La Porte de l’Enfer Rodin Auguste

La Porte de l'Enfer

Auteur

Dimensions

H. : 635 cm ; L. : 400 cm ; Pr. : 94 cm ; Pds. : 1715 kg

Provenance

Technique

Sculpture

Matériaux

Plâtre

Datation

1880-1917

Lieu de conservation

France, Paris, musée d’Orsay

La Porte de l’Enfer : l’œuvre d’une vie ? Un réservoir de formes ?

Première commande officielle commandée à Rodin par l'État pour un musée des arts décoratifs prévu sur l'emplacement du musée d'Orsay, La Porte de l'Enfer [ image principale ] met en scène des épisodes de La Divine Comédie de Dante. Élaborée en grande partie entre 1880 et 1890, la Porte nourrira la réflexion du sculpteur jusqu'à sa mort. Ses sculptures les plus célèbres comme Le Penseur [ image 1 ] ou Le Baiser [ image 2 ] sont issues des projets pour cette œuvre.

L'Enfer de Dante, une méditation sur la condition humaine

La Divine Comédie de Dante, poète italien de la fin du Moyen Âge, est divisée en trois parties et s'ouvre sur le récit de l'Enfer. Dante visite le monde souterrain en compagnie du poète latin Virgile. Les deux hommes croisent les damnés qui racontent leur histoire.

Traduit en français au XVIIIe siècle, le texte de Dante inspire de nombreux artistes du mouvement romantique qui cherchent à explorer les profondeurs de la conscience humaine. Rodin n'illustre pas les épisodes décrits par le poète mais en fait la matière d'une réflexion sur la condition humaine. Le thème de l'Enfer permet de mettre en scène les excès auxquels se livre une humanité qui abandonne tout contrôle d'elle-même. Au lieu de représenter les personnages en costumes médiévaux, Rodin décrit les damnés nus, leur conférant atemporalité et universalité.

L'Enfer entre désordre et chaos

Le projet s'inscrivait dans la tradition des portes du Moyen Âge et de la Renaissance, comme La Porte du Paradis que Lorenzo Ghiberti avait conçue au XVe siècle pour le baptistère de Florence. Celui-ci avait choisi de raconter chronologiquement les épisodes de la Genèse dans le carcan rigide des deux battants.

Rodin, lui, élimine les cadres enserrant les histoires. Il laisse les personnages se multiplier et envahir la porte jusqu'à en cacher la structure. Il modèle les corps d'hommes, de femmes et d'enfants. Il les dispose sans ordre apparent pour exprimer la violence des châtiments subis et la détresse psychologique. Rodin apparait marqué par le thème chrétien du Jugement dernier, très répandu au Moyen Âge et à la Renaissance. Les squelettes du linteau rappellent notamment les scènes de résurrection des morts, fréquentes sur le portail des églises médiévales ; les corps contorsionnés et flottant dans l'espace, ceux peints par Michel-Ange dans Le Jugement dernier (Vatican, chapelle Sixtine).

Au cœur du chaos deux épisodes poignants

Deux épisodes sont identifiables : l'histoire d'Ugolin et celle de Paolo et Francesca. Ugolin est représenté sur le battant de gauche [ détail b ]. Tyran de Pise, il est condamné à mourir de faim après avoir dévoré ses propres enfants l'homme à quatre pattes décrit comme un animal a perdu toute conscience et révèle la bestialité contenu dans chaque homme. L'histoire de Paolo et Francesca, celle de jeunes amants tués par un mari trompé, a inspiré deux groupes : les deux corps enlacés sous Ugolin [ détail b ] et, sur le battant de droite, un couple intitulé « Fugit Amor ». Propulsés dans le cercle des vents et bientôt séparés à jamais, ils incarnent la détresse de la passion amoureuse interdite.

Réservoir de formes et expérimentations techniques

Rodin utilise toute sa vie les figures imaginées au départ pour la porte. Il en fait des œuvres autonomes en les agrandissant comme Le Penseur [ image 1 ], à l'origine conçu pour le linteau [ détail c ]. Le Baiser [ image 2 ], premier projet pour Paolo et Francesca, est éliminé de la porte et devient une sculpture totalement indépendante. Ce couple évoquait l'amour accompli et, de ce fait, était en décalage avec la souffrance exprimée par les autres groupes. Mais l'élément le plus novateur est le recours à la technique de l'assemblage, illustrée par Les Trois Ombres [ détail c ], au sommet. Ce groupe est constitué de la même sculpture moulée trois fois. Deux des moulages sont amputés d'un bras et positionnés différemment. Rodin est le premier à fragmenter les sculptures. Cette technique est inspirée par les statues antiques qui sont souvent mutilées ou cassées, mais qui demeurent objet d'admiration.

Le travail d'une vie

La Porte de l'Enfer représente le grand œuvre de Rodin mais il ne la considère jamais comme achevée. Il la présente pour la première fois au public seulement en 1900 dans une version dépouillée de ses groupes sculptés (musée de Meudon). Mais Rodin ne verra jamais les bronzes tirés à partir du plâtre dont le premier est fondu en 1926 après sa mort.

Voir sur le site du musée Rodin, l'exploration de La Porte de l'Enfer

Isabelle Bonithon

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/la-porte-de-lenfer

Publié le 09/11/2011

Glossaire

Haut-relief : Type de relief dans lequel les figures se détachent fortement du fond, à la différence du bas-relief.

Assemblage : Technique de sculpture consistant à créer une œuvre à partir de plusieurs éléments assemblés.

Symbolisme : Mouvement littéraire et artistique de la fin du XIXe siècle dont les adeptes préféraient l’évocation du monde de l’esprit à la description de la réalité.

Allégorie : Représentation figurée d’une idée abstraite.

Jugement dernier : Dans la religion chrétienne, jugement prononcé par Dieu à la fin du monde sur les vivants et sur les morts ressuscités.

Moulage : On entend sous ce terme la technique du moulage qui permet de prendre l’empreinte d’une création originale en volumes et de la reproduire en plusieurs exemplaires (multiples). On appelle tirage le résultat obtenu par l’opération de moulage. Celui-ci se veut le plus fidèle à l’œuvre originale moulée.

Linteau : Pièce horizontale placée au-dessus d'une ouverture. Il permet de répartir le poids d'une maçonnerie autour du vide créé par une porte ou une fenêtre.

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