La Porte d’Ishtar à Babylone

La Porte d’Ishtar

Auteur

Dimensions

H. 1475 cm ; L. 2641 cm ; Pr. : 438 cm

Provenance

Irak, Babylone

Technique

Architecture, Céramique

Matériaux

Céramique siliceuse à glaçure

Datation

605-562 av. J.-C. - Période néo-babylonienne, époque de Nabuchodonosor II

Lieu de conservation

Allemagne, Berlin, musée de Pergame

Accroche Comment ce décor révèle-t-il le souverain qui l’a fait réaliser ?

 Au Pergamon Museum de Berlin, le visiteur peut découvrir une imposante et splendide porte au décor en briques vernissées image principale, la Porte d’Ishtar. Cet ensemble provient d’une des plus grandes métropoles de l’Antiquité, Babylone, en Mésopotamie (actuel Irak) image 8. Découverte par des archéologues entre 1899 et 1917 sur son site d’origine image 1, cette porte a été remontée brique par brique dans une salle du musée.

La Porte d’Ishtar

La Porte d’Ishtar image principale, dite « Victorieuse de ses ennemis », a été exhumée en 1902 dans la partie nord du double rempart de la ville, près du Grand Palais. Ishtar, déesse de l’amour très appréciée des Mésopotamiens, est également déesse de la guerre ; elle est donc la divinité particulièrement indiquée pour défendre l’accès principal de la cité. « Dame de Babylone » (Bêlet-Bâbili), elle possède plusieurs temples dans la ville. Cette entrée image 2 est en fait constituée de deux portes, chacune flanquée de bastions, l’une très grande (30 m de haut) dans le mur d’enceinte intérieur, l’autre plus petite dans le mur extérieur. C’est celle-ci qui a été transportée au Pergamon Museum, la taille de l’autre porte étant trop importante pour les salles du musée. Les dimensions d’origine ont été conservées pour son ouverture (assez étroite avec ses 4,50 m, mais cela facilitait sa surveillance), mais pas pour sa hauteur, d’une vingtaine de mètres, ramenée à l’échelle du Pergamon Museum, soit environ 15 m. Ses briques sont faites d’une argile très fine de teinte brun rougeâtre après cuisson ; longues de 33 cm et épaisses de 6 cm, elles sont assemblées avec du bitume.

Taureaux et dragons

Le décor des parois image b montre des représentations alternées de taureaux image d et de dragons image c jaunes et blancs, en relief sur un fond bleu. Cette ornementation a succédé à des décors précédents faits d’abord de briques déjà en relief, mais non émaillées image e, puis de briques émaillées planes. L’émail utilisé est un mélange de cendres végétales et de grès siliceux, additionné de colorants minéraux. Chaque animal en relief provient de moules pouvant être réutilisés de nombreuses fois. Le taureau est l’animal emblématique du dieu de l’orage Adad, car son mugissement évoque le bruit du tonnerre. Le dragon est celui de Marduk, roi des dieux et divinité suprême de Babylone, et de son fils Nabu, dieu de l’écriture. Le nom de celui-ci compose en partie celui du souverain babylonien de l’époque, Nabuchodonosor, qui signifie « que Nabu protège ma descendance ». Le dragon est ici image c un être composite, serpent cornu couvert d’écailles, avec des pattes avant de lion et des pattes arrière terminées par des serres de rapace. D’après une inscription émaillée image f figurant sur la porte, des statues en bronze de ces animaux étaient placées de part et d’autre du passage. Ainsi, les dieux protecteurs de la cité accueillaient le visiteur à son entrée dans Babylone. Ishtar faisait de même à travers son animal attribut, le lion, dont la représentation scandait les murs de la grande voie extérieure aux remparts.

La voie processionnelle

Une vaste rue partait de la porte pour rejoindre le temple du Nouvel An situé à la périphérie de la ville. Elle était notamment empruntée, au début du printemps, par la procession royale et religieuse célébrant la nouvelle année. Son premier tronçon, long d’environ 200 m, était bordé de hautes murailles, ornées dans leur partie basse d’une frise de briques en relief et émaillées image 3. Celle-ci montrait des lions avançant, comme sortant de la cité ; 120 fauves étaient ainsi répartis de part et d’autre de la voie, soit 60 lions de chaque côté. Chaque animal, à l’expression féroce, mesure 2 m de long image 4. Ces briques sont issues de 64 moules différents. Les fauves sont identiques, mais certains sont blancs à crinière jaune, d’autres jaunes à crinière rouge. Ils se détachent sur des panneaux bleus bordés de lignes de rosaces. La voie, large de 21 m, était faite de briques d’argile cuite recouvertes de dalles carrées en calcaire blanc (1 m de côté sur 34 cm d’épaisseur), si parfaitement assemblées (avec du bitume) qu’il était impossible d’en distinguer les joints. Ses trottoirs étaient recouverts de brèche rouge (pierre provenant de Syrie).

