Notre-Dame de la Belle Verrière
Notre-Dame de la Belle Verrière
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Comment fabriquait-on un vitrail ? La Vierge Marie, « l’icône » de la fin du Moyen Âge ?
En 1194, un incendie ravage la cathédrale romane de Chartres. L'édifice est dévasté, mais quelques vitraux réalisés au XIIe siècle sont miraculeusement épargnés par les flammes, dont les panneaux, datés de 1180, qui représentent la Vierge Marie tenant sur ses genoux l'Enfant Jésus [ image principale ]. L'église est très vite reconstruite selon les principes nouveaux de l'architecture gothique : le vitrail y prend de l'ampleur en raison des plus grandes dimensions des baies. Les verrières réalisées à Chartres au XIIIe siècle constituent un ensemble majeur, parmi les mieux conservés de cette période. C'est dans l'une d'elles que sont remontés les panneaux romans de 1180 représentant la Vierge. Ce vitrail prend dès lors le nom de Notre-Dame de la Belle Verrière.
L'art du vitrail
D'après Pline, les hommes auraient découvert le verre en faisant un feu sur le sable d'une plage. Les techniques de verrerie se développent dès l'Antiquité, donnant naissance à des productions très diversifiées – depuis les premières perles jusqu'aux vases les plus complexes. Les Romains créent des vitres qui ornent des bâtiments comme les thermes, mais elles sont encore incolores. Il faut attendre l'époque mérovingienne pour voir apparaître des vitraux colorés. Plusieurs étapes sont nécessaires pour fabriquer un vitrail. Tout d'abord un peintre dessine une maquette et un carton où il précise la forme et la couleur des morceaux de verre.
Puis le maître verrier prend le relais : au verre en fusion, il mêle des oxydes métalliques pour le colorer dans la masse, puis le souffle en forme de disque. Il découpe alors les morceaux de verre d'après le modèle du carton. Ensuite le peintre verrier ajoute sur le verre des détails à la grisaille (visages, feuillages, motifs géométriques, etc.). Enfin les morceaux de verre sont assemblés dans un réseau de plomb. Il ne reste plus qu'à fixer le panneau dans la fenêtre.
La lumière de Dieu
Au-delà du désir d'éclairer l'intérieur des églises, les vitraux répondent aussi à un impératif symbolique. Dès l'Antiquité, la lumière est associée au divin (Égypte et Grèce antiques). Les réflexions de Platon sur ce sujet sont reprises notamment par Saint Augustin, qui adapte au christianisme ces pensées païennes. Dans un même esprit, l'abbé Suger insiste sur le rôle des vitres colorées. Pour tous ces théologiens, la lumière est une manifestation physique de Dieu sur terre, et les couleurs renforcent son caractère sacré. De plus, lorsque le fidèle entre dans l'église, il a l'impression de se trouver dans la Jérusalem céleste, que la Bible dit bâtie avec des pierres précieuses, lesquelles sont imitées par le verre coloré. Les vitraux contribuent ainsi à rappeler au fidèle la présence de Dieu dans l'église et à élever son âme vers le monde céleste et spirituel.
Bleu, couleur de la Vierge
Notre-Dame de la Belle Verrière se distingue des vitraux du XIIIe siècle par la couleur des habits de la Vierge, un bleu clair et limpide, le « bleu de Chartres », réalisé à base d'oxydes de cobalt. Aujourd'hui oublié, ce savoir-faire spécifique s'est diffusé avec les déplacements des artisans et a été mis en œuvre dans d'autres édifices (Saint-Denis, Le Mans). Méprisé par les Romains, le bleu devient à partir du XIIe siècle l'une des couleurs nobles, notamment grâce à des innovations techniques (teinture) et à l'évolution de sa symbolique. Ainsi, le bleu du ciel divin, le bleu des armoiries des rois de France ou le bleu du manteau de Marie trouvent-ils leur place dans la société médiévale.
Une représentation codifiée
Les vitraux forment des supports d'images qui permettent aux fidèles, souvent illettrés, de connaître les récits bibliques et l'histoire des saints qu'ils doivent prendre pour modèles. Dans le vitrail de Chartres, la Vierge est couronnée et se tient assise sur un trône, tenant son fils sur ses genoux. Ce type de représentation, où la Vierge apparaît à la fois en tant que reine du ciel et mère de Dieu, est appelé « Vierge en majesté ». Il s'est d'abord développé en Orient dans l'art byzantin à la suite du concile d'Éphèse en 431, durant lequel la Vierge est reconnue comme mère de Jésus. Mais il faut attendre le XIIe siècle pour qu'il s'étende de manière significative en Occident, avec l'essor du culte voué à la Vierge Marie. Les églises dédiées à Notre-Dame se multiplient alors, et les images de la Vierge à l'Enfant prolifèrent.
Plus tard, dès le milieu du XIIIe siècle, cette représentation hiératique de la Vierge fera place à celle d'une mère, pleine de tendresse et protectrice, intermédiaire entre les croyants et Dieu [ image 1 ].
Mots-clés
Anne-Lise Blanchet, Sous la direction de Cécile Maisonneuve
Publié le 09/11/2011
Ressources
Site de la ville de Chartres sur les vitraux
http://ville.chartres.free.fr/cathedrale/vitraux/global/index.php
Site du Centre international du vitrail
Site du musée de Cluny
Un site sur la cathédrale de Chartres
Glossaire
Armoiries : Ensemble composé de signes, de couleurs, de devises ou d’ornements qui constitue l’emblème d’un groupe, d’une famille, d’une ville ou d’un État.
Carton : Grand dessin qui sert de modèle pour la réalisation d'œuvres d’envergure : peintures, vitraux et tapisseries.
Concile : Assemblée d’évêques réunis pour résoudre les questions qui peuvent se poser sur le dogme, la morale ou la discipline ecclésiastique.
Grisaille : Peinture monochrome qui joue sur les nuances de noir et de gris afin de représenter les volumes. Dans l’art du vitrail, la grisaille désigne plus particulièrement le mélange utilisé pour réaliser le contour des figures et de certains détails.
Paganisme : Pour les chrétiens, le terme « paganisme » désigne l’ensemble des « païens », c’est-à-dire tous ceux qui ne pratiquent pas une religion du Livre.
Icône : Une icône est, au sens premier, une image. Le mot a fini par désigner plus particulièrement les images religieuses produites dans le monde orthodoxe (Byzance, Russie…).
Platon : Philosophe grec auteur de nombreux textes dont Le Banquet, Timée qui vécut vers la fin du Ve siècle et le début du IVe siècle av. J.‑C.
Art roman : Art qui se développe dans l’Occident chrétien à partir du Xe siècle. Vers le milieu du XIIe siècle, l’art gothique le remplace progressivement au nord de la Loire.
Mérovingiens : Dynastie de rois des Francs, dont le représentant le plus connu est Clovis (481-511). Elle doit son nom à Mérovée, ancêtre de la lignée. Elle prend fin en 751 avec l’avènement de Pépin le Bref, premier roi carolingien.
Art gothique : Style qui se développe à partir du milieu du XIIe siècle jusqu’au début du XVIe siècle dans l’Occident chrétien.
Pline l’Ancien : Écrivain romain du Ier siècle apr. J.-C., auteur d’une Histoire naturelle.
Saint Augustin : (354-430) Évêque d’Hippone en Algérie, considéré comme le père de la théologie médiévale.
Suger : (1080/1081-1151) Conseiller de Louis VI et de Louis VII, abbé de Saint-Denis. Il est considéré comme l’initiateur du style gothique en France avec la rénovation de la basilique de Saint-Denis.