Femme drapée

Femme drapée

Auteur

Dimensions

H. 23,5 cm

Provenance

Grèce, Tanagra

Technique

Sculpture

Matériaux

Terre cuite

Datation

vers 320-300 av. J.-C.

Lieu de conservation

France, Paris, musée du Louvre

Un jouet ou une œuvre religieuse ?

La présente figurine image principale illustre parfaitement ce que l'on appelait, au XIXe siècle, un ou une tanagra, et qu'il convient aujourd'hui de nommer une tanagréenne. Ce type de figurine en terre cuite abonde sur le marché de l'art dans les années 1870. Découvertes fortuitement ou à l'occasion de fouilles clandestines, elles proviennent de milliers de tombes de Béotie, près de la cité antique de Tanagra, située à une quarantaine de kilomètres d'Athènes. Des fouilles archéologiques menées sur près de dix mille de ces tombes ont permis de déterminer leur présence uniquement dans des sépultures datées d'entre 625 et 200 av. J.-C.

Le thème de la femme drapée

Cette figurine image principale représente une femme drapée dans un manteau de laine (himation) porté sur une robe de lin (chiton). Ses vêtements mettent en valeur la pose élégante qu'elle adopte, hanchée, en appui sur sa jambe gauche. Les plis sinueux du manteau cachent son bras droit et laissent émerger sa main gauche qui tenait à l'origine un accessoire aujourd'hui disparu, sans doute un éventail.

Si la femme drapée est le thème de prédilection des artistes et artisans de la période hellénistique, entre 330 et 200 av. J.-C., les figurines présentent toutefois des sujets très variés image 1, leur emploi et leur signification étant multiples.

« Un petit peuple d'argile »

En effet, en contexte funéraire, les figurines représentent des divinités image 2, des animaux consacrés aux dieux image 3, des officiants, des acteurs image 4 ou encore des personnages de comédie, le théâtre faisant partie de la vie religieuse. Ce sont des images protectrices, des jouets pour les enfants et des objets familiers du défunt, souvent associées aux passages de la vie : de l'enfant à l'éphèbe image 5, de l'éphèbe au citoyen, de la jeune fille à la femme mariée. Certaines ont été retrouvées brisées intentionnellement, peut-être pour évoquer une vie trop brève ou à l'occasion de rites funéraires encore inconnus.

On sait maintenant que ces figurines existaient dans l'ensemble du monde grec. Déposées dans les sanctuaires ou dans les maisons sur des autels, elles pouvaient être des ex-voto, représentant alors des divinités, des humains ou les dédicants eux-mêmes.

Une production en série

Seule l'argile, matériau bon marché et facile à obtenir, était utilisée pour la production en série de ces figurines. Ces dernières pouvaient être soit modelées, soit, à partir du viie siècle av. J.-C., fabriquées à partir d'un ou de plusieurs moules image 7. La tête, les bras et les différents accessoires, appelés abattis, pouvaient être fabriqués séparément, puis fixés à la barbotine sur le corps démoulé image 8. Les figurines ainsi réalisées était fixées sur un socle, puis séchées et cuites entre 600 et 800 °C. Pendant la cuisson, un trou d'évent, situé dans le dos de ces figurines creuses détail b, permettait à la vapeur d'eau de s'échapper.

De multiples variantes

Malgré la production en série des figurines, des variations autour d'un même modèle étaient possibles. En effet, sorti du moule, le corps pouvait être repris avant cuisson et décliné en modifiant la position de la tête, en ajoutant un voile, un chapeau (la tholia), un éventail ou encore en adjoignant un autre personnage image 9.

Différentes tailles étaient également proposées pour un même modèle, car les moules pouvaient aussi être obtenus par surmoulage d'une figurine. De surmoulage en surmoulage, les figurines devenaient de plus en plus petites, l'argile se rétractant lors de son séchage et de sa cuisson.

