Feuille de laurier
Feuille de laurier
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Dimensions
Provenance
Technique
Matériaux
Datation
Lieu de conservation
Lame utilitaire ou objet de prestige ?
La culture solutréenne, qui s'inscrit dans le Paléolithique supérieur (35000-10000 av. J.-C.), doit son nom au site préhistorique mis au jour en 1866 à la roche de Solutré, en Saône-et-Loire. Les fouilles ont livré des outils en silex d'une qualité étonnante, caractérisés par des formes et une finesse qui leur valent bientôt le nom de feuilles de saule ou de laurier. Quelques années plus tard, à une trentaine de kilomètres de là, à Volgu, des ouvriers découvrent des feuilles de laurier encore plus exceptionnelles, dans ce que l'on interprète comme une cache. Leur nombre précis au moment de la découverte reste incertain, il y en avait au moins une quinzaine, dont celle conservée à Saint-Germain-en-Laye [ image principale ] . Cette trouvaille hors contexte archéologique d'un ensemble d'objets aussi homogènes reste rare au Paléolithique.
UNE INDUSTRIE LITHIQUE SPECTACULAIRE
La matière première
Pour obtenir ces grandes lames de pierre, il faut disposer d'un silex d'excellente qualité. Le silex utilisé à Volgu n'est pas d'origine locale il provient de la région de Gien, dans le Loiret. Les Solutréens l'ont donc transporté sur plus de 150 kilomètres. Ce silex sans défaut, à grain fin et homogène, s'est formé dans la craie il se présente sous forme de dalles, et sa couleur varie du gris à différentes nuances de brun.
Un façonnage à haut risque
Pour réaliser une feuille de laurier, il fallait d'abord préparer une préforme à partir d'une dalle de silex. Cette opération était sans doute réalisée sur le site même de prélèvement de la matière première. Puis la taille était progressivement affinée à l'aide d'un percuteur doux, probablement en bois de cervidé. La phase finale, très délicate, consistait à obtenir des éclats plats et très fins par pression ou par percussion [ détail b ]. On pouvait chauffer la pierre pour faciliter l'opération. Ces retouches envahissent toute la surface de la feuille plus celle-ci est amincie, plus le risque de cassure est grand. À Volgu, la taille et le procédé ont été poussés à l'extrême.
Les chasseurs-cueilleurs solutréens ont réalisé des prouesses dans la taille du silex grâce à cette retouche bien particulière dite « en pelure ». Hormis les pointes en forme de feuille de laurier telles celles de Volgu ou en forme de feuille de saule [ image 1 ], cette retouche concerne aussi les pointes à face plane [ image 2 ] et les pointes à cran [ image 3 ] qui complètent la panoplie classique du Paléolithique supérieur avec des grattoirs, des burins, des perçoirs.
La FONCTION des feuilles de laurier
Les dimensions des feuilles de laurier de Volgu sont impressionnantes : de 23 à 35 cm de longueur pour 6 à 8,8 cm de largeur et seulement 6 à 8 mm d'épaisseur. Ailleurs elles sont plus petites, certaines réduites à 3 cm de long seulement [ image 3 ]. Si ces dernières sont interprétées comme des pointes de projectile, les plus grandes sont considérées comme des lames de couteau, très utiles aux chasseurs pour dépecer et découper le gibier, alors composé principalement de rennes, chevaux, mammouths et chamois. Les hampes et les manches de ces armes, probablement réalisés dans des matières végétales, ne se sont pas conservés. À l'origine, leur fixation était assurée par des tendons ou des colles végétales comme la résine de pin. À Volgu, aucune trace d'utilisation évidente n'a été remarquée sur les lames, et leurs bords sont si fins qu'il serait impossible de les réaffûter après plusieurs usages. Elles semblent ne jamais avoir servi.
VIRTUOSITÉ ET PRESTIGE ?
Ces longues lames d'une finesse incroyable ne pouvaient être employées sans se briser. Pourquoi donc ont-elles été taillées ? Faut-il leur accorder une valeur symbolique ? Pour certains archéologues, la taille de ces feuilles correspond à la volonté de démontrer un savoir-faire. Par ailleurs, on a retrouvé quantité de feuilles de laurier brisées volontairement, peut-être par dépit suite à une erreur de taille. La qualité de la matière première importe aussi. Il s'agit d'une autre forme de compétence qui exige de connaître les lieux d'approvisionnement et les propriétés de chaque type de silex.
Ainsi, à travers la qualité de leur armement, les Solutréens exposaient peut-être leurs qualités personnelles et se faisaient reconnaître en tant que grands chasseurs et tailleurs hors pair. Et de cette reconnaissance, de ce respect mutuel, pouvaient naître des échanges fructueux entre les groupes.
La culture solutréenne, localisée dans la moitié sud de la France et dans la péninsule Ibérique, apparaît d'une grande originalité. Avec son outillage perfectionné à l'extrême, on atteint l'apogée de la taille du silex.
Christine Vève
Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/feuille-de-laurier
Publié le 03/04/2014
Ressources
Communiqué de presse de l’Inrap, sur la fouille d’un campement préhistorique solutréen à Boulazac (Dordogne)
Généralités sur la culture solutréenne. Marcel Otte. Belgique
http://www.voh.fr/front/notice?id=9b0a49a6-36a5-4150-ac88-924b100ffcb4
Un article de Pierre-Yves Demars : « Le solutréen de Laugerie-Haute (Périgord). Chronologie et matière première » sur Persee.fr
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pal_1262-3075_1995_sup_1_1_1392
Un reportage « Un campement de chasseurs solutréens en Dordogne », montrant notamment les principes de taille du silex
Un site général sur la préhistoire, présentant les cultures européennes de – 40 000 à – 10 000
Glossaire
Paléolithique : ou « âge de la pierre ancienne ». Première période de la Préhistoire qui, en France, s’étend entre 800 000 et 10 000 ans av. J.-C. environ. Elle est marquée par l’arrivée des premiers hommes : c’est l’époque des chasseurs-cueilleurs nomades.