Babylone, capitale impériale

Au milieu du VIIe siècle av. J.-C., l’Empire assyrien, dont le cœur est la Mésopotamie image 8, s’étend sur une large partie du Proche-Orient. Mais en 627 av. J.-C., il tombe aux mains de Nabopolassar, conquérant originaire du golfe persique. Il choisit pour capitale la prestigieuse ville de Babylone (en mésopotamien Bab-ili, « la porte du dieu ») qui, déjà au XVIIIe siècle av. J.-C., avait été une brillante métropole sous le règne du célèbre Hammourabi. De fait, Nabopolassar et ses successeurs seront appelés Néo-babyloniens. Le plus remarquable d’entre eux est Nabuchodonosor II, qui régna 43 ans (de 605 à 562 av. J.-C.). Rivalisant avec l’Égypte, autre grande puissance de l’époque, il fait la conquête de la Syrie-Palestine, détruisant Jérusalem et déportant sa population à Babylone. C’est le commanditaire du décor de la Porte d’Ishtar. Ce souverain a considérablement embelli la ville, comme l’attestent les récits de voyageurs de l’Antiquité (Hérodote, Strabon, Diodore de Sicile…) qui évoquent les magnifiques « jardins suspendus de Babylone », une des sept merveilles du monde. La Bible est moins élogieuse : évoquant la captivité des Hébreux dans la capitale, elle fustige cet asservissement en faisant de l’impressionnante ziggourat de la ville, image 6 une Tour de Babel image 7, déplaisant à Dieu.

La Porte d’Ishtar éblouira les conquérants perses qui s’empareront de la capitale en 539 av. J.-C., mettant fin à l’empire néo-babylonien. Plus tard, leur souverain Darius Ier demandera à des artisans babyloniens de venir orner son palais à Suse de panneaux en brique émaillée représentant notamment des animaux passant

La Porte d'Ishtar à Babylone, une vidéo d'Art Explora Academy

Sylvie Cuni-Gramont

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/la-porte-dishtar-babylone

Publié le 17/05/2023

Ressources

Babylone sur le site web de l’Unesco

https://whc.unesco.org/fr/list/278/

La Porte d'Ishtar (photos et vidéos) sur le site web du World Monuments Fond

https://www.wmf.org/project/ishtar-gate-babylon

Glossaire

Mésopotamie : « Le pays entre les fleuves ». Nom donné par les Grecs dans l’Antiquité à la plaine située entre le Tigre et l’Euphrate. Cette région correspond à l’Irak et à une partie de la Syrie actuels.

Ziggourat : Mot provenant d’un verbe babylonien, signifiant « construire en hauteur ». La ziggourat est donc un temple surélevé au sommet d’une pyramide à étages ; elle relie ainsi la terre et le ciel, les hommes et les dieux.

Sept merveilles du monde : Sept œuvres architecturales ou sculpturales de l’Antiquité, considérées comme particulièrement remarquables : la pyramide de Khéops et le phare d’Alexandrie (Égypte), les jardins suspendus de Babylone (Irak), la statue de Zeus à Olympie et le colosse de Rhodes (Grèce), le temple d’Artémis à Éphèse et le mausolée d’Halicarnasse (Turquie).

Bitume : Matériau issu des hydrocarbures qui existe à l’état naturel et différent du goudron provenant du charbon.

Hérodote : Historien grec du Ve siècle av. J.-C., qui voyagea à travers le territoire de l’ancien empire perse.

Tour de Babel : Très haute tour que les fils de Noé commencent à construire à Babel (Babylone) pour atteindre le ciel ; mais Dieu, irrité par cette orgueilleuse entreprise, empêchera l’achèvement de l’édifice (Ancien Testament : Rois II, 24 et 25, et Genèse XI, 1-9).

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