Figure féminine

Figure féminine

Auteur

Dimensions

H. 17,1 cm

Provenance

Grèce, Cyclades

Technique

Sculpture

Matériaux

Marbre blanc

Datation

IIIe millénaire av. J.-C. (Cycladique ancien II)

Lieu de conservation

France, Paris, musée du Louvre

Pourquoi cette œuvre très ancienne nous paraît-elle si moderne ?

La civilisation cycladique est une culture préhistorique qui a fleuri pendant la période du Bronze ancien, entre 3200 et 2000 av. J.-C. Deux millénaires avant la civilisation grecque, elle s'est développée au centre de la mer Égée, dans les petites îles des Cyclades, arides mais riches en minéraux et stratégiquement situées sur des routes commerciales particulièrement fréquentées depuis l'adoption récente de la métallurgie, inventée au Proche-Orient.

Étudiée depuis le XIXe siècle, cette culture sans écriture est essentiellement connue par les découvertes archéologiques faites principalement dans ses nécropoles. Les différents types de tombes et leur contenu constituent la source première d'informations sur le statut social et la richesse des habitants de ces îles.

La première statuaire de marbre

Les « idoles » cycladiques, presque toutes réalisées en marbre blanc local, constituent la forme d'expression la plus fascinante de cette civilisation image principale. Si elles peuvent mesurer entre 8 cm et 1,50 m, la majorité d'entre elles ne dépassent que rarement les 40 cm. La matière a été travaillée avec des outils de pierre essentiellement, puis polie avec de la poudre d'émeri et de la pierre ponce. Cependant, aucun atelier n'a encore été mis au jour et l'organisation de la production reste inconnue.

Types et variétés

Défini par les spécialistes et illustré par notre statuette image principale, le type dit « canonique » de ces sculptures, obéissant à des principes définis de proportions précises, concerne l'immense majorité des figurines sculptées au cours du Cycladique ancien II, entre 2800 et 2300 av. J.-C. environ, période d'apogée de l'art des Cyclades. Il s'agit généralement d'une figure féminine nue, peu épaisse, la tête, où seul le nez est indiqué en relief, allongée vers l'arrière, les bras croisés sous la poitrine (le plus souvent le bras gauche au-dessus du droit), les jambes jointes aux genoux légèrement pliés et aux pieds en extension image b . Sur la pointe de ces pieds, ces statuettes ne peuvent tenir debout sans support, à moins qu'elles n'aient été destinées à être fichées dans la terre.

Au sein de ce type canonique se distinguent cependant un grand nombre de variétés, traditionnellement identifiées par le nom du site où elles ont été trouvées la première fois. Ici, la tête en forme de lyre au vaste front et les épaules anguleuses caractérisent la variété de Spédos, du nom d'un cimetière sur l'île de Naxos.

Par ailleurs, quelques très rares exemples de « formes spéciales » diffèrent de ce schéma rigoureux : des groupes associant deux personnages et des figurines masculines représentant des musiciens image 1, des buveurs assis, des chasseurs ou encore des guerriers.

Ces variétés et formes diverses sont peut-être l'écho de modes artistiques évolutives et/ou de contextes d'utilisation divers.

Des « idoles » énigmatiques

Si la très grande majorité de ces statuettes proviennent de la fouille de sépultures ou plus rarement d'habitats, beaucoup ont perdu leur contexte d'origine à la suite des nombreux pillages des sites archéologiques. Leur présence ou leur absence dans le contenu de la tombe échappe à toute logique apparente.

On interprète diversement ces effigies : divinités, représentations d'ancêtres, de la défunte ou des concubines du mort, marqueurs sociaux et même substituts pour des sacrifices humains. Faute de mieux, on les a nommées « idoles » (du grec eidolon, « image »), mais leur fonction précise reste inconnue on peut l'imaginer religieuse, peut-être associée à des rites de fécondité ou de renaissance. Certains spécialistes voient les marques d'un début de grossesse ou d'un accouchement récent dans le ventre un peu gonflé ou marqué de lignes horizontales de quelques statuettes. Il s'agit peut-être de cette déesse-mère semble-t-il vénérée par les cultures préhistoriques dans toute l'Europe. Quoi qu'il en soit, le conservatisme qui prévaut, pendant cinq cents ans, à leur réalisation selon des règles strictement définies renforce la présomption d'un usage rituel, d'autant que certaines portent des traces de réparation ou de destruction volontaire.

Une grande influence

Les proportions équilibrées et la pureté minimaliste des lignes évoquent une épure géométrique presque abstraite. Cependant, des traces d'une vive polychromie, aujourd'hui largement disparue, indiquent que des détails anatomiques comme les yeux, les sourcils ou les cheveux, des bijoux, des ornements, des peintures corporelles ou des tatouages étaient représentés sur le visage et le corps des statuettes, leur donnant à l'origine un aspect tout autre. Deux mille ans plus tard, l'art grec renouvelle ces mêmes recherches autour de la figure humaine de marbre coloré.

Au début du XXe siècle, les « idoles » cycladiques constituent une source d'inspiration majeure pour des artistes comme Brancusi, Modigliani image 2 Giacometti, Picasso ou Henry Moore. Leur polychromie disparue, la simplicité rigoureuse, désormais presque abstraite, de leurs volumes soigneusement polis semble étonnamment moderne.

Sandrine Bernardeau

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/figure-feminine

Publié le 24/05/2016

Ressources

Présentation de la collection cycladique du musée Goulandris à Athènes (en grec et en anglais)

http://www.cycladic.gr/frontoffice/portal.asp?cpage=NODE&cnode=34&clang=1

Un entretien avec Alain Pasquier, conservateur général du patrimoine, au sujet de la donation Cordesse dont fait partie notre idole dans une revue du ministère de la Culture et de la Communication (p. 17)

http://www.culturecommunication.gouv.fr/var/culture/storage/mag-culture/2.pdf

Glossaire

Nécropole : Cimetière.