Le Laocoon Hagèsandros Polydôros Athanadôros

Le Laocoon

Commande pour le jardin des Tuileries, pendant du Laocoon

Dimensions

H. 242 cm

Provenance

Italie, Rome

Technique

Sculpture

Matériaux

Marbre blanc

Datation

Fin du Ier siècle av. J.-C. ou début du Ier siècle apr. J.-C.

Lieu de conservation

État du Vatican, musées du Vatican, musée Pio-Clementino

Qu’est-ce qui justifie l’immense renommée de ce groupe sculpté ?

Cet imposant groupe sculpté image principale a été mis au jour par hasard à Rome en janvier 1506. Informé de la découverte, le pape Jules II, grand mécène et collectionneur, envoie sur place son architecte Giuliano da Sangallo, accompagné de Michel-Ange. Ces deux grands artistes de la Renaissance, familiers de la culture antique, reconnaissent aussitôt le groupe cité par Pline l'Ancien dans son Histoire naturelle (XXXVI, 37) comme « étant, de toutes les peintures et sculptures, la plus digne d'admiration ».

Un sujet inspiré de la guerre de Troie

Pline l'Ancien donne le sujet de la sculpture : un épisode de la chute de Troie, connu par un passage de l'Énéide de Virgile (II, 200-227). Lorsque les Grecs feignent de lever le siège de la ville en laissant un cheval de bois sur le rivage, Laocoon, prêtre troyen, met en garde ses concitoyens et leur conseille de le détruire. Mais, alors qu'il s'apprête à un sacrifice, il est tué, ainsi que ses deux fils, par deux énormes serpents. Interprétant cette mort comme un châtiment divin, les Troyens font entrer dans leur ville le cheval, dans lequel sont cachés des guerriers grecs. Le sort en est jeté : la ville sera prise.

Pline nomme aussi les auteurs du groupe, Athanadôros, Hagèsandros et Polydôros, trois sculpteurs rhodiens. Il précise enfin que cette œuvre, sculptée dans un seul bloc de marbre, ornait le palais de l'empereur Titus à Rome. Elle rappelait un thème cher aux Romains, les origines troyennes de leur ville à travers la légende d'Enée.

Une célébrité immédiate et immense

Jules II décide aussitôt d'acquérir cette sculpture si exceptionnelle. Elle est placée dans la cour du Belvédère, au Vatican, où le pape rassemble les pièces les plus prestigieuses de ses collections antiques.

L'œuvre connaît une immense célébrité, qui se mesure au nombre de copies qu'elle suscite. C'est en effet l'occasion pour les artistes de se mesurer à l'art antique et de le surpasser. En 1540, le roi François Ier, souhaitant des collections prestigieuses, envoie son peintre Primatice à Rome faire mouler Le Laocoon et d'autres célèbres antiquesafin d'en tirer des bronzes pour le château de Fontainebleau image 1. Plus tard, à la fin du xviie siècle, Louis XIV en commande une version en marbre à Jean-Baptiste Tuby pour les jardins de Versailles image 2. À ceux-là s'ajoutent les innombrables réductions en différents matériaux, les moulages en plâtre destinés à la formation des jeunes artistes et les gravures qui diffusent l'image du Laocoon dans toute l'Europe. Si la sculpture est une référence absolue, elle est aussi une source d'inspiration pour des œuvres originales comme Ugolin image 3, réalisé par Jean-Baptiste Carpeaux en 1861, qui montre la mort tragique d'un père et de ses fils.

Le problème de la restauration

Toutes ces copies ne montrent pas exactement le même état de l'œuvre. En effet, comme le montre le bronze de Fontainebleau, le bras droit de Laocoon et celui de son fils cadet manquaient au moment de la découverte de la sculpture, de même que la main droite du fils aîné. Mais, au xvie siècle, il était inconcevable de laisser une œuvre antique fragmentaire. Des sculpteurs complétaient donc les parties manquantes. Mais dans quelle position les représenter ? Le bras droit de Laocoon posait le plus grand problème : était-il tendu, ou replié en arrière ? Le bras droit tendu, mis en place au milieu du xvie siècle et repris sur la copie de Versailles, accentue le côté théâtral de la sculpture.

