Adam Pierre de Montreuil (attribué à)

Adam

Dimensions

H. 200 cm ; L. 73 cm ; P. 41 cm

Provenance

Paris, cathédrale Notre-Dame, revers de la façade du bras sud du transept

Technique

Sculpture

Matériaux

Calcaire

Datation

Vers 1260

Lieu de conservation

France, Paris, musée de Cluny, musée national du Moyen Âge

Les artistes du Moyen Âge se sont-ils inspirés des œuvres de l’Antiquité ?

Cette sculpture image principale est actuellement présentée au musée de Cluny – musée national du Moyen Âge. Durant la période médiévale et jusqu'au XVIIIe siècle, elle était placée dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, associée à une statue d'Ève aujourd'hui disparue.

Adam, le premier homme

L'œuvre représente Adam, le premier homme, dont la création est relatée dans la Genèse. Modelé par Dieu « à son image » (Genèse, I, 26-27), sa côte a ensuite été utilisée par Dieu pour créer la première femme, Ève.

Tous deux étaient nus [ image 1., et « ils n'en éprouvaient aucune honte l'un devant l'autre » (Genèse, II, 25). Dieu leur interdit le fruit de l'arbre de la connaissance du Bien et du Mal. Incités par le serpent (le Diable) à désobéir, ils commettent le « péché originel » : « Alors leurs yeux à tous deux s'ouvrirent et ils se rendirent compte qu'ils étaient nus. Ils attachèrent les unes aux autres des feuilles de figuier, et ils s'en firent des pagnes. » (Genèse, III, 7.) Cela explique qu'Adam est ici representé cachant sa nudité derrière le feuillage d'une branche arbre.

Une sculpture plus grande que nature

Cette sculpture a été conçue vers 1260 pour être placée sur le jubé de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Elle était donc située en hauteur, et ses faces étaient toutes visibles, ce qui explique qu'elle soit également travaillée au revers. Cette position en hauteur explique également les dimensions imposantes de la statue (2 m), qui lui permet d'être bien vue et le sujet reconnu par les fidèles, même à distance.

Ce n'est sans doute qu'au XVIIe siècle qu'Adam a été déplacé dans le bras sud du transept (côté Seine), comme le montre un dessin réalisé par Robert de Cotte vers 1700.

Du Moyen Âge à aujourd'hui

Le sculpteur a choisi un calcaire dur (du liais), au grain très fin, proche du marbre. Ce matériau a permis au sculpteur de rendre le modelé du corps d'Adam avec une grande subtilité image b.

Cette sculpture était autrefois rehaussée de couleurs, permettant d'en renforcer le réalisme. On remarque des pigments verts sur le feuillage de figuier image c, bruns rouges sur les branches, et bruns plus sombres sur la chevelure image d. Le corps était quant à lui couvert d'un blanc pâle, moins aisé à percevoir.

À l'époque médiévale, la couleur est fabriquée à partir de métaux (ici, le blanc est issu du plomb et le rouge d'oxyde de fer) ou de terres (ocre jaune). Les pigments sont broyés puis mêlés à des colles ou à des huiles végétales, notamment sur la branche.

La sculpture, abîmée par le temps, a été restaurée au XIXe siècle. À cette occasion, la position de la main droite a été modifiée : elle apparaît aujourd'hui dans un geste de bénédiction image b. Toutefois, certaines représentations anciennes, comme la toile La Folie de Charles VI de Charles Marie Bouton image 2, montrent la sculpture avant sa restauration : la main d'Adam apparaît tournée vers lui et refermée comme pour tenir une pomme.

Souplesse et naturel

Le réalisme avec lequel le corps d'Adam est représenté fait que la sculpture est aujourd'hui considérée comme l'un des plus beaux nus du Moyen Âge. Il laisse à penser que le sculpteur a travaillé d'après un modèle vivant, un homme nu qu'il a dessiné de face, de trois quarts et de profil, qu'il a ensuite modelé dans la terre puis taillé dans un bloc de calcaire. Ce procédé évite les erreurs et permet d'affiner l'attitude, les proportions, les gestes et les expressions du sujet.

Adam est en appui sur sa jambe droite, tendue, alors que sa jambe gauche est légèrement fléchie. Cette dissymétrie entraîne l'inclinaison du bassin mais aussi, plus légèrement, des épaules. La sculpture gagne ainsi en souplesse et en naturel.

Des artistes itinérants

L'identité du sculpteur n'est pas connue avec certitude, mais il pourrait s'agir de Pierre de Montreuil, un des architectes de Notre-Dame de Paris, qui a également réalisé des sculptures pour l'église de Saint-Germain-des-Prés.

À l'époque médiévale, surtout au moment de la construction et du décor des églises et des cathédrales (XIe-XVe siècles), les architectes et les sculpteurs sont itinérants. Ils se déplacent d'un chantier à l'autre, d'une ville à l'autre, d'une abbaye à l'autre, et transportent ainsi les idées et les styles.

Adam appartient au style parisien, gracieux et élégant que l'on retrouve également sur les cathédrales d'Amiens, de Reims et de Bourges image 3.

Le modèle de l'Antiquité

La sculpture présente plusieurs caractères antiquisants. Hanchement contrebalancé par le mouvement des épaules, fléchissement du genou gauche et tension du genou droit, délicatesse des mains se retrouvent ainsi dans des sculptures antiques, notamment les Vénus romaines inspirées de l'Aphrodite de Cnide de Praxitèle image 4. Le visage, quant à lui, rappelle certains bustes d'Apollon de l'époque romaine.

La présence de ces caractères peut s'expliquer par le fait que de nombreuses figures antiques (petits bronzes romains) circulent à l'époque médiévale et influencent les artistes. On peut penser que Pierre de Montreuil, architecte et sculpteur de renom, et les artistes de son atelier connaissaient ces modèles et s'en sont inspirés.

À la suite de la Révolution, Adam est envoyé au musée des Monuments français en 1797, puis à Saint-Denis et, enfin, au musée de Cluny en 1887, où il est présenté au centre d'une salle qui permet de l'admirer sur toutes ses faces.

Marie-Bélisandre Vaulet

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/adam

Publié le 06/07/2020

Ressources

L’article de Wikipédia sur le personnage biblique d’Adam

https://fr.wikipedia.org/wiki/Adam

La notice de l’œuvre par Xavier Dectot, publiée dans le catalogue en ligne des collections Sculptures des XIe-XIIIe siècles. Collections du musée de Cluny (Éditions de la Réunion des musées nationaux – Grand Palais)

http://www.sculpturesmedievales-cluny.fr/notices/notice.php?id=3

La notice des fragments de linteaux représentant la Résurrection des morts et provenant du portail central de Notre-Dame de Paris sur le site du musée de Cluny – musée national du Moyen Âge

https://www.musee-moyenage.fr/collection/oeuvre/resurrection-morts-notre-dame.html

Glossaire

Genèse : Premier livre de la Bible racontant la Création du monde par Dieu.

Transept : Construction perpendiculaire à la nef, qui donne à l’église un plan en croix.

Jubé : Élément architectural, souvent richement décoré, qui sépare le clergé des fidèles

Oxyde métallique : Composé chimique qui se colore à la chaleur. Le cobalt devient bleu, le cuivre vert, le manganèse brun ou violet, le chrome jaune ou rouge…

Art gothique : Style qui se développe à partir du milieu du XIIe siècle jusqu’au début du XVIe siècle dans l’Occident chrétien.