Portrait de Francisco del Mazo Goya Francisco de
Portrait de Francisco del Mazo
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Pourquoi ce portrait témoigne-t-il de la modernité de Goya ?
Le portrait de Francisco del Mazo est peint par Goya en 1815- image principale. Le modèle est proche du milieu des Ilustrados, intellectuels espagnols qui relaient les idées des Lumières en Espagne et auquel de nombreux amis de Goya appartiennent. Lorsqu'il réalise ce portrait, Goya est âgé de soixante-neuf ans et a une brillante carrière derrière lui. Il a abordé tous les genres de la peinture, de la nature morte à la peinture d'histoire. L'art du portrait lui assure les commandes les plus régulières.
Une commande à un peintre réputé
Né en 1746 près de Saragosse, Goya entre à l'âge de treize ans dans l'atelier du peintre Luzan. Il y rencontre Francisco Bayeu, qui devient très vite un des peintres les plus novateurs du moment. Ce dernier est proche de Mengs, artiste allemand théoricien du Néoclassicisme. Goya s'initie à ce mouvement, tout en admirant les fresques de Tiepolo, chantre du rococo vénitien installé à Madrid. Il complète sa formation en séjournant en Italie et en gravant les peintures de la collections du roi d'Espagne. Goya débute sa carrière par la réalisation de fresques religieuses à Saragosse et à Madrid. En 1775, il reçoit ses premières commandes de l'administration royale, des cartons de tapisseries. À partir de cette date, il travaille régulièrement pour la cour, obtenant en 1799 le titre de Premier Peintre de la Chambre du roi Charles IV de Bourbon. Mais c'est la haute société bourgeoise et aristocratique, notamment le cercle des Ilustrados qui sera le plus fidèle soutien et commanditaire de Goya. Le peintre reçoit la commande de ce portrait en 1815, peu après la fin de la guerre d'indépendance et le retour au pouvoir de la monarchie espagnole. Ferdinand VII, fils de Charles IV, est accueilli favorablement par le peuple, mais ce monarque devient vite un despote tyrannique. Le Portrait de Francisco del Mazo s'inscrit dans ce contexte politique trouble.
Composer un portrait en fonction du statut et des moyens financiers du modèle ?
La composition du portrait est sobre. Le modèle, assis à son bureau, un livre ouvert posé devant lui, regarde le spectateur. Il porte une redingote noire, veste popularisée par les Anglais. C'est un homme en fonction qui est figuré, disposant sans doute d'un pouvoir de décision, comme le montre la lettre qu'il tient à la main détail b et sur laquelle on peut clairement lire son adresse : « A Dn Fra[…]co del mazo / Calle Santander / Madrid. » Les codes de représentation – bureau, livre, lettre, redingote – sont communs à plusieurs portraits de l'époque, dont ceux peints par Jacques-Louis David image 3
Les portraits de Goya sont très appréciés et leur prix évolue en fonction des spécificités de la commande et du format souhaité. Goya précise dans une lettre de 1805 qu'il demande de 5000 à 15 000 réaux pour des portraits en buste ou en pied. Un prix onéreux ! Francisco del Mazo lui commande vraisemblablement le sien pour commémorer l'obtention de nouvelles responsabilités professionnelles. Goya le présente à mi-corps et cache ses mains, subterfuge qui permet de réduire le coût du tableau.
Un peintre virtuose au regard incisif
Goya peint un portrait sans concession. Le nez est large, la bouche charnue, les sourcils en broussaille et la chevelure épaisse. Le regard pénétrant de Francisco del Mazo interpelle le spectateur. Cette finesse psychologique caractérise les portraits de Goya, révélant parfois des images d'une cruelle vérité.
