Coffre dit d’Anne d’Autriche Blanck Jakob Pitan Jean

Coffre dit d’Anne d’Autriche

Détail du décor central sous l’ouverture. Coffre des pierreries de Louis XIV

Dimensions

H. : 22 cm ; L. : 45 cm ; P. : 34 cm

Provenance

Technique

Orfèvrerie, Ciselure, Filigrane

Matériaux

Bois, Or (métal)

Datation

1675

Lieu de conservation

France, Paris, musée du Louvre

À qui pouvait bien appartenir ce coffret si précieux ?

Pièce exceptionnelle par sa rareté, sa qualité et son origine royale, ce coffre image principale, confectionné en France au XVIIe siècle, a suscité beaucoup d'interrogations et de supputations. Les recherches récentes permettent de faire la lumière sur sa destination et le contexte de sa création.

Un objet féminin ?

Le décor floral très marqué a longtemps fait penser que ce coffre précieux n'avait pu appartenir qu'à une femme, une reine de France entourée d'objets raffinés et coûteux. En raison du style du coffre et de ses caractéristiques du milieu du XVIIe siècle, les recherches se sont orientées vers Anne d'Autriche ou Marie-Thérèse. Plusieurs hypothèses ont été formulées : cet objet était-il un cadeau de Richelieu ou de Mazarin à Anne d'Autriche ? Ou du roi Louis XIV à Marie-Thérèse ? Aucune n'a été vérifiée. Néanmoins, le coffre reste désigné comme celui d'Anne d'Autriche, même s'il est en réalité peu probable qu'il lui ait appartenu on sait en effet que ses bijoux ordinaires étaient rangés dans un petit cabinet à tiroirs couvert de maroquin rouge fermant à clé, et ses grands joyaux dans une cassette couverte de maroquin fleurdelisé.

Une technique virtuose

Ce coffre est un objet unique au monde. Il consiste en une boîte rectangulaire en bois garnie de satin de soie bleue et fermée par un couvercle légèrement cintré image c. Il est recouvert, sur la totalité de sa surface, par cinq plaques de dentelle d'or ajouré à motifs de feuillages et de fleurs image f. Le traitement réaliste permet d'en distinguer les variétés : anémones, tulipes, boutons d'or, narcisses… Ce décor en or a été réalisé grâce à la technique de la fonte à la cire perdue, puis retravaillé, ciselé, bruni ou amati, avec quelques ajouts de filigranes. Le coffre est porté par quatre pieds en forme de pattes de lions sur galet image d, un type qui se retrouve sur d'autres objets de la même époque. Deux poignées mobiles sur les côtés image e permettent de le déplacer. Sur le couvercle, deux cent vingt-sept clous maintiennent la grande plaque d'or ajouré, la plupart situés autour de la rosace centrale image c.

Le coffre est dans un assez bon état de conservation, même s'il manque des couleurs et l'anneau qui permettait de maintenir le couvercle fermé, et même si la garniture intérieure image b a été plusieurs fois refaite.

Le nom du commanditaire enfin dévoilé

En 1687, un architecte suédois de passage à Versailles aurait vu ce coffre dans l'appartement privé du Roi, entre le cabinet des Tableaux et la Petite Galerie, lieu d'exposition des collections royales. Un document retrouvé dans le « Journal des pierreries du Roy » mentionne le paiement, au printemps 1676, « pour un coffret d'or pour enfermer toutes les parures ». Le coffre a donc bien été commandé par Louis XIV afin d'y ranger boutons de diamants, plaque de l'ordre du Saint-Esprit, agrafes de chapeaux, boucles de souliers, épaulettes… destinés à orner ses costumes de Cour.

Qui en est l'auteur ?

Ce coffre n'est pas poinçonné, cette pratique n'étant pas obligatoire pour l'or, à Paris, avant 1721. Ceci explique que beaucoup d'orfèvres et bijoutiers sont tombés dans l'oubli. Toutefois, des documents attestent qu'en janvier 1675, un certain Jacques Blanc a reçu des lingots d'or d'un fournisseur royal pour réaliser une cassette, sans doute ce coffre. On sait peu de choses de cet orfèvre, si ce n'est qu'il était d'origine allemande et de confession protestante. Lors de la révocation de l'édit de Nantes, il choisit de se convertir au catholicisme. On ne sait rien de sa formation, mais il était réputé pour ses petits ouvrages en or alliant les techniques de bijouterie et de gravure. Le travail de l'orfèvre sur les fleurs et le feuillage foisonnants impressionne par sa précision. Il livre avec ce coffre un témoignage de sa grande virtuosité.

Le goût du roi

Comme sa mère Anne d'Autriche, issue de la famille des Habsbourg, Louis XIV aimait s'entourer d'objets et de meubles précieux. Il avait commandé des meubles d'argent massif à l'imitation de ceux de sa mère, fondus en 1689 pour financer la guerre de la Ligue d'Augsbourg. Sa vaisselle d'or et sa collection de filigranes d'or, un temps préservées, ont été sacrifiées en 1709 pour financer la guerre de Succession d'Espagne. Étonnamment, ce coffre a échappé à ces fontes et a été épargné par les guerres et les révolutions. Il nous révèle le goût du roi et son attachement à cet objet si précieux, témoignage unique du savoir-faire des artisans de l'époque.

Christine Bourdeaux

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/coffre-dit-danne-dautriche

Publié le 22/01/2019

Glossaire

Fonte à la cire perdue : Technique de fonte inventée au début du IVe millénaire av. J.-C., qui consiste à remplacer la cire évacuée du moule par du métal en fusion. Pour ce faire, trois étapes sont nécessaires : – l’objet initial à mouler, réalisé en cire, est placé dans une gangue d’argile ; – la gangue d’argile est chauffée et la cire s’évacue par des canaux spécialement aménagés à cet effet ; – le métal fondu est introduit dans les creux ainsi obtenus par d’autres canaux prévus pour la coulée.

Ciselure : technique de métallurgie par laquelle les objets sont retravaillés à l’aide de petits instruments dits ciselets pour soit supprimer les imperfections soit pour créer des détails et donner plus de finesse aux décors.

Amatir : rendre mat ou enlever le poli d’un métal.

or bruni : travail de l’or pour le rendre brillant.

Filigrane : Technique d’orfèvrerie qui consiste à concevoir un décor à partir de fils de métal entrelacés et soudés sur un support.

Brocart : se dit d’une étoffe composée de nombreux fils métalliques : or, argent, platine.

Orfèvre : Artiste ou artisan spécialisé dans le travail des métaux précieux.

Poinçon : Outil pointu servant à travailler la pierre ou le métal. Le mot désigne aussi la marque, faite au poinçon, qui renseigne sur le degré de pureté d’un métal ou identifie un orfèvre.