Stèle de Sakherty

Stèle de Sakherti

Auteur

Dimensions

H. 64 cm ; L. 54 cm

Provenance

Technique

Relief, Polychromie

Matériaux

Calcaire, Pigments

Datation

Vers 2000-1900 av. J.-C.

Lieu de conservation

France, Paris, musée du Louvre

Comment cette stèle apprend  elle à lire une image égyptienne ? Que nous dit elle des croyances des Egyptiens ?

Directeur du service intérieur, Sakherty, qui déclare : " Ô (vous) les vivants sur terre qui passerez
devant cette stèle en allant vers le Nord ou vers le Sud, (aussi vrai que) vous aimez la vie et que vous haïssez la mort, vous direz : "mille pains et jarres de bière, mille pièces de bœufs et de volaille en faveur du
pensionné auprès du grand dieu, seigneur du parfait Occident que voici, lui qui dirigeait le Double Trésor et faisait ce qu'aimait les hommes et approuvent les dieux, Sakherty",
qui déclare : j'ai donné de l'eau à l'assoiffé , des vêtements à qui était nu. Il n'est rien que j'ai commis
à l'encontre des hommes".
(traduction C. Barbotin, 2005)

Un monument pour l'éternité

La stèle en calcaire peint de Sakherty image a provient sans doute d'Abydos comme les milliers d'autres qui y ont été retrouvées. Au Moyen Empire, cette localité devient l'un des principaux centres du culte du dieu Osiris, souverain du monde des morts, et un lieu de pèlerinage majeur. Désireux de s'assurer une éternité conforme à leurs désirs où la nourriture abonderait, les pèlerins déposent en signe de dévotion, statues, stèles, tables d'offrandes et monuments divers, selon leurs moyens financiers. Placés dans la zone des processions, à proximité du temple, ces ex-votos sont destinés à perpétuer leur présence auprès d'Osiris et bénéficier alors des offrandes et des prières des autres pèlerins, comme le texte en fait ici la demande.

Une famille de dignitaires

Le dédicant Sakherty était directeur du service intérieur du roi Sésostris Ier et chef du trésor. Il est représenté en haut à gauche de la stèle assis aux côtés de son épouse Ankhes image b , attablé devant un monceau d'offrandes alimentaires image c face à ses parents, Nakhti et Senetba image d .

Au registre médian défilent les frères et sœurs de Sakherty image e et un "suivant" tandis qu'au registre inférieur les serviteurs apportent d'autres offrandes image f.

Une image « magique »

Avant d'être esthétique, une image égyptienne est avant tout performative, magique en quelque sorte. Tout en cherchant à créer un tableau harmonieux, l'artiste vise l'efficacité par une composition et des codes qui permettent de lire immédiatement la totalité des informations nécessaires au but recherché, ici la survie éternelle de Sakherty et des siens. L'image doit donc être la plus complète possible et juxtaposer des points de vue différents, c'est ce que les spécialistes appellent « aspective ». Elle ne représente pas la réalité telle que les Egyptiens la voient mais telle qu'ils la connaissent. Ainsi, épaules et œil de face dans un corps de profil dont les deux jambes sont visibles permettront à la figure humaine d'agir et de se mouvoir sans entraves.

Les offrandes sur la table se superposent en un impossible équilibre afin de bien distinguer les volailles image c, diverses pièces de bœuf, légumes et pains variés. De même, le miroir, attribut de la femme, est posé à la verticale sous le siège de la mère et de l'épouse.

L'importance hiérarchique des personnes représentées est donnée par l'échelle des tailles non réaliste, les personnages secondaires, comme les serviteurs, sont toujours plus petits que leurs maitres.

Le dedans et le dehors

Les sculpteurs égyptiens travaillent la surface de deux manières : bas-relief et relief dans le creux. Le bas-relief est utilisé pour un décor à l'intérieur d'un monument, tandis que le relief dans le creux est réservé aux parois extérieures car il est plus solide et plus lisible sous le soleil.

Sur cette stèle, la scène principale, le repas funéraire, est sculptée en relief, on imagine donc qu'elle se déroule dans un intérieur. Les personnages des registres inférieurs sont en relief « dans le creux », ils sont donc à l'extérieur. Cette subtilité technique indique que Sakherty, son épouse et ses parents sont dans une chapelle vers laquelle convergent sa famille et ses serviteurs pour accomplir le rituel des offrandes. C'est en jouant avec deux techniques de rendu du relief que le sculpteur évoque les espaces intérieurs et extérieurs dans cette scène, transposant une réalité tridimensionnelle dans un objet en deux dimensions.

