Les Saisons Arcimboldo Giuseppe
Les Saisons
D'après Léonard de Vinci
Auteur
Dimensions
Provenance
Technique
Matériaux
Datation
Lieu de conservation
Un cadeau diplomatique
La série des Saisons exposée au musée du Louvre fut peinte en 1573 par Giuseppe Arcimboldo, portraitiste à la cour de Prague depuis 1562. Elle lui fut commandée par l'empereur Maximilien II de Habsbourg, qui souhaitait remercier son allié, l'électeur Auguste de Saxe, de son soutien pour l'élection de son fils Rodolphe au trône du Saint-Empire. C'est pourquoi les armes de l'Électorat de Saxe, deux épées « posées en sautoir », figurent sur le manteau de l'Hiver [ image principale ].
Maximilien chargea Arcimboldo de réaliser une copie de la première série des Saisons qu'il avait peinte en 1563, et dont ne subsistent aujourd'hui que L'Hiver et L'Été, exposés au Kunsthistorisches Museum de Vienne.
De curieuses « têtes composées »
Formant une série de quatre tableaux, les saisons sont associées par paires. Les visages de l'Hiver [ image principale ] et de l'Automne [ détail b ] et ceux de l'Été [ détail c ] et du Printemps [ détail d ] se font face, comme pour dialoguer.
Chaque saison est représentée par un assemblage de fruits, légumes ou fleurs caractéristiques de chaque période de l'année. L'Hiver est ainsi composé d'une souche couverte de lierre, le manteau agrafé par une orange et un citron l'Été présente une multitude de fruits et de légumes, la figure jaillissant d'un pourpoint de seigle tressé l'Automne est couronné de raisin enfin, le Printemps est composé de quatre-vingt espèces de fleurs. Ces curieux assemblages juxtaposent deux visions : d'une part la description fidèle des éléments de la nature, d'autre part la figure qui résulte de leur association. Des encadrements de fleurs semblent avoir été ajoutés au XVIIe siècle.
Arcimboldo paraît être l'inventeur de ces « têtes composées » qui firent sa célébrité même si, avant lui, quelques artistes s'étaient intéressés à l'étrange et au grotesque pour la représentation de la figure humaine, tels Léonard de Vinci [ image 1 ] et l'Allemand Erhard Schoen.
« Le Léonard de Vinci de la cour de Prague »
Dans sa ville natale de Milan, Arcimboldo reçut une formation aux côtés de son père maître verrier, ami de Bernardino Luini, un élève de Léonard de Vinci. On suppose qu'il eut, par son intermédiaire, l'opportunité de voir les dessins que le maître avait laissés lors de son départ pour la France.
Avec son célèbre prédécesseur, Arcimboldo partageait une multiplicité de talents. De ce fait, il fut grandement apprécié par ses trois mécènes successifs, Ferdinand Ier, Maximilien II et Rodolphe II de Habsbourg, au service desquels il travailla pendant trente-sept ans et qui le gratifièrent des plus hautes distinctions. Il travailla à la cour (déplacée de Vienne à Prague en 1583) en tant que peintre, organisateur de fêtes et responsable des prestigieuses collections de la Wunderkammer, cabinet d'œuvres d'art, d'objets scientifiques et de curiosités de la nature réunis par les empereurs.
Peints dans ce contexte, les tableaux d'Arcimboldo se font l'écho de la volonté des souverains de posséder un « résumé du monde ».
Une multitude de sens
En effet, loin de n'être qu'un jeu visuel, les « têtes composées » recèlent plusieurs degrés de lecture. Ainsi, le cycle des saisons semble être associé aux différents âges de la vie, le Printemps montrant un jeune homme, l'Été un homme dans la force de l'âge, l'Automne un homme mûr et l'Hiver un homme âgé environné d'éléments desséchés.
Cette façon d'associer le rythme de la vie humaine à celui de la nature était une constante dans la pensée de la Renaissance, l'organisme étant alors considéré comme un microcosme. Une telle croyance, théorisée par Pythagore au VIe siècle av. J.-C., fut largement reprise par les savants et les humanistes de la Renaissance. Le médecin Paracelse écrivait en 1571 : « Le microcosme est l'homme selon la nature. […] Il a été formé de la matière et de l'esprit du monde. » Selon cette conception, les différentes parties du corps correspondent également aux quatre éléments recensés dans la nature, la terre, l'air, le feu et l'eau, ce qui explique que la première série des Saisons peinte en 1563 ait été complétée trois ans plus tard d'une autre, consacrée aux quatre éléments c'est ensemble qu'elles avaient été offertes par l'artiste à l'empereur en 1569, sous forme de pendants.
La gloire des Habsbourg
Au-delà du présent diplomatique, les « têtes composées » d'Arcimboldo se lisaient comme des allégories de la suprématie des Habsbourg en Europe. L'abondance des fruits de la terre et le cycle éternel des saisons permettaient d'affirmer la permanence et la stabilité de leur pouvoir face aux désordres religieux ou à la menace turque. Cette idée fut reprise en 1591 lorsqu'Arcimboldo, de retour à Milan, réalisa le portrait de Rodolphe II sous les traits de Vertumne, dieu des jardins et des vergers, veillant à la fécondité de la terre.
Stéphanie Elhouti-Cabanne
Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/les-saisons
Publié le 18/03/2015
Ressources
Résumé documenté et complet de l’exposition consacrée à Arcimboldo au musée du Luxembourg (15 septembre 2007 – 13 janvier 2008)
Synthèse de la carrière d’Arcimboldo, accompagnée d’une riche iconographie
Glossaire
Électeurs : Dans le Saint Empire romain germanique, les électeurs sont les princes qui constituent le collège réuni pour l’élection de l’empereur.
Saint Empire romain germanique : Partie orientale de l’empire de Charlemagne ou Germanie, devenue Saint Empire romain germanique sous le règne d’Otton Ier en 962. L’Empire regroupe, pendant dix siècles et dans sa plus grande extension, la majeure partie de l’Europe centrale sous l’autorité d’un empereur élu. Bien que la fonction ne soit pas héréditaire, les empereurs, à l’époque moderne, sont pour la plupart issus de la maison de Habsbourg.
Iconographie : Ensemble des images correspondant à un même sujet. On parle de programme iconographique lorsqu’un décor en plusieurs parties regroupe de manière cohérente différents sujets autour d’un même thème.
Renaissance : Mouvement artistique né au XVe siècle en Italie et qui se diffuse dans le reste de l’Europe au XVIe siècle. Il repose sur la redécouverte, l’étude et la réinterprétation des textes, monuments et objets antiques. À la différence de la pensée médiévale qui donne à Dieu une place centrale, c'est l'homme qui est au cœur de la pensée de la Renaissance.