Le Miracle Denis Maurice

Le Miracle

Panneau du cycle La Légende de saint Hubert

Auteur

Dimensions

H. : 225 cm ; L. : 212 cm

Provenance

Technique

Peinture

Matériaux

Huile sur toile

Datation

1897

Lieu de conservation

France, Saint-Germain-en-Laye, musée Maurice Denis

Comment traiter du sacré dans la peinture moderne ?

Ce tableau, intitulé Le Miracle image a, est le panneau central du cycle pictural La Légende de saint Hubert, commandé en 1895 à Maurice Denis par le baron Denys Cochin pour son hôtel particulier rue de Babylone à Paris. Passionné de peinture, celui-ci encourage depuis deux ans déjà le jeune artiste par ses achats et ses commandes. C'est le premier grand ensemble décoratif du peintre, qui est alors à un tournant de sa carrière.

Le « Nabi aux belles icônes »

Surnommé ainsi en raison de son goût pour la peinture religieuse, Maurice Denis a 25 ans quand il reçoit cette commande. Il est le théoricien des Nabis, un groupe de jeunes artistes souhaitant revenir à la tradition monumentale et narrative de la peinture, ne pas se cantonner aux tableaux de chevalet mais « peindre des murs » comme au Moyen Âge et à la Renaissance.

Profondément croyant, Maurice Denis cherche aussi à exprimer une recherche spirituelle, et évolue vers le symbolisme. Pour lui, le style doit mettre en valeur le message de l'œuvre. Denys Cochin, qui le soutient alors, lui avait déjà commandé un vitrail, Le Chemin de la vie image 1, pour le bureau de son hôtel particulier. La Légende de saint Hubert permet au peintre de persévérer dans cette voie.

Denys Cochin, un grand bourgeois parisien

Le thème de saint Hubert, patron des chasseurs, est suggéré à Maurice Denis par le baron Cochin. Intellectuel et homme politique, il appartient à une grande famille française qui a fondé au XVIIIe siècle l'hôpital parisien du même nom. Collectionneur et mécène, il est aussi un grand amateur de chasse à courre. Autrefois privilège de l'aristocratie, la vénerie connaît un regain de faveur au XIXe siècle auprès d'amateurs fortunés comme le baron Cochin. Mais, pour celui-ci, elle est plus qu'un simple passe-temps ou un sport : elle contient une dimension spirituelle. « Cette tension vers un objet, cet oubli absolu des circonstances environnantes et des obstacles, sont des sentiments qu'on éprouve à la poursuite d'une idée comme à la poursuite d'une bête », écrit-il à Maurice Denis. C'est cet aspect qui l'amène à passer cette commande au jeune peintre qui, comme lui, « aime le symbole ».

Un grand décor mural

Pour réaliser le cycle pictural qui lui est commandé, Maurice Denis doit tenir compte des contraintes du bureau, une pièce rectangulaire, étroite (5,50 × 2,20 m) mais très haute de plafond. Elle est éclairée sur un petit côté par la fenêtre où se trouve le vitrail du Chemin de la vie. Le peintre doit décorer la partie haute des murs, au-dessus des meubles, ainsi que le plafond, couvert d'une immense toile. À cause du manque de recul qui empêche d'avoir une vision d'ensemble, il scinde sa composition en sept panneaux. Six occupent les murs latéraux, tandis que le panneau du Miracle, un peu plus large, est placé sur le mur du fond, face à la fenêtre.

L'ensemble se lit de gauche à droite. Pour accentuer l'impression d'espace, sur chaque toile, un premier plan sombre contraste avec un arrière-plan lumineux la ligne d'horizon est placée très haut, et le faîte des arbres est caché.

Maurice Denis consacre deux ans à cette œuvre, terminée en 1897.

Avant la révélation divine

Les trois premiers panneaux, sur le mur de gauche, sont marqués par des lignes ascendantes et des couleurs chaudes qui conduisent au Miracle.

Dans Le Départ image 2, qui ouvre le cycle, Denys Cochin, à cheval, tourne son regard vers le spectateur. Il est suivi par son épouse et leurs enfants. La lumière claire du matin, l'élégance des personnages, l'harmonie de la composition expriment le calme et la sérénité. Puis, dans Le Lâcher des chiens image 3, le cerf a été repéré le rythme s'accélère, les lignes courbes de la composition expriment l'excitation des chasseurs qui s'élancent. Enfin, dans Le Bien-aller image 4, les chiens poursuivent le cerf qui s'enfonce dans la forêt le sol et les branches des arbres ondulent comme des flammes dans une lumière crépusculaire.

