Affiches pour Sarah Bernhardt Mucha Alfons

Gismonda

Affiche publicitaire

Auteur

Dimensions

H. : 215 cm L. : 74 cm

Provenance

Technique

Lithographie colorée

Matériaux

Datation

1894

Lieu de conservation

France, Paris, Bibliothèque nationale de France (BNF)

Comment Sarah Bernhardt a-t-elle lancé la carrière d’Alfons Mucha ?

Peintre et dessinateur tchèque fasciné par le théâtre, Alfons Mucha connaît la célébrité à Paris avec les affiches qu'il réalise pour Sarah Bernhardt, la plus grande actrice de l'époque. Son style, qui privilégie les lignes courbes et les motifs végétaux, est caractéristique de l'Art nouveau. Il incarne l'âge d'or des affiches publicitaires en couleur, nouveau mode d'expression pour de nombreux artistes à la fin du xixe siècle.

Alfons Mucha et Sarah Bernhardt : un coup de foudre artistique !

Né en 1860 dans une famille modeste en Moravie (dans l'actuelle République tchèque, qui faisait alors partie de l'Empire austro-hongrois), Alfons Mucha commence sa carrière comme décorateur de théâtre à Vienne, puis s'installe à Paris en 1887. Il travaille alors comme illustrateur pour différentes revues, mais il est presque inconnu quand son destin va basculer. La veille de Noël 1894, Mucha est le seul artiste présent chez l'imprimeur Lemercier quand Sarah Bernhardt commande en urgence une affiche pour Gismonda, sa nouvelle pièce, qui commence début janvier image principale. Enchantée par celle que lui propose Mucha, l'actrice fait de lui son artiste attitré.

Il collabore avec elle pendant six ans, créant neuf affiches, mais aussi des décors, costumes et bijoux pour la scène.

Sarah Bernhardt règne alors sur la scène parisienne. Elle a triomphé dans Phèdre de Racine, Ruy Blas et Hernani de Victor Hugo, qui la surnomme la Voix d'or. Elle prend la direction en 1893 du théâtre de la Renaissance, puis en 1899 du théâtre des Nations (aujourd'hui le théâtre de la Ville), qu'elle rebaptise de son nom. Ses tournées avec sa propre compagnie la font connaître du monde entier, et Jean Cocteau invente pour elle l'expression de « monstre sacré ». Dotée d'un goût très sûr et d'un sens inné de la publicité, elle accorde une grande importance à son image. Elle inspire de nombreux artistes image 1 et pratique elle-même la peinture et la sculpture.

Des affiches novatrices

Les affiches qu'Alfons Mucha crée pour Sarah Bernhardt sont toutes composées sur le même principe : leur format est vertical et étroit, et l'actrice en occupe seule toute la hauteur dans le costume du rôle qu'elle joue, un arc de cercle encadrant sa tête telle une auréole. Les affiches donnent l'impression que l'actrice occupe une niche à la façon d'une statue dans une église. La retombée de son vêtement empiète souvent sur le nom du théâtre, écrit généralement en bas, le titre de la pièce figurant en haut. Le nom de l'actrice se fond dans la composition, tandis que la signature d'Alfons Mucha apparaît discrètement ainsi que le nom de l'imprimeur (Lemercier pour la première affiche image principale, puis Champenois). Décor, graphie et couleurs sont adaptés à chaque pièce.

Son art mêle des sources d'inspiration diverses : les arts populaires de Moravie, la tradition baroque tchèque, l'art byzantin, les estampes japonaises. Elles se fondent en un style à la fois moderne et très personnel, qu'il adapte à la chromolithographie, unissant composition monumentale, élégance du dessin et délicatesse des couleurs.

« Reine de l'attitude et princesse des gestes »

Telle était Sarah Bernhardt selon le dramaturge Edmond Rostand ! Alfons Mucha la représente à chaque fois dans une attitude qui résume la pièce et cerne le caractère du personnage : sur l'affiche de Gismonda image principale, œuvre de Victorien Sardou écrite pour elle en 1894 et dont l'action se situe en Grèce à la fin du Moyen Âge, il la montre participant à une procession, noble et hiératique, une grande palme à la main. Sur l'affiche de La Dame aux camélias image b d'Alexandre Dumas fils (1852), un de ses rôles fétiches qu'elle reprendra en 1896, sa silhouette alanguie et rêveuse suggère le drame intérieur de la courtisane, qui se sacrifie pour celui qu'elle aime. Tragédienne avant tout, Sarah Bernhardt interprète un des rôles-phare du répertoire, Médée, dans la pièce éponyme en trois actes de Catulle Mendès d'après Euripide (1898) : au sommet du drame, elle surgit, les yeux exorbités, tenant le poignard ensanglanté avec lequel elle vient d'égorger ses enfants, étendus à ses pieds, pour punir Jason de son infidélité image e. Sarah Bernhardt a une prédilection pour les rôles masculins, que sa silhouette mince et androgyne lui permet d'incarner. Elle joue ainsi le rôle principal des pièces Lorenzaccio image c et Tragique histoire d'Hamlet, prince de Danemark image d, sur les affiches desquelles elle apparaît habillée de noir, préméditant un meurtre : dans le drame d'Alfred de Musset, celui du duc Alexandre de Médicis, et dans celui de William Shakespeare, celui de l'assassin du père du héros qu'elle incarne.