L'artiste se distingue de ses contemporains par la virtuosité de sa touche. La chaise à peine ébauchée, le large trait jaune du dossier et la touche fluide des cheveux animent une toile aux couleurs restreintes. Maître du noir dont il domine tous les aspects, Goya montre l'étendue de son talent dans les variations de tons et de textures du costume et de la chevelure. L'arrière-plan, un mur brun, est composé d'une subtile gradation de tons clairs à foncés qui semble vibrer sous les coups de pinceau nerveux du peintre.
Goya, critique de la société
La carrière officielle de Goya et sa proximité avec les plus hautes institutions politiques n'ont jamais affaibli le regard aiguisé que l'artiste porte sur le milieu du pouvoir. Le portrait de la famille de Charles IV en est un exemple.
Dans l'une de ses estampes de la série des Caprices, « Ni mas ni menos » image 1, Goya met en scène un portraitiste et son modèle : un singe peint le portrait idéalisé d'un âne, le représentant avec une perruque et un large manteau, attributs de la noblesse. Goya se moque de la crédulité du modèle et de la malhonnêteté de l'artiste, avides tous deux de reconnaissance sociale.
En 1815, c'est par le biais d'un portrait collectif, La Junte des Philippines image 2, que Goya dénonce le durcissement de la politique de Ferdinand VII. Dans cette toile immense représentant l'assemblée annuelle de la Compagnie royale des Philippines en présence du roi, l'artiste peint Miguel de Lardizabal, ancien président et ministre des Indes, dans l'embrasure de la porte à gauche, alors qu'il vient d'être limogé par le souverain.
Les prises de position de Goya contre le régime répressif de Ferdinand VII poussent l'artiste à s'exiler à Bordeaux en 1824, où il meurt en 1828. Ses peintures et surtout ses gravures marquent les artistes français dès le milieu du xixe siècle. Ses œuvres proposent en effet un témoignage incisif et poignant sur une période troublée par l'Inquisition et par la guerre. Théophile Gautier dans Voyage en Espagne commente ainsi ses œuvres : « Un trait égratigné, une tache noire, une raie blanche, voilà un personnage qui vit, qui se meut, et dont la physionomie se grave pour toujours dans la mémoire. ».
Cécile Galinier
Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/portrait-de-francisco-del-mazo
Publié le 22/09/2022
Ressources
Dossier pédagogique très complet sur le contexte politique et historique des œuvres de Goya, dont certaines, conservées au musée Goya de Castres, font l’objet de notices
Site du musée du Prado spécifiquement dédié à Goya et à son œuvre. Très riche, mais uniquement en espagnol
Une notice précise du tableau de Goya sur Musées Midi-Pyrénées, site de l’Association des conservateurs des musées de Midi-Pyrénées.
Glossaire
Carton : Grand dessin qui sert de modèle pour la réalisation d'œuvres d’envergure : peintures, vitraux et tapisseries.
Estampe : Images obtenues sur un support papier par impression d’une planche de bois gravée (xylographie) ou d’une plaque de métal, voire d’une pierre dessinée (lithographie). La plaque de métal peut être travaillée selon différents procédés, mécanique (burin) ou chimique (eau-forte), qui définissent plusieurs types de gravure.
Nature morte : Représentation d’objets, de végétaux, de nourriture ou d’animaux sans vie.
Fresque : Technique de peinture murale qui consiste à appliquer des couleurs délayées à l’eau sur un enduit frais. Le mot est d’origine italienne, il vient de fresco qui signifie frais. Toute œuvre peinte d’après ce procédé est aussi désignée sous le nom de fresque.
Al andalous
Peinture d’histoire : Genre pictural majeur représentant des scènes inspirées de l’histoire, de la religion, de la mythologie ou de la littérature.
Néoclassicisme : Mouvement artistique qui se développe du milieu du XVIIIe au milieu du XIXe siècle. Renouant avec le classicisme du XVIIe siècle, il entend revenir aux modèles hérités de l’Antiquité, redécouverts par l’archéologie naissante. Il se caractérise par une représentation idéalisée des formes mises en valeur par le dessin.
Commanditaire : Personne qui commande et finance une œuvre, une entreprise.