'un support de bois à un support de toile tendue sur châssis.

L'huile présente plusieurs avantages sur les techniques à l'eau. Transparente, elle permet une meilleure transcription de la profondeur et de la lumière plus consistante, elle donne une finition plus minutieuse séchant plus lentement, elle peut se travailler de façon plus méticuleuse.

Jan Van Eyck et son frère Hubert utilisent et perfectionnent cette technique en associant des résines transparentes à l'huile.

Pour plus de précision des détails, les peintres travaillent avec une loupe d'eau ou boule à eau pour obtenir le grossissement nécessaire. Ce procédé est également adopté par les brodeurs, dentellières, sculpteurs sur ivoire…

Un tableau complexe : interprétations et symboles

Les socques image e de l'homme sont maculées de boue, indiquant qu'il vient de l'extérieur, tandis que celles de la femme image f, plus élégantes, montrent qu'elle n'est pas sortie, son univers étant celui de la maison.

Les oranges image r, fruits exotiques et coûteux, le tapis d'Orient, la fourrure de Russie témoignent du commerce maritime de la Flandre et de la prospérité économique du commanditaire.

La pomme image q évoque la tentation d'Adam.

Le chien image k incarne la fidélité conjugale.

Les sculptures sont identifiables, comme le lion de la force, le monstre du mal et sainte Marguerite protégeant les femmes enceintes.

On a voulu interpréter le tableau comme une scène de mariage, en raison d'un faisceau d'indices : vert de la fertilité, chien de la fidélité, flamme de l'amour, pomme du péché originel, position des mains… Il s'agirait d'un mariage privé.

Le peintre ne serait plus uniquement l'artiste signant son œuvre, mais le témoin certifiant un acte officiel par sa présence et par sa signature image s.

Une interprétation discutée

À partir du moment où il est présenté au public en 1841, lors une exposition à Londres, le tableau devient l'objet d'études et d'interprétations parfois fantaisistes.

Dès 1857, le nom d'Hernoul-le-Fin, transcrit sur les inventaires, est transformé en Arnolfini. Les recherches s'orientent alors autour de cette famille italienne originaire de Lucques image 7.

On trouve à Bruges en 1434 deux Arnolfini, dont Giovanni di Nicolao Arnolfini (1400-1472), connu par un portrait image 5. Il s'installe à Bruges vers 1421, vend des soieries et des tapisseries, devient conseiller de Philippe le Bon, majordome de Charles le Téméraire, et est anobli en 1462. Il est également proche du roi de France. Il épouse Costanza Trenta en 1426, qui meurt en couche en 1433. Le double portrait ayant été réalisé en 1434, on suppose qu'il a fait réaliser ce tableau en souvenir de son épouse défunte. Même s'il est vêtu de couleurs de deuil (noir et violet), l'hypothèse de l'identité de cet homme tombe lorsque l'on compare son visage à celui de son portrait image 5.

En revanche, le portrait de Van Eyck image 1 et celui de son épouse Margareta présentent des ressemblances physiques avec le double portrait qui sont incontestables.

Une autre hypothèse serait que Van Eyck, en raison de l'absence du modèle, madame Arnolfini défunte, a peint la dame d'après les traits de son épouse Margareta.

Enfin, le tableau pourrait représenter le portrait de Van Eyck et de son épouse, complété de deux personnages apparaissant dans le miroir (son frère Hubert, des témoins, un prêtre, des parents…). Le peintre aurait alors peint son propre mariage…

Van Eyck's Arnolfini Portrait | National Gallery

Les clés du regard - Jan van Eyck

Marie-Bélisandre Vaulet-Lagnier

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/portrait-des-epoux-arnolfini

Publié le 03/08/2022

Ressources

Le secret des époux Arnolfini, Jean-Philippe Postel

https://www.youtube.com/watch?v=0HoXbXemXwg

Glossaire

Châssis : Cadre généralement en bois sur lequel est tendue une toile. Jusqu’au XVIe siècle, les artistes travaillent sur des panneaux de bois rigides, parce que la couleur a tempera craquèle lors du séchage. La peinture à l’huile étant plus élastique, elle peut être appliquée sur des supports plus souples, comme la toile, tendue sur un châssis. Plus légère que le bois, elle permettra des formats plus grands.

Art gothique : Style qui se développe à partir du milieu du XIIe siècle jusqu’au début du XVIe siècle dans l’Occident chrétien.

Courtine : Rideau servant à dissimuler et décorer un lit, permettant davantage d’intimité et limitant les courants d’air.

Huve : Coiffe empesée qui enserre la tête des femmes et retombe en plis sur les épaules. Au Moyen-Âge, une femme de bonne moralité ne peut se montrer «en cheveux».

Martre zibeline : Petit mammifère de Sibérie très recherché pour sa fourrure, témoin des échanges entre Bruges, les pays de la mer Baltique et la Russie.

Portrait en pied : Image représentant un ou plusieurs personnages de la tête jusqu’aux pieds, à la différence d’un portrait de tête, en buste, à mi-corps, de trois quarts.

Vitre : Au XVe siècle, les fenêtres sont souvent isolées à l’aide de toiles ou de parchemins cirés, peu isolants contre le froid, et filtrant la lumière. La présence de vitres (en verre transparent) témoigne d’une grande aisance matérielle.

Tempera : Technique de peinture à base de pigments (couleurs minérales ou métalliques) mélangés à de l’eau et à de la colle (souvent de l’œuf).

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