Vénus debout dans un paysage Cranach Lucas

Vénus debout dans un paysage

Auteur

Dimensions

H. : 38 cm ; L. : 25 cm

Provenance

Technique

Peinture

Matériaux

Huile sur bois , hêtre (bois)

Datation

1529

Lieu de conservation

France, Paris, musée du Louvre

En quoi ce nu mythologique témoigne-t-il du renouveau de la peinture allemande au XVIe siècle ?

Ce petit panneau image principale conservé au musée du Louvre est très représentatif de la peinture de Lucas Cranach l'Ancien : Vénus, déesse de l'amour, est représentée nue, ne portant qu'un chapeau, un collier et un léger voile transparent qu'elle tient devant son pubis. Debout dans un paysage, sur un chemin caillouteux bordé de sombres sapins qui laissent entrevoir, au loin, un village au pied d'une falaise, en bordure d'un lac image b, elle s'avance vers le spectateur.

Cranach est un artiste majeur de la Renaissance allemande. Originaire de Kronach (Haute-Franconie), ses débuts à Vienne sont marqués par l'influence d'Albrecht Dürer. À partir de 1505, il devient peintre de cour de l'électeur de Saxe Frédéric le Sage image 1 à Wittemberg, où il se lie d'amitié avec Martin Luther. Outre sa production de portraits et de thèmes religieux traditionnels image 2 image 3il propose des sujets sensuels à une clientèle princière.

Un nu sensuel

L'œuvre de Cranach se caractérise par la place nouvelle qu'il consacre au nu. Il n'est cependant pas le premier artiste allemand à aborder ce thème : c'est en effet à Dürer que l'on attribue les premiers nus de la peinture allemande.

Après 1525 environ, à mesure que ses tableaux de nus rencontrent du succès, Cranach adopte un style très personnel, non réaliste, favorisant la sensualité des figures. Il propose des silhouettes minces et souples, d'un canon différent de celui plus opulent alors à la mode dans la peinture allemande. Ses figures se caractérisent aussi par leurs carnations claires, peu modelées par les ombres c'est en effet moins le volume que l'élégance de la ligne que recherche le peintre. Et son choix de placer quasi systématiquement ses figures sur un fond sombre, ici des sapins, contribue à mettre en valeur la ligne de contour sinueuse.

Un sujet mythologique

Comme Dürer avant lui image 4 image 5, Cranach consacre plusieurs tableaux au sujet d'Adam et Ève image 6.

Il est par ailleurs l'un des premiers artistes allemands à peindre de nombreuses œuvres mythologiques. Vénus, parfois accompagnée de son fils Cupidon, est un de ses sujets de prédilection. L'image de la déesse de la beauté suggère une séduction qui n'est pas sans danger. Comme dans Vénus debout dans un paysage, la sensualité des figures est souvent accentuée par le contraste entre la nudité et quelques accessoires, dont les bijoux. Ces derniers évoquent la vanité des plaisirs terrestres.

Le voile transparent est également un motif récurrent dans ses œuvres, car il met l'accent sur la question du regard. En effet, ce léger drapé révèle plus qu'il ne masque la nudité de la figure, donnant au spectateur le plaisir sensuel de voir au travers et de transgresser un interdit. Le thème érotique du dévoilement est fréquent dans la peinture maniériste du XVIe siècle, en Italie d'abord image 8, puis dans le reste de l'Europe. Cranach connaît d'ailleurs sans doute les gravures italiennes relatives à ce sujet image 9.

Tout en suscitant le voyeurisme du spectateur, l'œuvre met aussi ce dernier en garde. Ainsi, dans Vénus debout dans un paysage, le visage poupin de la déesse affiche un sourire ambigu. Le danger est plus explicite encore dans les tableaux explorant le thème de la nymphe à la source image 10, faisant allusion au mythe d'Actéon qui paya de sa vie son indiscrétion lorsqu'il épia la déesse Diane pendant son bain.

Succès et production d'atelier

Les tableaux de nus de Cranach jouent donc sur la relation avec le spectateur et ses sujets sensuels lui valent un remarquable succès. Il les décline donc en grand comme en petit format (comme ici) afin de répondre à tous les amateurs, plus ou moins fortunés.

Afin de mieux honorer ses commandes, Cranach s'adjoint peu à peu un atelier, au sein duquel travaille notamment son fils, Lucas le Jeune. L'œuvre du Louvre porte la signature de Cranach image d, dissimulée entre les pierres du chemin : un petit dragon volant et tenant un anneau dans sa gueule. Cependant, cette signature doit davantage être envisagée comme une marque de fabrique de l'atelier que comme un gage d'autographie. Ainsi s'explique la qualité parfois inégale de la production de Cranach. Néanmoins, le tableau du Louvre présentant des détails d'une certaine qualité, tels que le traitement des bijoux, celui de la chevelure ou encore la minutie du paysage, il est permis de supposer qu'il s'agit d'une œuvre de la main du maître.

Anne-Charlotte Béon

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/venus-debout-dans-un-paysage

Publié le 14/02/2022

Ressources

Cranach sur le site de la National Gallery of Art, à Washington

https://www.nga.gov/collection/artist-info.1179.html

La notice de l’œuvre sur le site des collections du musée du Louvre

https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010060928

Le dossier thématique consacré à Cranach sur le site de l’Agence photo de la Réunion des musées nationaux – Grand Palais (RMN-GP)

https://www.photo.rmn.fr/Package/2C6NU0YC43QG

Glossaire

Maniérisme : Courant artistique né en Italie au XVIe siècle que l’on considère comme la dernière phase de la Renaissance. Il tire son nom du mot italien maniera utilisé pour désigner le style personnel d’un artiste. Pour les peintres qui se rattachent à ce courant, l’effet de style prime sur l’équilibre et l’harmonie. Ils se distinguent par une élégance du dessin, des compositions complexes privilégiant tensions et déséquilibres, une distance par rapport à l’imitation servile de la nature.

Renaissance : Mouvement artistique né au XVe siècle en Italie et qui se diffuse dans le reste de l’Europe au XVIe siècle. Il repose sur la redécouverte, l’étude et la réinterprétation des textes, monuments et objets antiques. À la différence de la pensée médiévale qui donne à Dieu une place centrale, c'est l'homme qui est au cœur de la pensée de la Renaissance.