En 1906, une découverte particulièrement inattendue modifie le destin de l'œuvre. Un archéologue allemand trouve dans une décharge un fragment de bras droit plié autour duquel est enroulé un serpent, et le reconnaît comme appartenant au Laocoon ! En 1942, Laocoon retrouve enfin son bras d'origine à l'occasion d'une véritable restauration archéologique de la sculpture, ne conservant que les parties antiques et supprimant les ajouts modernes.

Réalisme anatomique et expressivité

Le groupe du Laocoon a toujours été admiré pour son réalisme anatomique et son expressivité. Il est fait pour être vu de face. Les personnages se débattent en vain, étroitement enlacés par les deux serpents. Le fils cadet, presque soulevé de terre par l'un des deux reptiles, est mourant image b. Au centre, le corps immense du père, mordu à la hanche, forme une longue diagonale son visage aux yeux levés vers le ciel exprime toute sa souffrance image c. Le fils aîné est à la fois spectateur de la terrible scène et la prochaine victime image d.

Ce style dramatique et puissamment expressif s'est en particulier développé dans le royaume de Pergame au iie siècle av. J.-C. La frise du Grand Autel de Zeus en présente un magnifique exemple, très proche à bien des égards du Laocoon.

Une œuvre grecque ou romaine ?

En 1957, la découverte à Sperlonga, au sud de Rome, de groupes sculptés inspirés de L'Odyssée d'Homère, et dont l'un est signé des trois auteurs du Laocoon, permet de mieux comprendre le contexte de réalisation de telles sculptures. Elles ornaient une grotte naturelle aménagée en salle de banquet dans la villa de l'empereur Tibère, dont Sperlonga était l'un des lieux préférés de villégiature. Les signatures permettent de dater l'activité des sculpteurs à la fin du ier siècle av. J.-C. ou au début du siècle suivant. L'atelier était spécialisé dans la réalisation de groupes spectaculaires en marbre destinés à orner palais et villas romains et sans doute inspirés d'originaux en bronze de l'époque hellénistique aujourd'hui disparus. Les riches collectionneurs romains appréciaient particulièrement la virtuosité technique des sculpteurs travaillant le marbre, un matériau très exigeant. Les sept blocs du Laocoon sont d'ailleurs si parfaitement ajustés que Pline a cru qu'ils n'en formaient qu'un ! Si Athanadôros, Hagèsandros et Polydôros sont des sculpteurs grecs, ils travaillaient sans doute en Italie, où se trouvait leur clientèle. C'est pourquoi l'arrière de l'autel sur lequel est assis Laocoon est en marbre italien et non grec. Cette œuvre se situe donc à la frontière entre les créations grecques de l'époque hellénistique et celles relevant de l'art romain.

Françoise Besson

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/le-laocoon

Publié le 02/02/2018

Ressources

La notice de l’œuvre sur le site officiel des musées du Vatican

http://mv.vatican.va/5_FR/pages/x-Schede/MPCs/MPCs_Sala02_03.html

La photographie de la tête d’Ulysse d’un des groupes sculptés de Sperlonga

http://www.cs.mcgill.ca/~rwest/wikispeedia/wpcd/images/530/53097.jpg.htm

Glossaire

Bronze : Alliage de cuivre et d’étain.

Période hellénistique : Dernière période chronologique de la civilisation grecque antique. Elle s’étend de la mort d’Alexandre le Grand en 323 av. J.-C. à la défaite des royaumes hellénistiques vaincus par les Romains à la bataille d’Actium en 31 av. J.-C. Par le choix des thèmes, l’art hellénistique privilégie la représentation de la souffrance humaine et affirme la toute-puissance des dieux. Il offre les premières représentations de l’âge, du petit enfant au vieillard. Il s’intéresse à la représentation du corps en mouvement et à l’expression des sentiments.

Pline l’Ancien : Écrivain romain du Ier siècle apr. J.-C., auteur d’une Histoire naturelle.

Renaissance : Mouvement artistique né au XVe siècle en Italie et qui se diffuse dans le reste de l’Europe au XVIe siècle. Il repose sur la redécouverte, l’étude et la réinterprétation des textes, monuments et objets antiques. À la différence de la pensée médiévale qui donne à Dieu une place centrale, c'est l'homme qui est au cœur de la pensée de la Renaissance.