Vase d’Émèse
Vase d’Émèse
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Un vase en argent, pour quel usage ? Quelle est la signification de son décor ? Que nous apprend-il sur le monde byzantin ?
La civilisation byzantine est l'héritière de l'Antiquité gréco-romaine. Le christianisme est devenu religion officielle de l'Empire romain à la fin du IVe siècle. Le vase d'Émèse [ image principale ] témoigne de ce double apport, par son décor et sans doute par sa fonction. Même s'il date de la fin du VIe siècle ou du début du VIIe siècle, il s'apparente encore à la production du « siècle de Justinien », du nom de cet empereur conquérant, bâtisseur et législateur dont le règne (527-565) marque un premier âge d'or pour Byzance.
L'importance de l'orfèvrerie dans l'art byzantin
Ce vase imposant (45 cm de haut) montre bien que le goût de la société romaine antique pour la vaisselle d'argent [ image 1 ] perdure à l'époque byzantine. La production reste très abondante et de grande qualité. Les techniques antiques sont toujours utilisées : ce vase d'argent a été réalisé par martelage, et, en dehors de quelques détails gravés, son décor a été fait au repoussé. De l'Antiquité sont aussi hérités des éléments décoratifs comme les motifs végétaux stylisés entre les médaillons. Il est bien conservé, mais il manque sans doute l'anse qui le rendait plus facile à manipuler.
Des cadeaux de prix
La vaisselle d'argent était souvent offerte, par l'empereur ou de hauts personnages de l'État, à des particuliers ou à des églises. Ces cadeaux de grand prix servaient lors des banquets ou dans la liturgie chrétienne. Les décors sont donc soit inspirés par la culture païenne antique, soit chrétiens, et renseignent sur la fonction de ces vases. Avec le mobilier d'argent des églises (lustres, chandeliers, décors d'autel), cette précieuse vaisselle constituait un capital économique important pour les communautés religieuses.
Un décor chrétien pour un vase liturgique
Soulignant la forme du vase, une élégante bordure à motif de chevrons court sur le pied et au bas du col. Ce même élément décoratif cerne et met en valeur le bandeau qui ceint la panse. Des motifs végétaux y alternent avec huit médaillons circulaires dont chacun représente en buste un personnage du Nouveau Testament. Traités en léger relief, ils ne sont ni auréolés ni nommés, mais plusieurs sont aisément identifiables : au Christ entre deux disciples [ détail b ] répond de l'autre côté la Vierge entre deux anges [ détail c ]. Le Christ est représenté barbu et les cheveux longs. Cette iconographie, qui accentue la majesté du personnage, s'impose dans l'art chrétien de cette époque, au détriment de l'image plus ancienne d'un Christ imberbe et juvénile [ image 2 ]. Il tient le livre des Évangiles et fait le geste de bénédiction à la grecque, le pouce et l'annulaire joints, les autres doigts tendus.
À sa droite se trouve Pierre [ détail d ], le principal des apôtres. Premier évêque de Rome et donc premier pape, il est le fondateur de l'Église chrétienne. Il est représenté sans attributs, mais avec la barbe et les cheveux courts, suivant une iconographie habituelle. Placé à gauche du Christ, Paul [ détail e ] se reconnaît à sa calvitie et à sa longue barbe. Il est souvent associé à Pierre et assimilé à un apôtre, car il prêcha inlassablement l'Évangile, en particulier auprès des non-juifs, au cours de ses nombreux voyages. Tous deux tiennent le livre sacré et se tournent vers Jésus.
Deux des personnages sont plus difficiles à identifier : l'un est barbu avec de longs cheveux flottant sur les épaules [ détail f ], ce qui correspond à l'iconographie de Jean-Baptiste, ascète dans le désert et prédicateur. Dernier des prophètes dans la tradition chrétienne, il annonce la venue du Christ, qu'il baptise dans le Jourdain. L'autre personnage est un jeune homme imberbe [ détail g ], sans doute Jean l'Évangéliste, le plus jeune des apôtres.
Qui a réalisé ce vase ? D'où provient-il ?
Fabriqué à une époque où les orfèvres signent rarement leurs œuvres, le vase d'Émèse n'offre aucun renseignement sur son auteur ou son origine géographique. En outre, il ne comporte pas d'inscription votive qui nommerait le donateur ou l'église à laquelle il a pu être offert. Il ne présente pas non plus de poinçon. Cette marque, qui garantit la teneur en argent, a été utilisée par l'administration byzantine de la fin du Ve siècle au milieu du VIIe siècle. Mais cela n'a pas été systématique : de nombreux objets de l'importance et de la qualité de ce vase n'en portent pas non plus.
Étant donné sa taille et la beauté de son décor, il a sans doute été fabriqué à Constantinople, la capitale. Il pourrait aussi provenir de Syrie, qui faisait alors partie de l'Empire byzantin c'est en effet sur le site de l'antique Émèse, l'actuelle Homs, qu'il a été retrouvé. La Syrie a été un des hauts lieux du christianisme, comme en témoigne la construction de nombreuses églises au VIe siècle, avec des décors de mosaïque et des trésors d'orfèvrerie dont le vase d'Émèse est un magnifique exemple.
Mots-clés
Glossaire
Martelage : Technique de métallurgie consistant à mettre en forme au marteau une plaque de métal posée sur une pièce de bois.
Repoussé : Technique de métallurgie qui consiste à obtenir un motif en relief en travaillant une plaque de métal par l’arrière, en le « repoussant » à l’aide d’un poinçon.
Eucharistie : Sacrement du christianisme par lequel, lors des offices religieux, sont commémorés le dernier repas du Christ avec les apôtres et son sacrifice sur la croix.
Poinçon : Outil pointu servant à travailler la pierre ou le métal. Le mot désigne aussi la marque, faite au poinçon, qui renseigne sur le degré de pureté d’un métal ou identifie un orfèvre.
Votif : Adjectif s’appliquant à un objet donné en offrande à une divinité, en vue de répondre à une prière ou en gage d’un vœu.
Byzance : Antique cité grecque de Byzantium, située sur l’embouchure du Bosphore, Byzance est rebaptisée Constantinople lorsque Constantin en fait la capitale de l’empire romain d’Orient en 324. Conquise par les Turcs au XVe siècle, elle devient capitale de l’Empire ottoman, puis de la Turquie moderne sous le nom d’Istanbul adopté à partir de 1930. Le nom antique de la cité subsiste dans l’adjectif « byzantin », qui qualifie la civilisation de l’empire chrétien d’Orient du Ve au XVe siècle.
Donateur : Personne qui offre à une institution une œuvre d’art.
Iconographie : Ensemble des images correspondant à un même sujet. On parle de programme iconographique lorsqu’un décor en plusieurs parties regroupe de manière cohérente différents sujets autour d’un même thème.