La conversion de saint Hubert

Le panneau du Miracle est le seul à représenter la légende de saint Hubert, un jeune seigneur qui vivait dans les Ardennes au VIIe-VIIIe siècle. Au cours d'une chasse, il voit lui apparaître un cerf magnifique présentant un crucifix entre ses bois et à travers lequel le Christ s'exprime. Hubert est converti par cette apparition divine : il se fait baptiser, consacre sa vie à Dieu et devient évêque de Maastricht. Il est canonisé en 743 et, au XVe siècle, supplante saint Eustache comme patron des chasseurs.

Au centre de la toile se dresse un grand arbre dont le tronc puissant, qui cache le soleil couchant, permet d'organiser une composition symétrique et de répartir les personnages. Au premier plan, dans l'ombre, trois jeunes gens, en costume de chasse, sonnent du cor image b. Leur auréole indique que ce sont des anges, qui répondent à ceux que Maurice Denis a peints au plafond de la pièce. Sur la gauche, saint Hubert, lui aussi auréolé, les mains jointes en prière, est touché par la grâce divine image c. À son cheval cabré répond le cerf agenouillé. Il porte un grand crucifix resplendissant, dont la lumière éclaire tout le plan intermédiaire, suggérant le surnaturel image d. À l'arrière-plan, la masse compacte de la forêt forme une grande courbe qui clôt la scène, et la lumière du soleil couchant se reflète dans le lac. Les formes sont simplifiées, les couleurs posées en aplats, l'atmosphère recueillie.

Après Le Miracle : la damnation ou le salut

Pour saint Hubert, la quête est terminée la chasse continue sans lui. Dans Le Défaut image 5, chasseurs et chiens tournent en rond à la recherche du cerf dont la trace a été perdue. Maurice Denis s'associe à ce moment de doute en se représentant à gauche, son carnet de dessin à la main, près de son épouse Marthe image 6. Puis la folle poursuite de La Chasse infernale image 7 symbolise l'égarement des hommes entraînés par leurs passions. Mais le dernier panneau image 8, L'Arrivée à l'ermitage, résume toute la problématique du cycle : il montre la famille Cochin sauvée par sa foi, rassemblée en prière devant l'ermitage où les accueille saint Hubert en évêque, tandis que les participants de la chasse à courre disparaissent dans les entrailles de la terre.

Cet ensemble exceptionnel a heureusement échappé à la dispersion et se trouve aujourd'hui conservé au musée Maurice-Denis, installé dans la maison du peintre à Saint-Germain-en-Laye, la ville où il a passé une grande partie de sa vie.

Françoise Besson

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/le-miracle

Publié le 08/02/2019

Ressources

La présentation détaillée de l’exposition « Maurice Denis » présentée au musée d’Orsay du 31 octobre 2006 au 21 janvier 2007

https://www.musee-orsay.fr/fr/evenements/expositions/archives/presentation-detaillee/browse/1/article/maurice-denis-6780.html?tx_ttnews%5Bswords%5D=maurice%20denis&tx_ttnews%5BbackPid%5D=252&cHash=f56b3b3ed4

Le site du musée Maurice-Denis à Saint-Germain-en-Laye

http://www.musee-mauricedenis.fr/

Glossaire

Nabi : Mot d’origine hébraïque signifiant « prophète ». Il désigne un groupe d’artistes postimpressionnistes, à la recherche d’une peinture nouvelle. Rassemblés à partir de 1888 autour de Paul Sérusier, les nabis partagent une esthétique faite de formes épurées, d’aplats de couleur, de contours, et parfois un certain sens du symbolisme et de la religiosité. Par ses écrits, le peintre Maurice Denis ne tarde pas à en devenir le théoricien. Sa formule, « un tableau […] est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées », traduit bien l’esprit de synthèse qui anime les nabis.

Symbolisme : Mouvement littéraire et artistique de la fin du XIXe siècle dont les adeptes préféraient l’évocation du monde de l’esprit à la description de la réalité.