Enfin, l'application de couleur après cuisson, donc très fragile, permettait de varier les modèles. Les exemplaires les plus soignés, sans aucun doute les plus coûteux, ont ainsi reçu une couche de l'onéreux bleu égyptien et des feuilles d'or image 10. D'autres encore étaient entièrement dorés pour imiter de petits bronzes. Les analyses scientifiques menées sur la femme drapée image principale ont révélé la présence de traces de pigments bleu et jaune pour les vêtements, rouge pour les cheveux et rose pour la carnation sur une préparation blanche, encore bien visible, à base de minerai de kaolinite.

Centres de production et diffusion

Les figurines ont été très largement diffusées dans le monde grec, et des exemplaires ont été retrouvés jusqu'à Babylone, Suse, ou encore les cités de la mer Noire. Cependant, elles ne proviennent pas toutes de Tanagra. Des fouilles et des travaux scientifiques récents ont effectivement démontré que les premières figurines ont été fabriquées à Athènes dans la seconde moitié du ive siècle av. J.-C. D'autres grands centres de production ont également été identifiés, comme Myrina et Smyrne.

« Modeleurs de poupées » et grands artistes

Longtemps, les fabricants de figurines antiques ont souffert d'un grand manque de considération. En effet, contrairement aux sculpteurs et aux peintres sur vase dont les auteurs antiques vantent le talent, ils ne sont généralement pas mentionnés dans les textes. Au ive siècle av. J.-C., l'orateur Isocrate les qualifie même, avec mépris, de modeleurs de poupées.

Si les premiers historiens de l'art ont, eux aussi, longtemps porté un regard dédaigneux sur ces « offrandes des pauvres », les figurines féminines sont particulièrement prisées au xixe siècle. Alors surnommées les Parisiennes de l'Antiquité, elles connaissent un engouement immense auprès des amateurs de la bonne société. Les tanagréennes ayant sans doute été inspirées par des œuvres de grands sculpteurs de la période classique et reprenant certaines recherches de Praxitèle image 11 – effets inédits de drapés jouant avec les textures des différents tissus, sensibilité nouvelle dans la représentation du corps féminin, expression parfois songeuse de têtes inclinées sur le côté, coiffures féminines dites en côtes de melon notamment –, des artistes académiques s'en inspirent, comme Jean Léon Gérôme dans sa Tanagra tenant dans sa main la Danseuse au cerceau image 12. Qu'aurait dit Isocrate s'il avait su que ces fragiles statuettes sont aujourd'hui appréciées comme de précieux témoins, souvent intacts, s'inspirant de la grande statuaire disparue ou partiellement conservée ?

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Sandrine Bernardeau

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/femme-drapee

Publié le 22/02/2017

Ressources

Le mini-site de l’exposition « Praxitèle. Un maître de la sculpture antique » présentée en 2007 au musée du Louvre

http://mini-site.louvre.fr/praxitele/html/1.4.1_fr.html

Glossaire

Bleu égyptien : Premier  pigment artificiel connu dont l’emploi apparaît dans l’art égyptien à partir de la IVe dynastie (vers 2600 avant J.-C.). C’est un mélange savant qui se présente en bloc et dont l’intensité de bleu varie en fonction du temps de cuisson. Commercialisé dans l’ensemble du bassin méditerranéen, il cesse d’être utilisé vers le VIIe siècle après J.-C.

Ex-voto : Objet offert à une divinité et placé dans un lieu de culte pour la remercier d’un bienfait ou en solliciter un.

Cité : Dans la Grèce antique, le terme désigne une communauté politique autonome comprenant un espace urbain et les territoires qui l’entourent.

Barbotine : Pâte liquide composée le plus souvent d’argile utilisée pour coller des éléments de décor sur une sculpture en terre.

Éphèbe : Terme grec désignant un beau jeune homme

Période hellénistique : Dernière période chronologique de la civilisation grecque antique. Elle s’étend de la mort d’Alexandre le Grand en 323 av. J.-C. à la défaite des royaumes hellénistiques vaincus par les Romains à la bataille d’Actium en 31 av. J.-C. Par le choix des thèmes, l’art hellénistique privilégie la représentation de la souffrance humaine et affirme la toute-puissance des dieux. Il offre les premières représentations de l’âge, du petit enfant au vieillard. Il s’intéresse à la représentation du corps en mouvement et à l’expression des sentiments.