Cône

Cône

Auteur

Dimensions

H. 53 cm ; Pds : 321 gr

Provenance

Avanton, Vienne

Technique

Orfèvrerie

Matériaux

Or (métal)

Datation

Âge du bronze moyen : vers 1600/1500 av. J.-C. à 1300/1200 av. J.-C.

Lieu de conservation

France, Saint-Germain-en-Laye, musée d'Archéologie nationale

Quelle était la fonction de cet objet exceptionnel ?

C'est en 1844 à Avanton, près de Poitiers dans la Vienne, qu'un vigneron qui creusait un fossé découvre par hasard ce cône d'or exceptionnel [ image principale ] datant de l'âge du bronze (vers 2000 avant J.-C. à 750 avant J.-C.).

L'or à l'âge du Bronze

Les objets d'or sont très abondants à l'âge du bronze en France. Il s'agit de vaisselles et de parures variées comme des torques (colliers rigides), des bracelets, des ceintures, des boucles d'oreilles. Quant aux cônes d'or, ils sont beaucoup plus rares : celui d'Avanton demeure à ce jour l'unique exemplaire découvert dans notre pays. Ces précieux objets ont souvent été retrouvés dans des sépultures sous tumulus (tertre de terre). Mais les hommes de l'âge du bronze les ont également disposés dans leurs lieux de culte. Ces dépôts votifs constituaient des offrandes faites à une divinité en remerciement d'un bienfait ou dans l'espoir d'en obtenir un. C'est le cas pour le cône d'Avanton.

Des orfèvres virtuoses

Le cône d'Avanton, d'une hauteur de 53 cm et d'un poids de 321 g d'or, résulte d'une véritable prouesse technique. En effet, il est constitué d'une seule tôle d'or mise en forme sans soudure. D'une épaisseur inférieure à un demi-millimètre, cette feuille a été obtenue par le martelage soigné d'un lingot d'or fin. La pièce devait être chauffée au cours de sa fabrication. Le décor a été réalisé au repoussé à l'aide de poinçons et de matrices d'orfèvre pour faire ressortir les ornements.

L'or du cône d'Avanton est d'une très grande pureté. Dès cette époque, les orfèvres se servent d'une pierre de touche. Cet outil, dont on a conservé de rares exemplaires, comme celui retrouvé à Choisy-au-Bac (Oise) [ image 4 ], permet de vérifier la qualité du métal. En frottant l'or sur la surface légèrement granuleuse de ce morceau de roche, on obtient une trace que l'on compare à la trace de référence d'un beau jaune brillant laissée par de l'or assurément pur. Cette opération demandait une grande expertise visuelle.

Un culte solaire

Le cône d'Avanton présente un décor constitué d'une succession de frises séparées par de fines cannelures. Son sommet porte des triangles disposés en étoile [ détail b ]. L'objet est orné sur toute sa surface de motifs géométriques en relief, principalement circulaires et hémisphériques [ détail c ].

Les cercles concentriques, les spirales ou les roues sont reconnus comme des symboles solaires. Les hommes de l'âge du bronze d'Europe occidentale ne disposaient pas encore de l'écriture, et leur religion est difficile à appréhender par l'archéologie seule. Cependant leurs croyances devaient être fondées sur l'observation des phénomènes naturels comme la course du soleil à travers le ciel. Le soleil est lié au cycle du jour et de la nuit, aux saisons et au feu. Ce culte du soleil en Europe est d'ailleurs attesté par le char en bronze de Trundholm, découvert au Danemark, qui supporte un disque solaire recouvert d'une feuille d'or. L'or est inaltérable et d'un jaune brillant. Il fut spontanément associé à l'astre solaire. On retrouve ces motifs concentriques sur les vases d'or des trésors de Villeneuve-Saint-Vistre (Marne) [ image 2 ] et de Rongères (Allier) [ image 3 ], utilisés dans le cadre du même culte.

