L’Entrée d’Alexandre le Grand dans Babylone Le Brun Charles

L’Entrée d’Alexandre le Grand dans Babylone

Étude pour "L’Entrée d’Alexandre le Grand dans Babylone"

Dimensions

H. : 450 cm ; L. : 707 cm

Provenance

Technique

Peinture

Matériaux

Huile sur toile

Datation

1665

Lieu de conservation

France, Paris, musée du Louvre

Pourquoi Charles Le Brun utilise-t-il la figure d’Alexandre le Grand pour glorifier Louis XIV ?

Cette peinture de Charles Le Brun image a appartient à un cycle monumental de toiles ayant pour thème Alexandre le Grand. Elle démontre que son auteur, parfois réduit à sa fonction de « décorateur de Versailles », est un peintre d'un talent extraordinaire.

Fils d'un sculpteur parisien, Charles Le Brun image 1 est, très jeune, élève de Simon Vouet. À l'âge de 23 ans, il accompagne le peintre Nicolas Poussin à Rome. Après quatre années passées en Italie, il revient à Paris et se fait remarquer. Il décore alors plusieurs hôtels particuliers parisiens et châteaux, notamment celui de Vaux-le-Vicomte. Ses dons dans ce domaine le font engager par Colbert au service de Louis XIV : il travaille au décor des résidences royales (le Louvre, les Tuileries, Saint-Germain-en-Laye…) et réalise des peintures, mais aussi des dessins pour des sculptures, du mobilier, de l'orfèvrerie. À Versailles, il supervise la décoration du palais. « Premier peintre du Roi », il est également directeur de l'Académie royale de peinture et de sculpture, qu'il a contribué à créer, et de la manufacture de tapisserie des Gobelins.

Un cycle de peintures à la gloire de Louis XIV

Très tôt, Louis XIV est comparé à Alexandre le Grand, modèle de grand monarque. Jeune homme, il tient le rôle de l'empereur dans La Naissance de Vénus, un ballet de Jean-Baptiste Lully. De même, Jean Racine lui dédie sa pièce Alexandre le Grand.

En peignant dès 1661 Les Reines de Perse aux pieds d'Alexandre image 2, Charles Le Brun s'inscrit dans ce courant flatteur pour Louis XIV. Le succès du tableau l'incite à réaliser un cycle sur quelques grands épisodes de la vie du héros antique : L'Entrée d'Alexandre le Grand dans Babylone image a, Le Passage du Granique image 3, La Bataille d'Arbèles image 4 et Alexandre et Porus image 5. Contribuant admirablement à la propagande monarchique, les toiles sont rapidement acquises par le roi et, plus tard, reproduites en tapisseries image 6 à la manufacture des Gobelins.

Alexandre le Grand, conquérant de l'Empire perse

Alexandre (356-323 av. J.-C.) est le fils de Philippe II, souverain de Macédoine, un royaume puissant du nord de la Grèce. Poursuivant l'œuvre de son père, il délivre des Perses les cités grecques d'Asie Mineure, conquiert de nouveaux territoires et constitue un immense empire. Il bat définitivement l'empereur perse Darius III près d'Arbèles, dans le nord de l'Irak actuel. Il peut alors faire une entrée triomphale, plus au sud, dans la fabuleuse cité de Babylone…

Les personnages du tableau

S'appuyant sur une scrupuleuse documentation historique et archéologique, Charles Le Brun propose une illustration dense mais claire de l'entrée d'Alexandre dans Babylone.

Dans la zone centrale du tableau, l'empereur se détache nettement à droite image b. Il se tient debout sur un char orné d'une scène de bataille en bas-relief et tiré par deux éléphants pris à l'armée de Darius. Sur l'un d'eux est assis un adolescent blond vêtu de bleu et tenant un encensoir image c. Le visage d'Alexandre, tourné vers le spectateur, correspond aux nombreux portraits ayant été réalisés de son vivant, notamment par le sculpteur Lysippe image 7. D'après ces représentations, il n'avait pas de barbe, pourtant signe de maturité chez les Grecs, et était doté d'une épaisse chevelure. Ici, il porte un superbe casque doré, ceint d'une couronne de laurier. Il tient son épée et un sceptre orné d'une statuette de la déesse de la victoire.

Le cavalier archer au premier plan peut être identifié comme Bagophanès, gardien de la citadelle de Babylone et du trésor de Darius. Il supervise le transport, effectué sur un brancard tenu par deux serviteurs, d'un magnifique vase d'or ciselé à motifs de serpents, chef-d'œuvre d'orfèvrerie du trésor de Darius qu'il livre à Alexandre.

Le cadre urbain

À gauche se dresse une statue de Sémiramis, reine légendaire qui, selon certains écrivains antiques, aurait commandé la construction de Babylone. Elle tient son sceptre et une grenade, symbole d'abondance et de fertilité.

À l'arrière-plan, la cité de Babylone est reconnaissable à l'étonnante terrasse circulaire surmontée de végétation, allusion aux célèbres « Jardins suspendus », l'une des « Sept Merveilles du monde ». Sur des braseros, disposés parmi les bâtiments, brûlent des parfums. Ces « trépieds » sculptés de têtes de béliers figurent aussi dans des tableaux d'artistes contemporains de Le Brun image 8.

Dans cette composition en frise rappelant les bas-reliefs antiques, la répartition équilibrée des personnages (étudiés, dans les dessins préparatoires de l'artiste, d'abord nus puis vêtus image 9), des objets, des éléments d'architecture et des couleurs, aboutit à une représentation riche mais aérée et rythmée de l'entrée solennelle du grand Alexandre dans cette Babylone… où il mourra huit ans plus tard.

Sylvie Cuni-Gramont

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/lentree-dalexandre-le-grand-dans-babylone

Publié le 04/03/2019

Ressources

Une étude de l’œuvre par Philippe Lamarque extraite du Dossier de l’actualité de l’Histoire de septembre 2008 et disponible sur le site de l’association Arrête ton char

https://www.arretetonchar.fr/wp-content/uploads/2013/IMG/pdf_L_entree_d_Alexandre_dans_Babylone_-_Le_Brun.pdf

Glossaire

Bas-relief : Type de sculpture en deux dimensions. Le matériau est creusé afin que la forme souhaitée apparaisse en épaisseur par rapport au fond.

Orfèvrerie : Art de travailler les métaux précieux.

Ciselure : technique de métallurgie par laquelle les objets sont retravaillés à l’aide de petits instruments dits ciselets pour soit supprimer les imperfections soit pour créer des détails et donner plus de finesse aux décors.

Sceptre : Insigne de pouvoir en forme de bâton.

Tapisserie : Ouvrage textile tissé à la main sur une lice.

Philippe II de Macédoine : Philippe II, roi de Macédoine (359-336 av. J.-C.), a initié l’expansion de son royaume qui sera poursuivie par son fils Alexandre le Grand. Son règne voit se développer l’hégémonie macédonienne sur une partie du monde grec. Découverte intacte à Vergina en 1977, sa sépulture contenait encore un très riche mobilier funéraire dont de grandes pièces d’orfèvrerie.

Composition : Manière de disposer des figures, des motifs ou des couleurs dans l’élaboration d’une œuvre.

Académie (institution) : L’Académie royale de peinture et de sculpture est fondée en 1648. En 1816, l'Académie des beaux-arts est créée par la réunion de l’Académie royale de peinture et de sculpture, de l’Académie de musique (fondée en 1669) et de l’Académie d’architecture (fondée en 1671).