Autoportrait Fouquet Jean

Autoportrait

Auteur

Dimensions

D. 7,5 cm

Provenance

Technique

Émaillerie, Émail peint, Camaïeu d'or

Matériaux

Cuivre

Datation

1452-1455

Lieu de conservation

France, Paris, musée du Louvre

Pourquoi utiliser un autoportrait pour appuyer son statut d’artiste ?

Ce médaillon image principale, appartenant à un grand diptyque, est le plus ancien autoportrait peint connu. Jean Fouquet, artisan, montre sa volonté de passer au rang d'artiste et signe son œuvre de façon ostentatoire, en revendiquant son individualité.

Un portrait clairement identifié

Le médaillon représente un peintre par lui-même, en buste. Il se nomme de façon évidente en inscrivant son nom autour de son visage : Johes Fovqvet, pour Johannes Fouquet (Jean Fouquet). L'artiste est connu comme peintre de cour. Il travaille pour le roi Charles VII et les grands princes du royaume.

Une technique précieuse et complexe

Jean Fouquet est connu pour ses tableaux sur bois image 1, ses enluminures sur parchemin image 2, ses cartons de tapisseries ou de vitraux, moins pour ses émaux.

La technique de l'émaillerie est complexe. Elle fait appel à la cuisson. L'artiste travaille sur une plaque de cuivre, couverte d'une pellicule de verre coloré appelé mail.

Après avoir superposé de minces couches d'émail foncé (bleu marine ou noir), Fouquet a réalisé son dessin en blanc avant de déposer la poudre d'or au pinceau. Les modelés, les détails, les enlèvements ont été faits à la plume. Puis la cuisson (vers 700-800 °C) a permis de fixer l'image.

Cette technique, particulière à ce portrait, est appelée «grisaille d'or».

L'élément d'un grand ensemble dispersé

Ce modeste médaillon, de quelques centimètres de diamètre, appartient à un ensemble prestigieux aujourd'hui dispersé entre Berlin image 3, Anvers image 4 et le musée du Louvre image principale.

La Vierge et l'Enfant Jésus image 3 et Étienne Chevalier présenté par saint Étienne image 4 composaient ce diptyque. Le cadre de chaque volet était couvert de velours bleu et ponctué de médaillons, sans doute huit par cadre image 4. Ces médaillons représentaient probablement la vie de la Vierge et celle de saint Etienne. L'autoportrait de Fouquet faisait partie de cet ensemble image principale.

Un nouveau statut pour les artistes

Au cours de l'époque médiévale, les œuvres d'art sont réalisées le plus souvent à la gloire de Dieu, derrière lequel s'efface l'identité de l'artiste.

Dès le XVe siècle, apparaît en Flandres et en Italie une nouvelle classe sociale, bourgeoise, appréciant l'art et le luxe et commandant des œuvres directement aux artistes. Les peintres et les sculpteurs prennent progressivement conscience de leurs qualités, de leur personnalité et se font connaître en signant, de façon plus ou moins évidente, leurs créations.

Au cours de son voyage en Italie, Fouquet a pu observer cette évolution du statut d'artiste en apercevant des œuvres entourées de médaillons image 5 et des artistes les signant en y incluant leur autoportrait, comme Solario image 6 image 7. Revenu en France, il conjugue ces deux éléments, l'autoportrait et la signature à l'intérieur du médaillon sur le cadre du diptyque de Melun image principale.

L'influence des voyages

C'est en France, en Bourgogne ou en Flandres que Fouquet a sans doute observé des portraits de trois quarts s'inscrivant dans l'espace et créant une perspective image 8. En Italie, les artistes préfèrent en effet le portrait en profil strict, inspiré des médailles antiques image 9.

Vers 1446, à Rome, Jean Fouquet, sans doute déjà célèbre, est sollicité par le pape Eugène IV, dont il fait le portrait de trois-quarts selon la tradition flamande (aujourd'hui disparu, connu par la gravure Il met en valeur le caractère et l'énergie du modèle en éliminant les attributs et le luxe vestimentaire. Cette attitude, très novatrice par rapport à la tradition italienne, remportera un grand succès puisqu'elle inspirera Raphaël (1483-1520) pour son portrait du pape Léon X, conservé à la galerie des Offices (Florence). On retrouve la même composition sur le médaillon d'émail image principale.

Le portrait comme conscience de soi

Les peintres utilisent aussi l'autoportrait pour marquer leur individualité. À l'époque de Fouquet, les miroirs sont imparfaits et déforment l'image qu'ils reflètent. Toutefois, cet exercice permet non seulement à l'artiste de travailler à tout moment sans payer de modèle, mais aussi de s'attarder sur sa morphologie, ses expressions, l'incidence de la lumière, et surtout sa conscience de lui-même.

Fouquet aura de brillants suiveurs, comme le montre l'autoportrait gravé à l'eau-forte de Rembrandt au XVIIe siècle image 10, celui de Chardin au pastel image 11 au XVIIIe siècle ou les esquisses de Delacroix image 12, dessinées à la plume

Le Diptyque de Melun GEMÄLDEGALERIE

La Technique de l'émail - Les Emaux de Limoges

Marie-Bélisandre Vaulet-Lagnier

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/autoportrait-0

Publié le 14/08/2022

Ressources

Pour l’autoportrait : Rembrandt appuyé sur un rebord de pierre.

https://www.panoramadelart.com/rembrandt-autoportrait

Pour le cadre : la vierge et l’enfant en majesté, Cimabue.

https://www.panoramadelart.com/la-vierge-et-l-enfant-en-majeste-cimabue

Pour le portrait : le portrait à l’époque moderne.

https://www.panoramadelart.com/focus-portrait

Glossaire

Médaillon : encadrement de forme circulaire.

Diptyque : Objet constitué de deux volets le plus souvent reliés par une charnière. Par extension, le terme s’applique à deux œuvres réalisées en pendants.

Attribut : Objet, animal ou figure systématiquement associé à un personnage (dieu, saint, héros, figure allégorique…). Il est tenu, porté ou juxtaposé. L’attribut fait souvent allusion de manière emblématique à un épisode marquant de sa vie ou de sa légende, ou bien à son essence ou à sa fonction. L’attribut permet de le reconnaître.

Pastel : Bâtonnet composé de poudres colorées, de gomme arabique servant de liant et d’une terre destinée à donner de la consistance à la préparation. Désigne par extension une technique et son résultat. Le pastel est devenu à la mode au XVIIIe siècle

Eau-forte  : Acide nitrique utilisé pour mordre les plaques de cuivre et les creuser. Elle est utilisée par les émailleurs, les graveurs…