Mobilier de la barque funéraire viking de l’île de Groix
Mobilier de la barque funéraire viking de l’île de Groix
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En quoi ces objets archéologiques nous aident-ils à mieux comprendre le mode de vie des Vikings ?
L'île de Groix est située dans le Morbihan, en Bretagne. Malgré sa petite taille, elle présente des paysages très contrastés, entre hautes falaises et terres basses cultivées. L'île, habitée dès le Néolithique image 1, se peuple par vagues successives.
En 1906, un tumulus est découvert involontairement par Louis Le Pontois et Paul Du Chatellier à Locmaria, dans le sud-ouest de l'île. Sa fouille révèle une tombe viking, constituée des restes d'une barque contenant des ossements humains et tout un mobilier funéraire datant du Xe siècle. Le site est ensuite détruit. L'ensemble des objets mis au jour est aujourd'hui conservé au musée d'Archéologie nationale, à Saint-Germain-en-Laye.
Un site d'exception
En dépit des nombreuses incursions scandinaves en Europe depuis le VIIIe siècle, la tombe viking de Groix est le seul vestige de ce type découvert en France.
Le rite funéraire viking consistait à déposer le défunt dans une barque avec ses objets familiers, puis à incinérer l'ensemble sur un bûcher. Les restes étaient ensuite placés sous un remblai protecteur signalant l'emplacement de la tombe.
Le diamètre de la tombe de Groix était de 17 m, et la barque funéraire mesurait 14 m de long. Cette sépulture masculine image principale contenait les ossements d'un chef et d'une personne de son entourage, un jeune garçon, ainsi que ceux d'un chien et d'oiseaux. De nombreuses armes accompagnaient le défunt, ainsi que des éléments de parure et même des jeux de société, notamment des dés image b, attestant d'une vie sociale et culturelle.
Un riche mobilier funéraire
Hormis les ossements humains et animaux déjà évoqués, le mobilier funéraire de Groix est constitué de plusieurs types d'objets. On trouve d'abord les vestiges de la barque. Viennent ensuite des armes et des éléments d'équipement guerrier : vingt et un umbos de boucliers, deux épées à double tranchant, une bouterolle de fourreau d'épée, deux haches et un couteau, ainsi que trois lances et huit flèches. S'y ajoute du matériel spécifique à la cavalerie : une têtière en bronze, ainsi que la garniture en fer, argent et bronze d'un collier de cheval ou d'une selle. On trouve aussi des outils, dont une pierre à aiguiser, une enclume, un marteau, une tenaille, une mèche à cuiller, deux poinçons et quelques autres objets à usage indéterminé. Enfin, parmi les éléments de parure image c, subsistent une bague en or, des fils d'une étoffe tissée d'or, deux agrafes, un bouton, une tresse et des petites perles en argent. À cet ensemble, il reste à ajouter des pièces de jeu, un bouton en fer plaqué de bronze, deux vases en bronze et une marmite en tôle de fer.
Il s'agit donc d'un mobilier important et même prestigieux pour accompagner le défunt dans son voyage. La dépouille est bien celle d'un chef viking. Qui était-il ? Un responsable d'échanges commerciaux ? Un guerrier mercenaire chargé de surveiller les abords du continent ? Nul ne le sait.
Un peu d'histoire : le premier raid viking
Au début du Moyen Âge, l'Europe est en pleine mutation. Charlemagne (742-814) règne sur une Europe chrétienne qui s'étend de la mer du Nord à la Méditerranée. Au nord de cet empire, entre la mer Baltique et les fjords de la mer du Nord, les Vikings, unis par une langue commune, sont de grands marins. Leurs incursions et pillages débutent en 793 par l'attaque d'un monastère sur la côte est de l'Angleterre, à Lindisfarne, centre spirituel du royaume de Northumbrie. De 793 à 1066, ces guerriers, également commerçants, navigateurs et explorateurs, mais aussi pillards, jouent un rôle capital dans une grande partie de l'Europe du Nord (correspondant à l'actuelle Scandinavie : Danemark, Suède, Norvège et certaines régions de Finlande). Bientôt, ils développent un commerce au long cours et échangent des marchandises image 3, bois, ivoire, fourrures contre étoffes, verre, épices par exemple.
