Lambris du cabinet de l’appartement sur cour de l’hôtel Villemaré-Dangé Rousset Pierre-Noël

Lambris du cabinet de l’appartement sur cour de l’hôtel Villemaré-Dangé

Dimensions

Provenance

Paris, hôtel Villemaré-Dangé, cabinet de l’appartement sur cour

Technique

Sculpture, Peinture, Dorure

Matériaux

Bois, Miroir, Stuc, Peinture, Or (métal)

Datation

vers 1750

Lieu de conservation

France, Paris, musée du Louvre

En quoi le décor du cabinet d’un hôtel particulier parisien reflète-t-il l’art de vivre à la française du milieu du XVIIIe siècle ?

Cet ensemble de boiseries image principale provient d'un hôtel particulier parisien, l'hôtel Villemaré-Dangé. Réalisé au milieu du XVIIIe siècle pour son propriétaire, François-Balthazar Dangé, fermier général du roi Louis XV, il décorait un cabinet de l'appartement sur cour. Il a été déposé et transféré au musée du Louvre à la fin du XIXe siècle.

L'hôtel Villemaré-Dangé

L'hôtel Villemaré-Dangé est situé au 9 place Vendôme, à Paris.

Sa construction remonte à la fin du XVIIe siècle, lors de l'aménagement de la place par Jules Hardouin-Mansart. L'architecte réalise la façade de l'hôtel, avant de revendre le lot à Jean-Bonaventure Le Lay de Villemaré, fermier général de Louis XIV, vers 1703. Ce dernier commande à un second architecte, Jean-Baptiste Bullet de Champlain, la construction du reste du bâtiment entre 1708 et 1716.

Au milieu du XVIIIe siècle, François-Balthazar Dangé, fermier général de Louis XV, devient propriétaire de l'hôtel. Il y fait réaliser des travaux et commande de nouvelles boiseries à l'architecte Pierre-Noël Rousset. Celles-ci restent en place jusqu'en 1898 trois ensembles sont par la suite déposés au musée du Louvre, où ils sont visibles aujourd'hui, et le quatrième au musée des Arts décoratifs.

Des boiseries au goût du jour

La mode ayant évolué entre 1708 et 1750, le nouvel acquéreur fait réaliser des boiseries rocaille au goût du jour il ne s'agit plus du rocaille exubérant des années 1730 et 1740, mais d'un rocaille assagi, moins chantourné.

Les boiseries ici présentées sont celles d'un petit cabinet, qui était situé au bout de l'enfilade côté cour et donnait sur une petite terrasse.

La pièce se composait de deux fenêtres sur cour, une porte vitrée, une porte couverte de glaces et deux pans coupés, l'un garni d'une cheminée de marbre blanc, l'autre d'une console de bois doré.

Le cabinet était orné de lambris de bois, ou boiseries récemment restaurés, ils nous donnent une bonne idée de la mode dans les hôtels particuliers parisiens des années 1750.

Un petit cabinet privé pour une vie familiale ou amicale

Au XVIIIe siècle, le développement de la vie privée au détriment de la vie publique se manifeste par la création d'un nombre important de petites pièces dites cabinets, où se déroule la vie familiale et amicale.

L'apparat cède la place à l'intime, le luxueux au raffiné, l'ostentatoire au confortable. Ainsi, les précieux marbres du XVIIe siècle sont remplacés par des lambris de bois sculptés, peints et dorés, qui protègent mieux du froid et de l'humidité.

Un décor rare

Les boiseries du cabinet de l'appartement sur cour de l'hôtel Villemaré-Dangé sont composées de lambris bas (dits à hauteur d'appui), simplement moulurés, et de hauts lambris, également moulurés. Elles sont ornées de cartouches irréguliers caractéristiques du style rocaille, composés de courbes et de contre-courbes, accompagnés de motifs en ailes de chauve-souris, agrafes et guirlandes de fleurs, coquilles et brindilles, contenant des peintures d'amours jouant sur des nuages image b image c.

