Anne de Clèves, reine d’Angleterre Holbein Hans

Anne de Clèves, reine d’Angleterre

Auteur

Dimensions

H. : 65 cm ; L. : 48 cm

Provenance

Technique

Peinture

Matériaux

Vélin, Toile (support)

Datation

Vers 1539

Lieu de conservation

France, Paris, musée du Louvre

Comment séduire un roi avec un portrait ?

Née à Clèves, petit duché du Nord du Saint-Empire romain germanique, Anne était la fille du duc Jean III de Clèves et de la duchesse Marie de Juliers-Berg. Son père et son frère s'étaient tous deux convertis au luthéranisme, religion réformée.

Son portrait image principale, réalisé par Hans Holbein le Jeune image 1, artiste d'origine allemande devenu peintre à la cour d'Angleterre, la montre à mi-corps, de face, impassible, les mains sagement croisées. Sa silhouette se détache sur un fond vert foncé, créant un espace indifférencié, sans profondeur. Une lumière égale baigne le tableau, rendant frappante la description objective de son costume. Une symétrie presque parfaite ajoute à l'étrangeté de cette effigie esthétisée à l'extrême.

Un portrait pour un mariage

Après avoir divorcé de Catherine d'Aragon, fait exécuter Anne Boleyn et être resté veuf de Jane Seymour, le roi Henri VIII image 2 souhaitait contracter une quatrième union. Plusieurs portraits de candidates arrivèrent à Londres. Holbein peignit à Bruxelles celui de Christine de Danemark, mais les négociations du mariage échouèrent. L'année suivante, sur les conseils de son ministre Thomas Cromwell, de confession protestante, Henri VIII approuva l'idée d'une alliance avec le duché de Clèves. La sœur aînée d'Anne avait épousé un membre important de la Ligue luthérienne, Jean-Frédéric le Magnanime, électeur de Saxe image 3. Cette appartenance au parti protestant intéressait l'Angleterre, désireuse de sortir de l'isolement dans lequel elle se trouvait depuis la rupture d'Henri VIII avec la papauté et l'instauration de l'Église d'Angleterre. Ce projet de mariage avait donc une finalité politique.

La réalisation du portrait

En 1538, Holbein fut envoyé par Henri VIII à Düren, lieu de résidence de la famille de Clèves, afin de réaliser le portrait de la jeune femme que le roi d'Angleterre envisageait d'épouser.

Selon une pratique qui lui était familière, Holbein dessina deux portraits, l'un d'Anne et l'autre de sa sœur Amalia, aujourd'hui disparus. L'analyse scientifique du portrait d'Anne a révélé la présence d'un tracé sous la couche picturale, montrant qu'Holbein a reporté le dessin initial à l'aide d'un poncif. L'exécution minutieuse de l'œuvre, sans repentir, confirme cette technique. À partir du portrait dessiné sur le vif, Holbein réalisa ensuite l'aquarelle sur parchemin, soit sur place, soit après son retour à Londres.

L'importance de la robe

Le costume somptueux porté par le modèle, une robe de soie rouge soulignée de bandes de passementerie d'or, rehaussée de perles et assortie d'une riche coiffe, a parfois été interprété comme sa tenue de mariage. Mais les écrits du chroniqueur de la cour nous apprennent qu'Anne portait, pour la cérémonie célébrée le 6 janvier 1540 à Londres, un vêtement plus riche encore, en drap d'or. Il faut donc plutôt voir dans la robe décrite par Holbein un vêtement typique de la mode germanique, que portaient les jeunes femmes dans les cours allemandes et qui apparaissent dans maints tableaux de Lucas Cranach.

L'échec du mariage

S'il avait relevé le délicat défi de mettre en valeur la fiancée pressentie, Holbein ne put que constater la déception d'Henri VIII lorsque celui-ci découvrit sa future épouse. Estimant avoir été trompé par les descriptions flatteuses qui lui en avaient été faites, il éprouva une vive répulsion vis-à-vis d'elle. La nouvelle reine ne parlait pas anglais, manquait de charme et d'éclat, et ne pratiquait pas la musique, l'une des passions du roi. Le mariage fut annulé six mois plus tard. Néanmoins, afin de ne pas froisser les princes protestants, Anne fut autorisée à rester en Angleterre et reçut de prestigieuses gratifications ainsi que le titre de « sœur du Roi ».

Holbein, un portraitiste magistral

L'échec de ce mariage n'entama en rien l'estime qu'Henri VIII avait pour le peintre de sa cour. Pratiquant l'art du portrait depuis sa jeunesse à Bâle (1516-1526), Holbein avait su très tôt associer la tradition régionale dont il était l'héritier avec les apports de la Renaissance italienne image 4. Ainsi créait-il des effigies, empreintes de dignité, savamment positionnées dans l'espace, de profil image 5, de trois quarts ou de face, accompagnées de natures mortes ou se détachant sobrement sur un fond uni. Toutes tentent de suggérer, derrière l'apparente impassibilité, la personnalité du modèle.

Le visage d'Anne de Clèves, inexpressif, ne retient pas particulièrement l'attention. Pourtant, par sa distance même et par sa retenue, par sa pudeur et sa modestie, Anne incarne parfaitement dans son portrait l'idéal féminin de son temps.

Stéphanie Elhouti-Cabanne

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/anne-de-cleves-reine-dangleterre

Publié le 09/08/2016

Glossaire

Électeurs : Dans le Saint Empire romain germanique, les électeurs sont les princes qui constituent le collège réuni pour l’élection de l’empereur.