Les hiéroglyphes sont des images et les images sont des hiéroglyphes

Sur cette stèle, le texte en hiéroglyphes se compose de deux lignes horizontales et de trois colonnes verticales.

Les hiéroglyphes notent les mots de manière phonétique, il n'y a ni orthographe, ni majuscules, ni espaces entre les mots. Pour aider à la lecture, certains hiéroglyphes, généralement placés à la fin du mot, servent à les catégoriser. On les appelle les déterminatifs. Par exemple, un nom d'homme sera suivi d'un hiéroglyphe représentant un homme. Comme textes et images se complètent dans l'art égyptien, les personnages représentés ici sont aussi les déterminatifs de leur nom.

Dans le texte, la lecture se fait de droite à gauche, sens habituel de lecture. En effet, les hiéroglyphes représentant personnages et animaux regardent vers la droite, le début du texte.

Cependant, les hiéroglyphes peuvent aussi se lire de gauche à droite, par exemple lorsque les personnages auxquels ils se rapportent sont orientés vers la gauche, comme c'est le cas ici pour les parents de Sakherty image g.

Une juste récompense

Les offrandes alimentaires, omniprésentes dans bien des scènes égyptiennes, constituent l'assurance d'une survie perpétuelle dans l'au-delà. Elles ont aussi une valeur symbolique : la rétribution matérielle d'une bonne conduite sur terre. Elles matérialisent en quelque sorte le salaire, la pension, rétribuant le notable exemplaire qui a agit selon la Maât, l'équilibre précaire du monde où chacun participe par ses actions au maintien de la Création. Dans le texte Sakherty le clame haut et fort et l'hommage pieux d'un pèlerin lisant cette stèle sera la juste récompense accordée à un homme de bien.

Les petits personnages peints au registre médian image h ont été rajoutés dans un second temps (détails), peut-être parce que nés après la réalisation de la stèle. Cette actualisation prouve le lien maintenu par la famille avec ce monument.

Cependant, nul n'est certain d'avoir une descendance qui continue à accomplir, pendant l'éternité, les rites nécessaires à la survie. Textes et images étaient destinés à palier virtuellement aux aléas matériels à condition d'être activés par la parole. Ce qui est lu devient alors réalité. Les offrandes « sortent à la voix », (selon la formule consacrée), d'où l'« appel aux vivants » par Sakherty.

A Abydos, au plus près du dieu Osiris, un monument comme cette stèle constitue une assurance supplémentaire. Si le culte funéraire vient à cesser dans la chapelle de sa tombe, cette stèle assurera à Sakherty le cycle des offrandes dans la mesure où elle saura attirer l'attention d'un lecteur.

Son vœu vient d'être exaucé…

Sandrine Bernardeau

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/stele-de-sakherty

Publié le 10/02/2016

Ressources

Le mini-site de l’exposition Les Portes du Ciel au Louvre (2009)

http://mini-site.louvre.fr/portesduciel/FR/01expo/index.php

Glossaire

Registre : Dans une œuvre peinte ou sculptée, lorsqu’un décor est réparti sur plusieurs bandes superposées, le registre désigne l’ensemble des éléments situés au même niveau.

Moyen Empire : Période de la civilisation égyptienne allant de la XIe à la XIIIe dynastie (2033-1710 avant J.-C.) qui, par sa richesse littéraire et artistique, a été qualifiée d’âge d’or par les générations suivantes.

Ex-voto : Objet offert à une divinité et placé dans un lieu de culte pour la remercier d’un bienfait ou en solliciter un.

Osiris : Dieu du monde des morts de l’Égypte pharaonique. Sa personnalité se construit et se complète au fil des siècles jusqu’à l’époque romaine. Fils de Geb, la terre, et de Nout, le ciel, il est désigné premier roi sur terre par le démiurge (ou créateur) Atoum. Assassiné par son frère Seth, jaloux de lui, il est le premier être de la création à avoir subi le drame de la mort. Ramené à la vie par l’intervention magique de son épouse Isis, il règne dès lors sur l’au-delà. Il est représenté gainé dans un linceul, portant une couronne et les sceptres de la royauté.

Bas-relief : Type de sculpture en deux dimensions. Le matériau est creusé afin que la forme souhaitée apparaisse en épaisseur par rapport au fond.

Relief dans le creux : Type de sculpture en deux dimensions. Le matériau est creusé afin que la forme souhaitée apparaisse en creux par rapport au fond.