Ce type de décor est relativement rare en effet, les cartouches étaient généralement sculptés et peints, et plutôt situés au-dessus d'une porte que sur les lambris. Ce décor d'amours, ou putti, rappelle celui du salon de l'Œil-de-Bœuf image 1, au château de Versailles, voulu par Louis XIV au début du XVIIIe siècle il évoque également ceux des tasses en porcelaine de la manufacture de Sèvres image 2, ou encore des tableaux représentant des jeux d'enfants par le peintre François Boucher image 3.

Les lambris sont peints d'un bleu soutenu, souligné d'un jeu de filets dorés et blancs ils sont surmontés d'une corniche en stuc, également peinte en bleu, ornée de rinceaux dorés et de cartouches à décor doré sur fond blanc.

La porte de bois, peinte en blanc et encadrée de bleu, accueille un ensemble de glaces et, dans la partie supérieure, des amours jouant sur des nuages. Plus haut, le dessus de porte est sculpté d'un trophée de divers instruments dorés sur fond blanc et d'une guirlande de fleurs qui part de la coquille centrale et rejoint les deux extrémités du panneau.

L'encadrement de glace, plus travaillé, est constitué d'une baguette enguirlandée et surmonté d'une coquille comme pour la porte, un trophée sculpté et doré domine l'ensemble.

Une cheminée de marbre blanc rappelle la cheminée d'origine.

Il est rare à l'heure actuelle de voir de telles couleurs vives sur des lambris rocaille. La mode a occasionné beaucoup de modifications, repeints ou destructions de ces boiseries mais les couleurs d'origine ont pu être retrouvées par des analyses stratigraphiques, l'étude des archives, particulièrement les inventaires après décès qui donnent des indications sur les couleurs employées, et l'observation d'œuvres du peintre François Boucher telles que Le Matin (Wallace Collection) ou Le Déjeuner (musée du Louvre).

Une harmonisation bleu, blanc et doré

L'inventaire après décès de Madame Dangé (1772), connue grâce à son portrait réalisé par le peintre Louis Tocqué image 4, nous permet de comprendre que l'ameublement et les objets étaient assortis au décor des murs. Ainsi, le cabinet était meublé de six fauteuils et quatre chaises de bois doré garnis d'un damas (tissu de soie) rayé bleu et blanc, étoffe reprise pour les rideaux des vases en porcelaine et un pot-pourri bleu et blanc complétaient le décor.

Un ameublement caractéristique de celui d'un cabinet

L'ameublement visible correspond à celui d'un cabinet, composé de petits meubles légers : un secrétaire en pente, une table à écrire, des chaises dites « à la reine » à dossier plat (sièges « meublants ») le long des murs, des sièges « courants » à dossier légèrement courbe, plus confortables, et une bergère au dossier enveloppant bien le dos et dont le capitonnage sous les accotoirs protège des courants d'air.

La garniture de cheminée, composée d'une pendule et de deux caisses à fleurs en porcelaine, est bien représentative des garnitures de cheminée.

Le lustre est un peu démodé, correspondant davantage à ceux de la fin du règne de Louis XIV. Des bras de lumière, ou appliques, encadrent la cheminée sur chacun, l'une des branches pouvait être placée devant le miroir, permettant d'intensifier la lumière.

Dans la cheminée, les « feux » ou chenets, en bronze doré, décorent l'âtre et masquent les barres de soutien des bûches.

Enfin, le sol est couvert d'un parquet « à la Versailles », c'est-à-dire à motifs de losanges.

Le cabinet de l'appartement sur cour de l'hôtel Villemaré-Dangé était donc une petite pièce bien à la mode. Lambrissée, intime, facilement chauffable, éclairée par la lumière du jour ou des bougies qui se reflètent dans le grand miroir, elle était confortablement aménagée pour passer des moments agréables entre amis ou en famille. Un art de vivre à la française au XVIIIe siècle.

Glossaire

Cabinet : Pièce à usage privé, réservée à l’étude, à la collection ou à la toilette.

Rocaille : Mouvement artistique du XVIIIe siècle qui s’épanouit en France, à partir de la Régence, dans les ornements architecturaux et les arts décoratifs en privilégiant les jeux de courbes. En peinture, les artistes illustrent des sujets légers et séduisants, galants ou exotiques, dans un traitement où l'aspect décoratif voire anecdotique l’emporte.