Armure aux armes du clan Matsudaira
Armure de samouraï du clan Matsudaïra
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Pour quel usage cette armure japonaise a-t-elle été créée ?
Équipement essentiel de la protection du guerrier, l’armure japonaise est également un objet d’art à part entière. Celle-ci image principale a été réalisée la fin du XVIIe ou du début du XVIIIe siècle aux armes du clan Matsudaira, une famille aristocratique prestigieuse. La rareté et la qualité de ses matériaux ainsi que son excellent état de conservation en font une pièce exceptionnelle.
L’armure japonaise : une protection complète et spécifique
Les haniwa figurines retrouvées à l’extérieur des grands tombeaux de l’époque des Kofun (IIIe-VIe siècle), témoignent de l’existence à une époque ancienne d’armures déjà très évoluées. La particularité de l’armure japonaise est d’être lamellaire, c’est-à-dire que ses composantes principales sont constituées de rangées de pièces de métal ou de cuir, laquées et assemblées à l’aide de lanières de cuir, de manière à se chevaucher. Fer et cuir sont volontiers alternés, l’un protégeant de la pénétration de la lame, l’autre absorbant le choc du coup porté. Une armure classique comporte une cuirasse enveloppant le torse, des épaulières, une jupe à plusieurs pans protégeant le bas du corps et une partie des jambes. S’y ajoutent avec le temps des manches et protège-mollets. Un casque, dont la forme a beaucoup varié au fil des siècles, ainsi qu’un masque complètent l’ensemble.
Qu’est-ce qu’un samourai ?
De 1185 jusqu’au début de l’ère Meiji, en 1868, le Japon est régi par un système féodal. L’empereur, qui réside à Kyoto image 2, est vénéré à l’égal d’une divinité mais n’a aucun pouvoir réel. Le pays est gouverné par un shôgun, chef militaire qui a créé sa dynastie après s’être imposé par les armes. Le shôgun choisit souvent d’installer sa capitale loin de Kyoto. Le territoire du Japon est alors réparti entre de grands seigneurs, les daimyôs. Les samurais sont au service de ces derniers, dont ils constituent l’armée privée. Issu du verbe saburo, qui signifie précisément « être au service de », le terme samurai implique la subordination. Le samurai doit à son seigneur un dévouement absolu, qui peut aller jusqu’à la mort. S’il perd son maître, quelle qu’en soit la raison, il devient un rônin. Pour éviter la déchéance du banditisme, il s’efforce alors de trouver un emploi respectable en accord avec ses capacités, maître d’armes ou instituteur, par exemple.
Guerriers, armes et armures à l’époque d’Edo
La première obligation d’un samurai est d’être prêt au combat. La paix régnant à l’époque d’Edo, qui débute en 1603, change toutefois la donne, et de nombreux samurais sont reconvertis par leurs maîtres en administrateurs. C’est une période de prospérité économique dans le pays, et le niveau d’éducation y est particulièrement élevé. L’émulation entre les grands seigneurs, jaloux de leurs privilèges, et une bourgeoisie enrichie et avide de luxe favorise l’épanouissement des arts et d’un artisanat de qualité exceptionnelle. Le samurai se distingue alors du reste de la population par sa tenue vestimentaire, évoquant la simplicité de la vie militaire qui a pourtant cessé d’être son quotidien. Le port des deux sabres, long et court, reste sa prérogative, même s’il existe des exceptions pour le port du sabre court. Les artisans spécialisés dans la fabrication des armes et armures restent donc très sollicités. Si les luttes intestines appartiennent désormais au passé, l’étiquette que le shogunat impose aux daimyôs (les seigneurs) les contraint en effet à d’importants et coûteux efforts de représentation. L’armure cesse d’être une protection pour devenir avant tout un symbole ostentatoire du prestige et de la richesse de son propriétaire. L’écrasante majorité des armures réalisées à l’époque d’Edo, comme celle aujourd’hui conservée au musée Guimet image principale, sont donc avant tout des pièces de parade. Elles sont exposées lors de réceptions privées ou portées à l’occasion de cérémonies officielles ou de cortèges.
Armure de parade pour un clan prestigieux
Très complète, l’armure du musée national des Arts asiatiques – Guimet est dans un excellent état de conservation. La cuirasse protégeant le torse est de type yokohagi-dô, en deux parties fixées sur les côtés, et revêtue de galuchat image b. L’armure comporte également deux épaulières lamellaires (ôsode) d’une taille inhabituelle et une jupe d’arme (kusazuri) à sept pans. Ces trois parties essentielles sont complétées par des manches (kote) terminées par des gants image c et des protège-mollets image d en cotte de mailles laquée et ornée de plaques métalliques damasquinées. Ces dernières portent un décor de lions image e et de dragons image f ainsi qu’un motif de roue image g, symbole de la Loi dans l’iconographie bouddhique. En plusieurs emplacements, figure l’emblème (môn) image h aux trois feuilles des Tokugawa. L’armure fut en effet réalisée pour un membre de la famille Matsudaira, l’une des plus influentes du Japon, étroitement apparentée au clan shogunal. Le fief de Matsue image 1, que contrôlaient les Matsudaira, se situait sur la côte ouest de l’île de Honshu image 2.