Des détails complètent chacune de ces affiches : sur celle de La Dame aux camélias image b, la main tenant une branche coupée de camélia évoque la fleur favorite de l'héroïne, mais annonce aussi sa mort de la tuberculose. Un dragon verdâtre et menaçant et une dague, symbole de meurtre, encadrent la silhouette sinueuse de Lorenzaccio image c. Enfin, Hamlet voit le fantôme de son père lui réclamer vengeance tandis que, sous ses pieds, Ophélie noyée est peinte en camaïeu bleu image d.

Un équilibre parfait entre réalisme et stylisation

Les affiches offrent de véritables portraits de la star, reconnaissable au premier coup d'œil. Son célèbre profil image 2 est mis en valeur sur les affiches de Gismonda image a, La Dame aux camélias image b et Tragique histoire d'Hamlet, prince de Danemark image d. Elle figure de face, et particulièrement ressemblante image 3, sur l'affiche de Lorenzaccio image c pour la première fois, puis sur celle de Médée image e. Ses mains sont très expressives : élégantes sur les affiches de Gismonda image a et de La Dame aux camélias image b, nerveuses sur celle de Lorenzaccio image c, crispées sur l'arme sur celles de Tragique histoire d'Hamlet, prince de Danemark image d et de Médée image e.

Mais, dans un souci d'efficacité de l'image, le dessin est simplifié à l'extrême, sans modelé ni perspective. Les couleurs contribuent à restituer l'atmosphère de chaque pièce : le noir domine sur les affiches de Lorenzaccio image c, de Tragique histoire d'Hamlet, prince de Danemark image d et de Médée image e, qui montrent des personnages cernés par la mort. Au contraire, la blancheur éclatante de l'affiche de La Dame aux camélias image b suggère la rédemption de la courtisane. Le somptueux vêtement brodé aux couleurs tendres et délicates dans lequel Sarah Bernhardt est représentée sur l'affiche de Gismonda image a est inspiré par Byzance. Les fonds sont variés : constitués de mosaïques sur les affiches de Gismonda image a et de Médée image e, parsemés d'étoiles argentés sur celle de La Dame aux camélias image b, de motifs médiévaux sur celle de Tragique histoire d'Hamlet, prince de Danemark image d et de feuillages stylisés sur celle de Lorenzaccio image c, où l'année de la première représentation est mise en valeur. Même la graphie est évocatrice de la pièce : ainsi, la lettre D de « Médée » image e est inspiré par la lettre grecque delta. C'est Alfons Mucha lui-même qui a dessiné le bracelet en forme de serpent que porte Sarah Bernhardt, réalisé par le joaillier Georges Fouquet. L'artiste a d'ailleurs conçu le décor de son magasin, aujourd'hui remonté au musée Carnavalet.

Lancé par le succès immense de cette collaboration avec Sarah Bernhardt , Alfons Mucha obtient de nombreuses commandes d'affiches image 4 jusqu'à son retour à Prague en 1910.

Françoise Besson

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/affiches-pour-sarah-bernhardt

Publié le 14/11/2018

Ressources

Le dossier pédagogique de l’exposition Alphonse Mucha au musée du Luxembourg, à Paris (12 septembre 2018 – 27 janvier 2019)

https://museeduluxembourg.fr/sites/museeduluxembourg.fr/files/Dossier_Pedagogique_MUCHA.pdf

Un dossier sur les grands noms de l’affiche, dont Alfons Mucha, sur le site du musée des Arts décoratifs (Paris)

http://madparis.fr/francais/musees/musee-des-arts-decoratifs/collections/dossiers-thematiques/les-grands-noms-de-l-affiche/

Une étude du portrait de Sarah Bernhardt par le photographe Nadar sur le site L’Histoire par l’image

https://www.histoire-image.org/fr/etudes/sarah-bernhardt-nadar

Une étude sur Alfons Mucha et l’affiche publicitaire sur le site L’Histoire par l’image

https://www.histoire-image.org/fr/etudes/mucha-chantre-nouvelle-affiche-publicitaire

Une étude sur Alfons Mucha et le théâtre sur le site L’Histoire par l’image

https://www.histoire-image.org/fr/etudes/mucha-theatre

Une étude sur Sarah Bernhardt et la naissance du vedettariat sur le site L’Histoire par l’image

https://www.histoire-image.org/fr/etudes/naissance-vedettariat

Glossaire

Art nouveau : Style qui se développe dès la fin du XIXe siècle, d'abord en Belgique et en France. Il s’épanouit dans l’architecture et dans les arts décoratifs. La recherche de fonctionnalité est une des préoccupations de ses architectes et designers. L’Art nouveau se caractérise par des formes inspirées de la nature, où la courbe domine.

Chromolithographie : Chromolithographie ou lithographie en couleursTechnique d’impression des images en couleurs, mise au point par Godefroy Engelmann en 1837. Appliquée par Jules Chéret aux affiches en 1866, elle permit le développement de toutes les images en couleurs, dans le domaine du spectacle, de la publicité et du commerce.