Urne décorée d’un char attelé

Urne décorée d’un char attelé

Détail des motifs en quadrillage et triangles

Auteur

Dimensions

H. 22 cm

Provenance

Indre-et-Loire, Sublaines

Technique

Céramique, Polychromie

Matériaux

Terre cuite, Étain

Datation

VIIIe siècle av. J.-C.

Lieu de conservation

France, Saint-Germain-en-Laye, musée d'Archéologie nationale

Pourquoi cette urne en céramique est-elle si attrayante ?
À qui était-elle destinée ?

À 2,5 kilomètres du village de Sublaines, en Indre-et-Loire, s'élèvent deux tumulus. Le plus petit, épargné des pillages, est daté du VIIIe siècle av. J.-C., soit du premier âge du Fer, également appelé période de Hallstatt (800-450 av. J.-C.). Cette culture, qui succède à l'âge du Bronze, tient son nom de la nécropole autrichienne où en furent découverts les premiers témoignages.

C'est dans le « petit tertre » qu'a été exhumée cette élégante urne cinéraire au décor remarquable [ image principale ].

Une grande maîtrise d'exécution

L'urne mesure 22 centimètres de hauteur. De forme bulbeuse, elle présente un col évasé et porte sur son épaule une petite anse. Sa panse est galbée et son pied rétréci. Ce vase non tourné présente des parois très fines variant de 4 à 5 millimètres d'épaisseur, et pouvant atteindre seulement 2 millimètres dans sa partie inférieure.

L'intérieur de l'urne a été laissé brut il est de couleur grise, excepté le col qui est brun noir. L'extérieur présente quant à lui un décor peint utilisant trois engobes différents. L'urne est rythmée par cinq bandes, alternativement colorées d'un beau rouge vif et d'un subtil marron glacé, séparées par des filets parallèles incrustés de lamelles d'étain. Ces dernières ont également été utilisées pour réaliser le décor principal, qui se développe sur l'une des bandes brunes de 4,5 centimètres de large, située sur l'épaule du vase. L'attention se porte immédiatement sur le motif figuratif qui distingue ce vase : un char attelé tiré par deux chevaux [ détail b ].

Une figuration rare : le char attelé

Des quelques représentations de char sur céramique actuellement connues, celle de l'urne de Sublaines est la seule à avoir été traitée avec de l'étain en effet, les autres ont été gravées.

Sur le vase, la caisse du char est encadrée de ses quatre roues vues par le dessus, comme si elles étaient démontées et posées à plat. Les deux essieux sont placés en dehors de la caisse du véhicule, à laquelle ils sont reliés par un dispositif triangulaire. Le timon est bien noté, rattaché au train avant par un triangle de fixation, ainsi que le joug placé à hauteur de l'encolure des chevaux. Ces derniers, très stylisés, sont rabattus symétriquement vers l'extérieur.

Cette figuration originale est suivie de motifs géométriques très variés [ détail c ] : losanges, « H » couché, quadrillage, triangles [ détail d ], quadrilatères imbriqués, dents de loup. L'anse et l'intérieur du col portent également un décor géométrique en lamelles d'étain. À l'évidence, l'auteur du vase a voulu éviter les répétitions.

La technique originale d'application de lamelles d'étain

La technique d'application de lamelles d'étain ayant été peu expérimentée, elle reste aujourd'hui mal connue. Cependant, les archéologues ont retrouvé, sur certaines céramiques du Nord des Alpes, des empreintes de lamelles disparues. Leur présence est marquée par de petites boulettes de pâte qui ont servi d'adhésif au moment de la pose. Il pourrait s'agir de résine, de poix ou de bitume. Les lamelles ont également pu être incrustées directement dans la pâte.

L'analyse du métal de l'urne de Sublaines atteste qu'il s'agit d'étain à faible teneur de plomb. Le métal devait donc se présenter sous la forme de plaques souples qui étaient ensuite découpées en lamelles de différentes largeurs selon les motifs à réaliser. Celles de l'urne de Sublaines mesurent de 1,5 à 4 millimètres de large et, mises bout à bout, atteignent une longueur totale de plus de 17 mètres. Ce vase devait produire au Hallstatt un grand effet avec son éclat métallique jouant sur la polychromie.

