Les thermes gallo-romains du musée de Cluny

Les thermes gallo-romains de Cluny

Auteur

Dimensions

Provenance

Technique

Architecture

Matériaux

Datation

Ier-IIe siècle ap. J.-C.

Lieu de conservation

France, Paris, musée de Cluny, musée national du Moyen Âge

Que nous apprennent les thermes de Cluny sur la vie quotidienne à Lutèce sous l’Empire romain ? Comment le plus ancien monument de Paris, au cœur de la ville, a-t-il été préservé ?

Les thermes de Cluny constituent le plus grand monument gallo-romain conservé au nord de la Loire. Bien que partiellement ruinés, ils évoquent l'architecture monumentale romaine et constituent un symbole de la romanisation de la Gaule et de la prospérité de Lutèce.

Lutèce à l'époque romaine

Après la conquête romaine de la Gaule, en 52 av. J.-C., la ville de Lutèce se développe sur les flancs de la montagne Sainte-Geneviève, sur la rive gauche de la Seine. Elle se construit sur le modèle d'une ville romaine, organisée autour d'un axe principal nord/sud, le cardo, qui correspond à l'actuelle rue Saint-Jacques. Au sommet de la colline, à l'emplacement de la rue Soufflot, se trouvait le forum, le principal centre religieux et administratif dans l'urbanisme romain. Des édifices de spectacle – un théâtre rue Racine et un amphithéâtre, connu aujourd'hui sous le nom des arènes de Lutèce, rue Monge – et trois établissements thermaux complétaient l'ensemble et permettaient aux habitants de Lutèce de bénéficier des divertissements et du confort apportés par la civilisation romaine. Les thermes du nord de la ville, ceux de Cluny, étaient alors les plus vastes, avec une superficie de 6 000 mètres carrés environ.

Les thermes : l'un des principaux facteurs de la romanisation

Comme chez les Grecs auparavant, l'hygiène, les soins du corps et la pratique du sport occupaient une place primordiale dans la société romaine. Aussi les thermes faisaient-ils partie de tout programme d'urbanisme. Les bains, publics ou privés, ont été inventés par les Grecs, comme le montre l'étymologie du mot, thermos, qui signifie chaud. Cette invention a par la suite été reprise et perfectionnée par les Romains, qui mirent au point au Ier siècle av. J.-C. le système de chauffage par hypocauste : des foyers (praefurnium) produisent un air chaud qui circule sous le sol (suspensura) entre des pilettes de briques et dans des conduits en terre cuite (tubuli) ménagés dans les murs. Ce système très efficace permit la construction de thermes aux dimensions impressionnantes.

Du bon usage des thermes : le parcours des baigneurs

Les hommes se rendaient aux bains généralement l'après-midi ou le soir, la matinée étant réservée aux femmes. La mixité était théoriquement interdite, mais cette règle n'était pas toujours appliquée. L'entrée était payante mais peu chère. On déposait ses affaires au vestiaire (l'apodyterium) en gardant un vêtement minimal en effet, contrairement aux Grecs, les Romains ne se baignaient pas complètement nus. Puis on s'enduisait le corps d'huile avant de se rendre à la palestre pour s'adonner à différents exercices de gymnastique ou à des jeux de balle. Après cet échauffement physique salutaire, on s'habituait à la chaleur dans la salle tiède (le tepidarium) avant d'aller transpirer dans la salle chaude (le caldarium). On se nettoyait en se frottant avec un strigile, qui faisait partie des objets indispensables à la toilette, avec une patère pour s'asperger d'eau et un vase arrondi appelé aryballe qui contenait l'huile pour le corps [ image 1 ]. Puis on repassait par la salle tiède, où l'on pouvait se faire masser ou épiler, avant de prendre un bain destiné à resserrer les pores de la peau dans la piscine (natatio) de la salle froide (le frigidarium). Ensuite, des salles de repos, voire même des bibliothèques dans les plus grands établissements, permettaient de clôturer ce moment de détente et de convivialité.

