Chasseurs dans la neige Brueghel le Vieux Pieter

Le paysage de neige apparaît dès le Moyen Âge dans des œuvres religieuses. Brueghel en fait un sujet à part entière image principale.

Un paysage de neige en Brabant

Trois arbres dénudés et sombres créent une perspective et entraînent notre regard au loin image principale. Brueghel construit souvent l’espace en trois plans et utilise la lumière pour créer l’unité du tableau. Une vaste plaine, couverte d’étangs gelés, s’étend jusqu’aux montagnes surplombant un château détail b.
Venant de la droite, un cours d’eau figé par le froid traverse les étangs et, par des méandres, atteint, au loin, une plaine qui se confond avec la mer détail c. À gauche, au premier plan, chasseurs et chiens longent la rangée d’arbres. L’épaisseur de la neige est visible dans le motif des ronces, au premier plan, et dans les traces de pas détail d.

Derrière eux, l’auberge est signalée par l’enseigne « In den Hert » (Au Cerf), illustrée de saint Hubert, le saint patron des chasseurs. Un feu a été allumé, sans doute pour préparer un cochon, tué et découpé pendant l’hiver détail e. Au deuxième plan, des paysans patinent, jouent au curling et au hockey détail f. Le patinage permet de se déplacer rapidement et sans fatigue. Il devient dès le Moyen Âge un loisir, avec courses et concours. Il connaît un grand essor aux Pays-Bas, dont l’immense réseau de canaux gèle en hiver.

Dans le fond du tableau, on perçoit des clochers et des toits, et un feu de cheminée détail g.
La neige, tombée depuis plusieurs jours, prend des nuances de gris et de vert. Sans soleil, le tableau ne présente pas d’ombre, la couleur est posée en aplat. L’espace est structuré par les blancs, gris et noirs et l’éloignement est donné par les proportions différentes de la végétation, des bâtiments et des personnages. Le tableau illustre les mœurs et coutumes du Brabant, ancienne province des Pays-Bas (carte), au XVI^e siècle.

Le peintre dans son époque

Pieter Brueghel l’Ancien est né près de Breda (carte). Contemporain des rois Charles Quint et Philippe II d’Espagne, il est protégé par le gouverneur des Pays-Bas espagnols. Ce qui lui est très utile lors des troubles politiques et religieux de la révolte des Gueux entre 1564 et 1568.
Il fréquente des artistes et intellectuels humanistes d’Anvers ( le mécène Niclaes Jonghelinck qui possédait seize de ses œuvres, le cartographe Abraham Ortelius) mais aussi les paysans.

Il traite particulièrement la vie quotidienne et le paysage, en s’inspirant directement de la nature. Il décrit le peuple avec ses émotions et ses faiblesses, sa sagesse et son bon sens, travaillant et se divertissant, joyeux malgré les menaces qui l’entourent.

Dans ce tableau image principale, l’hiver empêche de travailler car les champs sont enneigés et le moulin, à droite, est immobilisé par la glace détail h. Les paysans, désœuvrés, s’adonnent aux loisirs rendus possibles par le froid. Comme dans le Paysage d’hiver avec patineurs et trappe aux oiseaux, Brueghel ne présente pas un peuple malheureux, subissant la neige, mais profitant du froid pour se distraire.

Une série sur les saisons et la vie

Au temps de Brueghel, on compte six saisons de deux mois, que l’artiste a toutes représentées : l’hiver, figuré dans ce tableau, le début du printemps image 1, le printemps (le tableau est connu par une gravure de Pieter Van Der Heyden image 2, le début de l’été l’été image 3 et l’automne image 4. Notre œuvre appartient donc à la série des saisons image principale.
En choisissant de montrer le rythme de l’année, l’artiste évoque le temps qui passe, de la naissance à la mort. Ce tableau peut être lu comme une allégorie. Les patineurs glissent sur la glace comme sur la vie, le renard tué symbolise l’animal dominé par l’homme, lui-même minuscule au pied d’une montagne écrasante.

Au cœur d’une grave crise religieuse, les allusions sont discrètes mais présentes, comme les clochers détail g et l’enseigne de l’auberge représentant saint Hubert détail h.

Paysage d’hiver

Dans ce tableau image principale, le paysage devient le cadre des activités quotidiennes. Le lieu de cette vision réaliste est pourtant réinventé. Brueghel a utilisé des croquis exécutés en Suisse et en Flandre, et mêle sans vraisemblance horizons plats et montagnes vertigineuses.
La mode des paysages de neige est à mettre en lien avec le « petit âge glaciaire » vécu entre 1300 et 1820, un temps où le climat s’est refroidi, occasionnant du gel en août, de la neige en octobre, de mauvaises récoltes, et l’avancée des glaciers dévastant villages et pâturages. L’hiver 1565-1566 est très rigoureux aux Pays-Bas. Les chevaux ont de la neige jusqu’au ventre, les canaux et rivières sont gelés.

Dans les livres d’heures image 5, le paysage de neige reste un décor. Il devient tableau à part entière avec Brueghel, dans plusieurs de ses œuvres : L’Adoration des mages dans un paysage d’hiver, Le Massacre des innocents image 6. Brueghel ne montre pas l’hiver subi, mais les plaisirs simples et jeux de glissades des paysans. La nature les contraint toutefois à s’adapter à son âpre rigueur.