L'origine de cette technique de décor, apparue dès l'âge du Bronze final et poursuivie au Hallstatt ancien, semble se situer dans les stations pallafitiques de Suisse (lac de Neuchâtel) et de Savoie (lac du Bourget), mais sa diffusion apparaît relativement faible.

L'urne de Sublaines, par l'utilisation de cette technique et la profusion de ses lamelles, est ainsi un objet exceptionnel.

Une sépulture sous tumulus

À partir du VIIIe siècle av. J.-C., les sépultures sous tumulus se multiplient dans le Centre et l'Est de la France. Ces monuments funéraires, édifiés par la collectivité au profit d'un seul individu, sont exclusivement réservés durant le Hallstatt ancien (800-600 av. J.-C.) à des hommes porteurs d'une épée, d'abord de bronze, puis de fer, et appartenant donc à une élite guerrière. Le rite de l'inhumation se développe et coexiste, comme à Sublaines, avec celui de l'incinération, qui consiste à brûler le corps du défunt sur un bûcher et à recueillir ses cendres dans un vase.

Le tumulus de Sublaines, d'un diamètre de 40 mètres et d'une hauteur comprise entre 1,50 et 1,65 mètre au moment de sa fouille, devait à l'origine s'élever à plus de 3 mètres de hauteur. La masse importante du tertre est composée d'une terre compacte où abondent des coquilles de mollusques. Le lieu d'implantation du tumulus étant aride, les hommes ont transporté cette terre d'une zone de marais, qui a été repérée à pas moins de 1,5 kilomètre du tumulus, ce qui représente un travail très important.

Au centre du tertre se trouvait un amas de blocs de calcaire qui ne couvrait rien. C'est à 1 mètre de ces blocs que l'urne a été trouvée. Elle avait été déposée directement sur le sol sans aucune protection, d'où son écrasement elle était en effet brisée en 229 fragments. Le matériel archéologique retrouvé dans la masse du tumulus étant trop réduit pour être signifiant, c'est le superbe vase de céramique contenant les cendres d'un défunt qui a capté toute l'attention.

Un vase digne d'un homme puissant

Compte tenu de l'importance du tumulus, nous savons déjà que le défunt appartenait à l'élite de son temps. Son urne funéraire, production de grand luxe, témoigne également de l'importance de celui qui la possédait.

La présence d'une représentation de char renforce elle aussi cette idée de pouvoir, mais elle reste difficile à interpréter. Ce char peut d'une part être mis en relation avec les véhicules de petite taille utilisés dans les cérémonies consacrées à un culte solaire dès l'âge du Bronze, comme en témoigne le char de Trunholm (Danemark). Il pourrait d'autre part annoncer le développement des tombes princières hallstattiennes du VIe siècle av. J.-C., dans lesquelles les défunts sont inhumés sur un vrai char funéraire.

Christine Vève

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/urne-decoree-dun-char-attele

Publié le 17/03/2015

Ressources

Frise chronologique depuis la Préhistoire jusqu’à aujourd’hui, avec des généralités sur l’âge du Bronze et l’âge du Fer

http://www.inrap.fr/archeologie-preventive/chronologie-generale#.VO4A27OG_Go

L'« or blanc » de Hallstatt Hallstatt, Vallée du Salzberg, Alpes autrichiennes, Autriche

https://www.inrap.fr/dossiers/Archeologie-du-Sel/Les-sites/Hallstatt-Autriche#.XR8Rn3u3zFw

Sur le mobilier funéraire aristocratique de l’âge du Fer

http://www.musee-archeologienationale.fr/objet/mobilier-funeraire-aristocratique

Une synthèse d’Aimé Bocquet sur le Hallstatt ancien dans les Alpes

http://aimebocquet.com/

Glossaire

Urne cinéraire : Vase destiné à contenir les cendres d’un défunt.

Tombe à tumulus : Sépulture recouverte d’un monticule artificiel.

Engobe : Revêtement mince, à base d’argile délayée, coloré en général au moyen d’oxydes. Il unifie la surface de la céramique et modifie sa couleur naturelle.

Nécropole : Cimetière.