Les thermes de Cluny

Les thermes de Cluny, d'une longueur de 100 mètres sur une largeur de 65 mètres [ détail b ], ont sans doute été construits dès le Ier siècle et ont été utilisés jusqu'à la fin du IIIe siècle. Ils étaient alimentés en eau par l'aqueduc d'Arcueil, au sud de Paris. On peut encore y voir l'une des deux palestres rectangulaires [ détail c ] [ détail b, salle « Q » ]. Au centre, le frigidarium [ image principale ] [ détail b, salle « A » ] est la pièce la mieux conservée et la plus impressionnante, la seule à avoir gardé sa voûte d'arêtes culminant à 14,50 mètres du sol, prolongée sur trois côtés par des voûtes en berceau. À la retombée de celles-ci subsistent plusieurs consoles sculptées en forme de proue de bateau [ détail d ], décor qui se retrouve dans d'autres thermes romains. Une piscine, profonde de 60 centimètres, occupe l'un des côtés du frigidarium [ détail e ]. Si l'ossature des murs, avec ses rangées régulièrement alternées de petits moellons et de briques (opus vittatum mixtum), est aujourd'hui apparente, il faut l'imaginer masquée par des enduits peints ou des plaques de marbre. Quelques traces de pigment bleu ont d'ailleurs été retrouvées sur la voûte de la salle, qui a conservé une partie de son enduit antique. Les sols étaient probablement décorés de mosaïques, dont on a peut-être découvert un fragment [ détail f ]. Les salles chaudes étaient situées au sud les imposants foyers du caldarium, situé à l'angle du bâtiment, sont toujours visibles [ détail g ] [ détail b, salle « L » ]. La fonction précise des autres salles des thermes de Cluny reste hypothétique et a pu changer au cours du temps l'une d'entre elles a en effet servi de salle chaude, puis de salle froide [ détail b, salle « K » ].

Les sous-sols : un espace technique indispensable

À cause de la pente de la colline, les salles situées au nord et au centre de l'établissement étaient construites sur des sous-sols. Contrairement aux pièces du rez-de-chaussée, le niveau souterrain est conservé en totalité. Il est constitué de couloirs de circulation et de salles de service indispensables à l'entretien et au fonctionnement des thermes [ détail h ]. Des traces du coffrage de bois, sur lequel était coulé le mortier de la voûte, y sont encore visibles par endroits. Les murs étaient faits de simples petits moellons. Un réseau d'égouts permettait l'évacuation des eaux usées [ détail i ]. Quelques enduits peints rouges à liserés noirs [ détail j ] ont été conservés.

Des thermes de Lutèce au Musée national du Moyen Âge

À la fin du XVe siècle, Jacques d'Amboise, abbé de Cluny en Bourgogne, fait construire un somptueux hôtel particulier tout contre les ruines antiques. L'utilisation ininterrompue du frigidarium, qui abrite un jardin suspendu sur sa voûte puis sert d'entrepôt de vin au XVIIIe siècle [ détail k ], permet sa conservation. Fouillés depuis le début du XIXe siècle et surtout après 1945, les thermes voient leur destin lié à celui de l'hôtel dans un musée commun ouvert en 1843.

Françoise Besson

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/les-thermes-gallo-romains-du-musee-de-cluny

Publié le 22/09/2022

Ressources

Le site de la crypte archéologique du parvis de Notre-Dame, qui conserve aussi des vestiges gallo-romains, dont un petit établissement thermal du <small>IV</small><sup>e</sup>&nbsp;siècle

http://www.crypte.paris.fr/

Le site officiel du musée de Cluny – Musée national du Moyen Âge

http://www.musee-moyenage.fr/

Sur le système de chauffage par hypocauste

http://groupejarc.pagesperso-orange.fr/chassenon/chauffag.htm

Un texte de Sénèque sur les bruits des thermes, «&nbsp;Lettre à Lucilius <small>LVI</small>&nbsp;»

http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/seneque/lucilius2.htm

Glossaire

Gallo-romain : Pour la France, l’époque gallo-romaine est la période qui va de la conquête de la Gaule par Jules César (52 av. J.-C.) à celle des Francs (Ve siècle).

Mosaïque : Art qui consiste à réaliser de grands panneaux décoratifs, à l’aide d’une multitude de petits cubes (tesselles) de divers matériaux (pierre, céramique, verre) et de diverses couleurs, disposés sur un enduit. C’est un décor privilégié sur les sols et les murs des grands édifices publics et des riches demeures.

Thermes : Bains publics.

Palestre : Édifice organisé autour d'une cour en plein air et consacré aux exercices physiques.

Strigile : Motif décoratif en forme de « S », qui doit son nom à un objet de la vie courante. Le strigile est en effet un ustensile de métal servant à la toilette dans les sociétés étrusque et romaine. Il permettait de racler la peau afin d’enlever les restes d’huile ou d’impuretés.

Forum : Dans l’urbanisme du monde romain, le forum est la place principale d’une ville. C’est là que se discutent les affaires publiques.