La Gitane Matisse Henri
La Gitane
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Qu’y a-t-il de plus provocant ? La nudité de la jeune femme ou les couleurs qu’a choisies le peintre ? Pourquoi cette œuvre est-elle si importante dans la carrière de Matisse ?
Accoudée sur des coussins, une femme nous regarde et nous sourit [ image principale ]. Son visage rond aux traits épais n'est peut-être pas joli, mais il est expressif. L'étrangeté qui en émane, accentuée par la bizarrerie des couleurs vives, intrigue le spectateur.
Gitane ou courtisane ?
Le tableau est connu sous le nom de « La Gitane ». Mais la femme qu'il représente est-elle réellement une gitane ? Il n'y a guère que la rose rouge accrochée dans ses cheveux bruns qui lui en donne l'allure. Cette fleur, caractéristique de la mode espagnole lancée dès 1860, est néanmoins par de nombreux peintres en toute circonstance [ image 1 ]. Tout modèle féminin au teint mat et aux longs cheveux bruns a tendance à être perçu comme une bohémienne, pour peu qu'elle en porte un accessoire typique : une fleur chez Matisse, un châle chez Van Dongen [ image 2 ]. En outre, à la fin du XIXe siècle, une femme du peuple, aux mœurs légères, peut facilement être improprement taxée de gitane. Cette femme au regard direct, au corps offert, aux seins tendus, doit donc davantage être considérée comme une courtisane que comme une véritable gitane.
Dans le sillage de Manet
Sa nudité et son attitude provocante rappellent la célèbre Olympia peinte par Édouard Manet en 1863 [ image 4 ]. Matisse a en effet donné à son modèle la pose et l'assurance tranquille de cette courtisane dont le portrait avait tant choqué en son temps. Mais Matisse réinterprète le thème de la femme de mauvaise vie à sa manière, sans faire de concession : c'est l'image d'une pauvre fille, pas très belle, qu'il nous livre. Le sourire forcé qu'elle affiche en dit long sur sa vie.
S'exprimer par la couleur
La Gitane de Matisse se distingue des œuvres qui l'ont précédée par la palette de couleurs qu'a utilisée l'artiste. Du bleu au vert, du rouge au jaune, du pourpre au rose, elles sont toutes vives, juxtaposées les unes aux autres sans mélanges. Elles sont appliquées sur la toile en touches vigoureuses, les traces du pinceau étant laissées bien visibles [ détail b ]. Ce travail sur la touche qui structure la composition rappelle celui de Van Gogh ou de Cézanne. Mais ce qui frappe, c'est que toutes ces couleurs sont choisies sans souci de la couleur des choses dans la réalité. De manière étonnante, la peau de la gitane est représentée dans des tons de vert, de jaune et de rouge. L'effet est à la fois clinquant et cru. Les couleurs ne sont pas là pour imiter, mais pour exprimer : « Ce que je poursuis avant tout, c'est l'expression », écrit Matisse en 1908.
Une œuvre « fauve »
La Gitane compte parmi les œuvres « fauves » de Matisse. Ce qualificatif provient de la critique acerbe d'un journaliste qui, au Salon de 1905, découvre avec stupéfaction et agacement les peintures d'une nouvelle génération d'artistes qui, au mépris des conventions, associent sauvagement les couleurs éclatantes. Tout dans leurs œuvres évoque pour lui le rugissement d'un fauve. Le mot est lancé ! Matisse, Derain, Vlaminck sont désormais les « Fauves ». C'est dans ce climat de renouveau artistique et de scandale qu'il faut replacer La Gitane. Aux côtés de La Femme au chapeau (San Francisco, Museum of Modern Art) et de La Femme à la raie verte (Copenhague, Statens Museum for Kunst), elle a toute la puissance d'une œuvre-manifeste.
Le soutien des Stein
Si les œuvres « fauves » de Matisse font scandale, elles attirent aussi sur lui l'attention d'une famille de collectionneurs : les Stein. Cette famille américaine, installée à Paris au début du XXe siècle, se passionne pour les arts d'avant-garde. Très vite ils achètent les œuvres-manifestes de Matisse : La Femme au chapeau, La Femme à la raie verte, La Gitane. Un seul coup d'œil au mur où ces tableaux sont alors accrochés dans la demeure des Stein permet de comprendre ce que le peintre cherche à exprimer dans sa peinture : rendre ses « sensations ». Ces acquisitions marquent le début d'une amitié profonde entre les Stein et Matisse. Sarah Stein particulièrement suivra la carrière du peintre et défendra son œuvre. Elle l'aidera même à ouvrir sa propre école de peinture.
Si la période fauve de Matisse se termine autour de 1908, toute son œuvre restera profondément marquée par la couleur, jusqu'aux papiers collés de ses dernières années [ image 3 ].
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Ressources
Dossier pédagogique : Cézanne, Matisse, Picasso... L’aventure des Stein Grand Palais, Galeries nationales (5 octobre 2011 – 16 janvier 2012)
http://www.grandpalais.fr/fr/article/matisse-cezanne-picasso-laventure-des-stein-dossier-pedagogique
Dossier pédagogique : le fauvisme et ses influences sur l'art moderne
Musée de l’Annonciade à Saint-Tropez
https://www.saint-tropez.fr/fr/culture/musee-de-lannonciade/
Musée Henri Matisse à Nice
Musée Matisse à Cateau-Cambrésis
Glossaire
Salon : Au XVIIIe siècle les expositions des membres de l’Académie royale de peinture et de sculpture se tenaient dans le Salon carré du Louvre. Le terme « Salon » désigne par la suite toutes les expositions régulières organisées par l’Académie.
Touche : La touche désigne la matière picturale appliquée d’un seul coup de pinceau sur le support. Le terme peut également désigner plus largement la manière dont le peintre travaille.
Fauves : Les Fauves sont les artistes qui, à leurs débuts, dans les dix premières années du XXe siècle, explorent dans leur peinture le potentiel expressif des couleurs pures sans se soucier d’imiter la nature. L’expression « Fauves » est apparue en 1905 sous la plume d’un critique, exaspéré par la liberté que ces artistes prennent quant aux conventions : l’association sauvage des couleurs, leur tonalité criarde, évoquent pour lui le rugissement d’un fauve. Les représentants les plus célèbres de ce courant baptisé aussi le fauvisme sont Henri Matisse, André Derain et Maurice de Vlaminck.
Héros : Dans la Grèce antique, personnage le plus souvent issu de l’union d’une divinité et d’un mortel auquel on prête des aventures exceptionnelles. Associé à la vie locale, un culte est rendu sur son tombeau.
Palette : La palette est la petite planche sur laquelle l’artiste dispose et mélange ses couleurs. Le terme désigne aussi l’ensemble des couleurs qu’il choisit pour une œuvre.