Le Prince impérial et son chien Néro Carpeaux Jean-Baptiste

Le Prince impérial et son chien Néro

Dimensions

H. : 140 cm ; L. : 65,4 cm ; Pr. : 61,5 cm

Provenance

Technique

Sculpture

Matériaux

Plâtre

Datation

1865

Lieu de conservation

France, Lille, palais des Beaux-Arts

Qui pourrait deviner la terrible destinée de cet enfant ?

Au détour de l'allée d'un parc, un enfant se promène avec son chien, un instant immortalisé dans le marbre par un sculpteur image 1. L'ensemble est si charmant et l'enfant si célèbre qu'il en existe de nombreuses répliques et réductions, dont celle-ci, en plâtre, conservée au Palais des beaux-arts de Lille image principale.

Une commande impériale

À la fin de l'année 1864, Napoléon III, alors empereur des Français, commande à Jean-Baptiste Carpeaux une statue représentant son fils Louis Napoléon, à l'image de celle réalisée par François-Joseph Bosio montrant Henri IV enfant et conservée au musée du Louvre image 6. L'ensemble est payé 15 000 francs, une somme prise sur la cassette personnelle de l'empereur.

Carpeaux réalise de nombreuses esquisses de l'enfant dans différentes attitudes image 5, travaille son buste nu image 4 puis s'attaque à la sculpture en avril 1865. Le jeune garçon, né le 16 mars 1856, a alors neuf ans.

Un enfant, tout simplement

Fils unique du couple impérial, l'enfant est surnommé affectueusement le Petit Éteignoir par son père, le Serin par les caricaturistes ou encore le Petit Prince, comme l'évoque une chanson de l'époque. L'un de ses grands plaisirs est de voler du tabac à son père et de le fumer en cachette. Dans ses colères, il peut brusquement casser ses petits soldats. Il n'aime pas Haussmann, qui fait de la boue partout dans Paris. Son professeur, Mérimée, dit de lui que c'est un enfant fin et intelligent, mais avec une petite tendance à la paresse.

Carpeaux, reçu aux Beaux-Arts en 1844, le connaît bien car il lui enseigne le dessin et la sculpture. Si l'enfant signe du nom de Napoléon IV l'un de ses premiers plâtres d'apprentissage, pour le sculpteur, Son Altesse Monseigneur le Prince impérial redevient un petit garçon. L'enfant, en costume de promenade – veste courte, culotte, cravate nouée négligemment et chaussures légèrement usées –, est représenté dans un moment de tendresse avec son animal, probablement aux Tuileries, résidence de la famille impériale. Il enveloppe d'une main caressante son chien qui, en retour, le regarde affectueusement. Signe du talent du sculpteur, la grâce et la spontanéité l'emportent sur l'image officielle.

Une œuvre de propagande ?

La diffusion du portrait sculpté de l'enfant, également altesse impériale, a une portée politique. L'œuvre remporte un franc succès au Salon de 1866, ce dont témoigne le nombre de répliques produites. Les musées de Compiègne, Lille et Valenciennes en possèdent des exemplaires grandeur nature des réductions en bronze, puis en biscuit et porcelaine, sont éditées par Carpeaux image 2. Le succès s'étendant, le gouvernement acquiert finalement les droits de reproduction de la sculpture dès 1869.

L'idée est bien d'engendrer une propagande dynastique. C'est à qui possédera une statue du petit prince. Sarcastique, Émile Zola souligne, dans un article paru en 1868 : « Nos sculpteurs ont encore une ressource pour gagner leur pain, celle de faire la statue en pied du Prince impérial. […] On va placer dans une salle de l'Hôtel de Ville une reproduction du marbre de Carpeaux […]. Seulement comme dans l'original une main de l'enfant s'appuyait sur un gros chien et comme décemment un chien ne peut avoir son portrait à l'Hôtel de Ville on a décidé que le chien disparaîtrait et qu'on le remplacerait par un chapeau image 3. »

Pourtant, dans ce portrait impérial sans aucune marque extérieure de pouvoir, ni trône ni décoration, le chien pourrait bien se faire l'emblème d'un peuple fidèle et aimant de celui qui le dirige et le protège.

Statuaire et hommages

À Valenciennes, ville natale de Carpeaux, le préfet fait rapidement voter par le conseil général la somme nécessaire à l'acquisition d'une reproduction afin de doter la ville d'une statue du jeune prince. À Lille, c'est le sculpteur lui-même qui envoie l'une de ses épreuves en plâtre pour l'exposition des Beaux-Arts de la ville en 1866.

Peu de temps après, suite à la chute de l'Empire, la famille impériale s'exile en Angleterre. Napoléon III y décède, et son fils se sent alors investi de son rôle de chef de parti bonapartiste. Parti en guerre contre les Zoulous en Afrique australe, au risque d'exposer sa vie pour un pays qui n'est pas le sien, il meurt en combattant le 1er juin 1879. En France, l'émotion est vive, comme le déclare Ernest Renan, et touche particulièrement les milieux populaires. Paul Verlaine consacrera quelques vers au Prince impérial dans son recueil Sagesse :

J'admire ton destin, j'adore, tout en larmes

Pour les pleurs de ta mère,

Dieu qui te fit mourir, beau prince, sous les armes,

Comme un héros d'Homère.

 

Véronique Duprat-Roumier

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/le-prince-imperial-et-son-chien-nero

Publié le 13/03/2018

Ressources

La notice de l’œuvre sur le site des musées et domaine nationaux du Palais de Compiègne

http://palaisdecompiegne.fr/objet/le-prince-imperial-et-le-chien-nero

Le site du musée des Beaux-Arts de Valenciennes

http://valenciennesmusee.valenciennes.fr/

Une étude sur la mort du Prince impérial sur le site L’Histoire par l’image

https://www.histoire-image.org/etudes/mort-prince-imperial

Glossaire

Second Empire : Régime politique impérial français né du coup d’état du 2 décembre 1852 qui met fin à la Seconde république. Napoléon III, neveu de Napoléon Ier, devient l’empereur des Français. Le second empire prend fin le 4 septembre 1870, lors de la débâcle de Sedan pendant la guerre de 1870 contre la Prusse. C’est un régime autoritaire dans lequel l’empereur exerce un pouvoir absolu.

Porcelaine : La porcelaine est une céramique qui se caractérise par la blancheur et la finesse de sa pâte. On distingue la porcelaine dure de la porcelaine tendre. La pâte de la porcelaine dure, la « vraie porcelaine », est composée de matières minérales naturelles : le kaolin, le quartz et le feldspath. C’est le kaolin, une argile primaire de couleur blanche, qui confère à la porcelaine sa blancheur et sa translucidité. Elle résiste aux variations de température. La porcelaine tendre est une porcelaine dont la pâte ne comporte pas de kaolin. Elle est composée essentiellement de marne calcaire blanche et de silice. De couleur blanc crémeux, elle est moins résistante aux chocs thermiques et peut se rayer à l’acier.

Salon : Au XVIIIe siècle les expositions des membres de l’Académie royale de peinture et de sculpture se tenaient dans le Salon carré du Louvre. Le terme « Salon » désigne par la suite toutes les expositions régulières organisées par l’Académie.