Un complément incontournable : le casque
Cette armure est accompagnée d’un casque image i constitué de 62 lamelles de fer qui se recouvrent partiellement et sont assemblées par des rivets. Le procédé de fabrication, qui donne une plus grande résistance au casque, fut mis au point par Yoshimochi, célèbre forgeron de l’époque Muromachi (1392-1573). Doté d’une visière et d’un couvre-nuque, le casque présente également un ornement frontal (maedate) spectaculaire en forme de libellule image j. Cet insecte, dont on dit volontiers qu’il ne vole que vers l’avant, évoque la force cachée, la résistance et le courage du guerrier. Un masque de type menpô recouvrant le visage jusqu’aux yeux et doté d’une moustache est sécurisé au casque par des crochets image i.
Des matériaux exceptionnels
Cette œuvre se distingue d’autres armures par le recours à des matériaux rares et luxueux. La cuirasse métallique protégeant le torse est couverte de plaques de galuchat blanc, fixées sur le métal par de petits clous dont la tête est dissimulée par du galuchat vert. Dans ce cas précis, la peau n’a pas été poncée, comme c’est généralement l’usage, et conserve donc son relief et sa texture particulière. Le haut de la cuirasse est agrémenté d’un cuir estampé et doré d’importation européenne, peut-être récupéré sur des ornements liturgiques après l’éviction des communautés chrétiennes du Japon. Sur certaines parties, les éléments du couvre-nuque par exemple, les lamelles de fer sont revêtues d’une laque rouge translucide appliquée sur un fond d’or.
Cette armure fit autrefois partie de la collection particulière française de l’architecte Gélis-Didot, ce qui ajoute à sa notoriété. Classée bien d’intérêt patrimonial majeur, cette armure a pu être acquise par le musée national des Arts asiatiques – Guimet grâce à une aide du Fonds national du patrimoine et une campagne de mécénat participatif.
Montage de l'armure de Yoshimichi - MNAAG from Studio LWA on Vimeo.
Présentation du MNAAG pour l'acquisition d'une armure de Samouraï
Samouraï, armure du guerrier - Bande-annonce de l'exposition du musée du Quai Branly
Le montage de l’armure du musée national des Arts asiatiques – Guimet
Véronique Crombé
Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/armure-aux-armes-du-clan-matsudaira
Publié le 28/10/2022
Ressources
Un court diaporama présentant certaines pièces de l’exposition Daimyô. Seigneurs de la guerre au Japon (musée national des Arts asiatiques – Guimet, 16 février-13 mai 2018)
https://www.beauxarts.com/expos/les-armures-la-seconde-peau-des-seigneurs-du-japon/
Un article sur Nishioka Fumio, artisan japonais restaurateur d’armures anciennes
Un bref résumé de l’histoire des armures japonaises
https://musees-occitanie.fr/encyclopedie/themes/autres-specialites/les-armures-japonaises/
Glossaire
Laque : Résine d’arbustes poussant en Asie qui durcit en séchant. La laque est utilisée pour décorer meubles, boîtes, paravents... D’abord importée de Chine ou du Japon, la laque est ensuite imitée par des vernis en Europe.
Galuchat : Cuir de poisson cartilagineux, à mi-chemin entre peau et minéral, le galuchat est généralement fabriqué à base de peau de requin, mais peut également provenir de la raie pastenague.
Daimyô : Au Japon, à l’époque féodale, ce terme désigne les grands seigneurs de l’aristocratie guerrière, chefs militaires, maîtres et gestionnaires de fiefs d’importance variable.
Edo : Ancien nom de Tokyo. La ville était le lieu de résidence des shoguns et la capitale administrative du Japon, alors que Kyoto était la capitale impériale. Elle a donné son nom à la période de gouvernement des Tokugawa (1603-1868) et à l’art qui s’est développé dans ses quartiers de plaisirs, foyers d’une intense vie culturelle et artistique.
Haniwa : Au Japon, figurines en terre cuite positionnées sur le tumulus recouvrant les tombes aristocratiques de l’époque des Kofun (IIIe-VIe siècle).
Môn : Basé sur un motif géométrique, animal, végétal ou un élément graphique inscrit dans un cercle ou un carré, le môn est l’équivalent des armoiries pour un clan aristocratique japonais, mais aussi un groupe social. À l’époque d’Edo, une famille de riches marchands ou d’acteurs de kabuki peut ainsi avoir son môn.
Rônin : Samurai qui a perdu son maître.
Shôgun : Entre 1185 et 1868, le shôgun est le véritable maître du Japon, l’empereur n’ayant aucun pouvoir réel. Issu de l’aristocratie guerrière, il s’est imposé par les armes. Trois lignées de shôgun se succèdent au cours de cette longue période féodale : les Minamoto, les Ashikaga et les Tokugawa. Le dernier shôgun abdique et remet sa démission à l’empereur en 1867.
Samurai : Issu du verbe saburo qui signifie « être au service de », ce terme désigne les guerriers constituant les armées privées des daimyôs. À l’époque d’Edo, le gouvernement shogunal met fin aux guerres internes au pays et les samurais sont, pour beaucoup d’entre eux, contraints à se reconvertir.