L'arrivée des Vikings en France
En 819, les Vikings sont à Noirmoutier. Ils envahissent Rouen en 841 et assiègent Paris en 845, qu'ils libèrent contre rançon. Des dizaines de villes sont victimes de leurs terribles raids entre le milieu du IXe siècle et le début du Xe siècle. En 911, une partie de la Normandie leur est acquise. La tombe ici découverte atteste bien de la présence viking en Bretagne.
En 965, le baptême du roi Harald Ier de Danemark (911-986) ouvre une nouvelle ère pour les Vikings et marque leur intégration dans l'Europe médiévale. Les raids diminuent, et les contacts avec les dynasties européennes s'établissent. Le trésor découvert en 2007 près de la ville de Harrogate, dans le Yorkshire du Nord, en Angleterre image 2, témoigne de tous ces échanges.
Cet ensemble de pièces de monnaie et d'orfèvrerie (617 pièces d'argent et 65 autres éléments en métaux précieux), contenu dans un récipient en argent probablement fabriqué en France ou en Allemagne vers 900, et lui-même enterré dans un coffre de plomb, constitue le plus important trésor viking mis au jour en Europe.
Voyage symbolique au royaume des morts
Les Vikings ont une religion basée sur l'équilibre entre différents mondes autour de l'arbre Yggdrasil. Leur culte est constitué de rites tournés vers les forces naturelles, tels le soleil, l'eau, l'air, la terre, le feu.
La déesse Hel règne sur le royaume des morts, l'un des neuf mondes nordiques, brumeux et froid. Les défunts le rejoignent dans de somptueux navires, ou biendans des embarcations symboliques dans ce dernier cas, les contours en sont seulement tracés au sol.
L'idée de rédemption est étrangère aux Vikings. L'important est d'acquérir une bonne réputation qui demeure au-delà de la mort. Dès lors, les enterrements deviennent des événements mémorables qui laissent trace et souvenir dans la communauté rassemblée.
Une mauvaise réputation : une image d'Épinal ?
Peu d'écrits concernent la civilisation viking aussi, l'archéologie demeure la principale source d'information.
La plupart des témoignages que nous possédons nous été transmis par des missionnaires chrétiens. Dans ces écrits hautement subjectifs, transparaît l'intention d'opposer la religion chrétienne à la brutalité païenne. Les sagas scandinaves sont rédigées ultérieurement et transformées en mythes, parfois bien éloignés de la réalité historique.
Dans notre imaginaire collectif, les guerriers vikings apparaissent le plus souvent comme brutaux et violents en attestent de nombreuses œuvres de fiction, peintures image 4 et, plus récemment, des films. Il faut cependant rappeler que ces terribles personnages furent également de grands explorateurs, d'excellents commerçants et de simples fermiers.
Au début du XIe siècle, le christianisme s'impose à travers toute la Scandinavie. Les Vikings conservent des symboles païens, mais abandonnent peu à peu leurs anciennes sépultures. En 1066, Guillaume le Conquérant fonde la dynastie normande. La civilisation viking s'efface, intégrée dans le Moyen Âge chrétien.
Mots-clés
Véronique Duprat-Roumier
Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/mobilier-de-la-barque-funeraire-viking-de-lile-de-groix
Publié le 10/06/2021
Ressources
https://musee-archeologienationale.fr/collection/parcourir-les-collections
https://www.port-musee.org/la-tombe-viking-de-lile-de-groix/
La mort et les sépultures vikings sur Idavoll, portail de ressources francophones sur l’âge viking
Les Vikings au Musée historique de Stockholm (en anglais)
Parcourir les collections du musée d’Archéologie nationale
https://musee-archeologienationale.fr/collection/parcourir-les-collections
Glossaire
Umbo : Élément rapporté sur le centre d’un bouclier et ayant une fonction militaire offensive ou défensive, ou bien un rôle décoratif.
Bouterolle : Partie métallique inférieure d’un fourreau d’épée.
Têtière : Partie de la bride enserrant la tête d’un cheval.
Mèche à cuiller : Outil servant à percer du bois.