Le Nouveau-né La Tour Georges de
Le Nouveau-né
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Pourquoi cette humanité nous touche-t-elle encore aujourd’hui ?
En quoi ce tableau est-il unique dans la peinture française au XVIIe siècle ?
Le Nouveau-né a été attribué à Georges de La Tour en 1915 et a permis la redécouverte du peintre, après deux cent cinquante ans d'oubli. Ce tableau est considéré comme un chef-d'œuvre de sa maturité, mais reste néanmoins enveloppé d'un certain mystère.
Scène quotidienne ou religieuse ?
Dans le silence de la nuit, deux femmes veillent sur un nouveau-né. La mère, habillée de rouge, est vue de face. Elle incarne toute mère inquiète pour la santé de son enfant. Son bébé semble assoupi juste après la tétée. Sa bouche est ouverte et les éclats de lumière sur le nez et sur le front révèlent une légère sueur. L'absence de sourcils et de cheveux témoigne d'une grande attention au réel [ détail b ]. Au XVIIe siècle, dans un monde où la très forte mortalité infantile incite à ne pas s'attacher aux nourrissons, on trouve en effet davantage d'enfants représentés plus âgés, potelés, remuants et rarement langés [ image 2 ]. La dignité et la mélancolie qui se lisent sur le visage de la mère [ détail c ], permettent de l'identifier à Marie, mère de Jésus, qui pressent le destin douloureux de son fils.
Lumière et pureté des formes transfigurent le réel
La flamme vacillante d'une bougie arrache les formes à l'obscurité de l'arrière-plan. Sa faible lumière les sculpte et réduit la palette des couleurs [ image principale ]. Elle fait écho à la fragilité de la vie et révèle en même temps l'essence divine de l'enfant. Le contraste entre clarté et ténèbres est particulièrement fort sur le visage de sa mère, tranché par l'arête vive du nez [ détail c ]. Les couleurs, limitées au rouge, au blanc et au mauve, se détachent sur un fond brun et peuvent être analysées de manière symbolique. Le blanc, associé à l'enfant qui vient de naître, renvoie à sa pureté et à son innocence. Le rouge dont est parée Marie préfigure la Passion de son fils. La figure de la mère, contrebalancée par celle d'une femme d'âge mûr, peut-être la grand-mère, est tout entière soumise à une géométrie qui assoit l'ensemble de la composition : bloc de la robe rouge ; triangle formé par la bordure brodée de la chemise ; ovale parfait du visage [ détail c ]. La perfection lisse de la surface peinte renforce la solennité de la scène.
Diurnes et nocturnes
On distingue généralement dans l'œuvre de Georges de La Tour deux types de peintures : les diurnes où la scène se déroule sous la lumière du jour [ image 1 ], et les nocturnes. C'est à cette dernière catégorie qu'appartient Le Nouveau-né. Dans les tableaux nocturnes, la source lumineuse, ici la flamme d'une chandelle dissimulée par la main de la femme plus âgée, se trouve à l'intérieur de la composition. Le motif de la chandelle, de la torche ou du brasier qui éclaire l'obscurité de la nuit est de tradition nordique. On le retrouve notamment dans l'œuvre du peintre néerlandais Gerrit Van Honthorst [ image 3 ], qui fit un long séjour à Rome entre 1610 et 1620, environ.
Un monde silencieux
Dans les diurnes, comme Le Tricheur à l'as de carreau [ image 1 ], Georges de La Tour aime à peindre les accessoires raffinés avec précision et à mêler les physionomies, stylisées ou réalistes, dans des mises en scène fondées sur le jeu des mains et des regards complices. Dans les nocturnes, les accessoires deviennent progressivement plus discrets et de simples lueurs au fond des yeux remplacent gestes et mimiques. Ces nocturnes, à la facture de plus en plus soignée et au style épuré, décrivent un monde clos, sans décor, dans lequel les personnages, immobiles, graves et silencieux, expriment un sentiment profond. Le Nouveau-né du musée de Rennes où l'attention du spectateur est attirée sur la vie intérieure des êtres, en est l'un des plus beaux exemples.
La Tour, le plus populaire des peintres caravagesques français
Sobriété de la composition, effet de clair-obscur accentué, naturalisme, sont des éléments caractéristiques d'un courant artistique initié à Rome au début du XVIIe siècle par Caravage et baptisé caravagisme. Tout au long de sa carrière, Caravage traite les thèmes sacrés comme s'il s'agissait de scènes de genre en les immergeant dans un quotidien ordinaire, loin du décorum attendu dans un contexte religieux. Cela apparaît clairement dans une œuvre comme l'Adoration des bergers où la Vierge est représentée nonchalamment étendue sur la paille, serrant tendrement son fils contre son sein [ image 2 ]. Ce courant a connu un tel succès non seulement auprès des artistes italiens, mais aussi auprès des artistes français, flamands et néerlandais [ image 3 ] de passage à Rome, qu'il s'est très rapidement diffusé dans toute l'Europe. Ainsi, même des artistes comme Georges de La Tour, qui n'ont probablement jamais fait le voyage d'Italie, ont-ils pu s'imprégner de ces idées nouvelles.
Mots-clés
Ressources
Un dossier complet pour les enseignants sur « Le Nouveau-né »
Une synthèse sur Georges de La Tour
Voir le tableau de La Tour au musée de Rennes
Glossaire
Facture : Manière dont le peintre dépose la matière picturale.
Scène de genre : Sujet de peinture qui présente la vie quotidienne en famille et en société.
Clair-obscur : Répartition des ombres et des lumières sur une peinture, de telle sorte que les couleurs les plus sombres se juxtaposent aux plus claires et produisent un fort effet de contraste.
Caravagisme : Courant artistique initié à Rome au début du XVIIe par Caravage, qui se caractérise principalement par des compositions sobres, clairement structurées, une représentation fidèle de la réalité et des effets de clair-obscur. On qualifie les peintres qui se rattachent à ce mouvement de « caravagesques ».
Palette : La palette est la petite planche sur laquelle l’artiste dispose et mélange ses couleurs. Le terme désigne aussi l’ensemble des couleurs qu’il choisit pour une œuvre.