D'autres exemples allemands

Au moment de sa découverte, le cône d'Avanton est très endommagé : son extrémité est écrasée, la tôle d'or est froissée. L'objet ne sera identifié qu'après sa restauration dans les ateliers de Mayence (Allemagne), où il retrouvera sa forme conique originelle. Trois cônes du même type découverts en Allemagne, notamment dans le Palatinat et en Bavière, montrent qu'un élément manque à la base de celui d'Avanton : une collerette ou une couronne. Parmi les cônes d'or allemands connus, celui de Schifferstadt (Palatinat) est particulièrement intéressant, car il a été retrouvé en présence de trois haches à talon. Ces outils étant caractéristiques de l'âge du bronze moyen [ image 1 ], les cônes d'or ont pu être datés de cette même période. Mieux conservés, les cônes retrouvés en Allemagne livrent par ailleurs des informations sur l'usage de ces pièces.

Un chapeau de cérémonie

Les hypothèses d'abord avancées sur la fonction de ces objets précieux furent diverses. On a imaginé qu'ils étaient promenés au bout d'un bâton lors de cérémonies religieuses. Ils ont parfois été considérés comme des vases à libations (offrande de boisson à un dieu). Les spécialistes tendent aujourd'hui à penser qu'il s'agirait plutôt d'une coiffe cérémonielle, une sorte de mitre portée par un « prêtre » ou un « roi-prêtre » dans le cadre d'un rituel. Cette idée de chapeau relève d'une observation : la base élargie en collerette ovale des cônes allemands, partie que le cône d'Avanton a perdue, présente une ouverture de même taille que le tour de tête d'un homme adulte.

Évolution de la société à l'âge du bronze

Avec le développement de la métallurgie du bronze, la société change et se hiérarchise. Émerge alors une classe dirigeante. Cette nouvelle aristocratie guerrière contrôle la production du métal ainsi que les échanges sur de longues distances. Le minerai d'étain venait de Cornouailles (sud-ouest de l'Angleterre), l'ambre était issu des rives de la mer Baltique, et les fourrures étaient aussi fournies par les pays nordiques. Le commerce est favorisé par l'essor de la navigation fluviale et maritime et par l'utilisation des chevaux et des chariots. La richesse ainsi créée est à l'origine d'une production somptuaire qu'atteste le cône d'or d'Avanton.

Si quelques doutes subsistent sur la fonction de ces cônes, il est certain qu'ils sont en rapport avec un culte solaire, que l'or éternel et fascinant est intimement lié à ce culte commun à toute l'Europe.

Christine Vève

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/cone

Publié le 22/09/2022

Ressources

Musée d’Archéologie nationale

http://www.musee-archeologienationale.fr/

Petite histoire de l’or en France d’après Christiane Eluère

http://www.orpaillage.fr/histoire/prehistoire.html

Une photographie du cône d’Avanton et des autres cônes d’or retrouvés en Allemagne

http://www.landschaftsmuseum.de/Seiten/Lexikon/Goldkegel.htm

Glossaire

Âge du bronze : Lorsque, à des dates variables selon l’aire géographique, les sociétés préhistoriques en viennent à maîtriser la métallurgie, s’ouvre pour elles l’âge des métaux, lui-même subdivisé en périodes qui correspondent chacune à une étape importante dans la fabrication du métal : d’abord le cuivre, puis le bronze et le fer. La deuxième d’entre elles, l’âge du bronze, commence au plus tôt vers 3300 av. J.-C. au Proche-Orient.

Repoussé : Technique de métallurgie qui consiste à obtenir un motif en relief en travaillant une plaque de métal par l’arrière, en le « repoussant » à l’aide d’un poinçon.

Matrice d’orfèvre : Instrument dont l’extrémité est gravée d’un motif, en creux ou en relief. Les orfèvres s’en servent notamment pour produire un décor régulier, fondé sur la répétition d’un même motif.

Orfèvrerie : Art de travailler les métaux précieux.

Poinçon : Outil pointu servant à travailler la pierre ou le métal. Le mot désigne aussi la marque, faite au poinçon, qui renseigne sur le degré de pureté d’un métal ou identifie un orfèvre.

Votif : Adjectif s’appliquant à un objet donné en offrande à une divinité, en vue de répondre à une prière ou en gage d’un vœu.

Martelage : Technique de métallurgie consistant à mettre en forme au marteau une plaque de métal posée sur une pièce de bois.