Bol sein du Service de la laiterie de Rambouillet Lagrenée le Jeune Jean-Jacques Manufacture de Sèvres
Service pour la laiterie de Rambouillet
Service « à perles et barbeaux » livré à Marie-Antoinette en 1782
Dimensions
Provenance
Technique
Matériaux
Datation
Lieu de conservation
Une pièce unique par son originalité
La jatte-téton, appelée aussi bol-sein [ image principale ], fut réalisée en 1787 pour le service de porcelaine destiné à la laiterie de Rambouillet. Elle se compose d'un bol en forme de sein, permettant de déguster le lait, et d'un trépied indépendant sur lequel le récipient repose. Ces formes étaient jusqu'alors inédites dans la porcelaine française si la partie supérieure du bol s'inspire des coupes à boire de la Grèce antique, appelées mastoï [ image 1 ], le support triangulaire orné de têtes de boucs est quant à lui une adaptation des autels de pierre de la Grèce et de la Rome antiques. Contrairement aux autres pièces du service, réalisées en porcelaine dure, la jatte-téton est en porcelaine tendre, technique jugée plus apte à traduire la surface des chairs.
Une commande pour plaire à la reine
Louis XVI, qui chassait dans la forêt de Rambouillet, y fit l'acquisition du château de son cousin, le duc de Penthièvre. Marie-Antoinette n'appréciant pas ce lieu, le roi fit réaménager le parc et construire une laiterie afin de le lui rendre plus agréable. Les jardins conçus comme des paysages champêtres et agrémentés de fabriques étaient alors en vogue, et Marie-Antoinette en appréciait le pittoresque et la simplicité. En 1784, l'architecte Richard Mique avait d'ailleurs conçu le même type de bâtiment pour la reine, dans son hameau au Petit Trianon [ image 2 ] : une laiterie « de propreté », destinée à la dégustation des laitages.
Un projet audacieux, dans un style novateur
Conçu comme une œuvre globale, le projet de la laiterie de Rambouillet comptait, outre le bâtiment, un ensemble de vingt-cinq meubles en acajou massif et un service de porcelaine de Sèvres constitué de soixante-cinq pièces. Ce projet était supervisé par le comte d'Angiviller, surintendant des Bâtiments du Roi et directeur de la manufacture de porcelaine. Désireux de moderniser la production et d'encourager le style néoclassique, il avait acquis, en 1785, 525 pièces de céramique antique qu'il avait déposées à la manufacture afin d'y inspirer les artistes. Tous ceux qui travaillaient sur le projet eurent à proposer des formes inédites. Confié au peintre Hubert Robert, très au fait du style antique, le travail fut réparti entre Louis Simon Boizot, chargé de dessiner les formes, et Jean-Jacques Lagrenée le Jeune, qui imagina les décors [ image 3 ].
Conçue dans l'esprit d'un temple grec, la laiterie était prolongée d'une grotte où le lait était mis à rafraîchir et qui abritait une statue de la nymphe Amalthée. Quelques pièces du service [ image 4 ] étaient posées sur la table placée au centre de la laiterie, entourée du mobilier dessiné par Hubert Robert [ image 5 ].
Le style « étrusque »
Le style dit « étrusque » apparaissait alors comme une variante plus sévère du néoclassicisme. Dans le domaine de la porcelaine, il s'inspirait de la céramique trouvée en Étrurie (Italie), en réalité des importations ou des imitations de céramiques grecques. Le service de Rambouillet empruntait à cette production antique non seulement les formes (bol-sein, coupe à boire, anse horizontale, etc.), mais aussi le répertoire animalier disposé en frises encadrées de palmettes et de formes géométriques. L'absence totale de filet d'or distingue ce service de tous les autres fabriqués à Sèvres. En revanche, si l'utilisation du noir rappelle en effet le style « étrusque », la gamme de couleurs en est totalement différente, utilisant les teintes délicates en vogue dans les années 1780 : jaune, violine, rose et bleu.
Le goût de la reine
Constamment associée à la féminité de Marie-Antoinette et à son goût pour le luxe, cette jatte-téton, éditée en quatre exemplaires, ainsi que le reste du service ne correspondaient pas vraiment au goût de la reine. En effet, les nombreuses commandes qu'elle passa, tant dans le domaine de l'ameublement que dans celui de la porcelaine, reflètent plutôt son penchant pour un style plus gracieux, composé de motifs de fleurs et de perles [ image 6 ]. Elle ne vit d'ailleurs jamais l'ensemble en place, sa dernière visite à Rambouillet datant du 20 juin 1786, date à laquelle le service n'avait pas encore été livré. Il ne fut achevé qu'en 1788, à la veille de la Révolution.
Stéphanie Elhouti-Cabanne
Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/bol-sein-du-service-de-la-laiterie-de-rambouillet
Publié le 16/03/2015
Ressources
Sur l’histoire de la laiterie de Rambouillet
Voir la jatte-téton à la Cité de la céramique
Glossaire
Néoclassicisme : Mouvement artistique qui se développe du milieu du XVIIIe au milieu du XIXe siècle. Renouant avec le classicisme du XVIIe siècle, il entend revenir aux modèles hérités de l’Antiquité, redécouverts par l’archéologie naissante. Il se caractérise par une représentation idéalisée des formes mises en valeur par le dessin.
Porcelaine : La porcelaine est une céramique qui se caractérise par la blancheur et la finesse de sa pâte. On distingue la porcelaine dure de la porcelaine tendre. La pâte de la porcelaine dure, la « vraie porcelaine », est composée de matières minérales naturelles : le kaolin, le quartz et le feldspath. C’est le kaolin, une argile primaire de couleur blanche, qui confère à la porcelaine sa blancheur et sa translucidité. Elle résiste aux variations de température. La porcelaine tendre est une porcelaine dont la pâte ne comporte pas de kaolin. Elle est composée essentiellement de marne calcaire blanche et de silice. De couleur blanc crémeux, elle est moins résistante aux chocs thermiques et peut se rayer à l’acier.