Paysage aux grands arbres avec des animaux près d’un gué Berchem Nicolaes Pietersz
Paysage aux grands arbres avec des animaux près d’un gué
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Paysage aux grands arbres avec des animaux près d'un gué image principale est une toile de vaste format (130,5 × 195,5 cm) dans laquelle Nicolaes Berchem dépeint une campagne vallonnée où cheminent hommes et bêtes. Composé de deux zones tranchées, le tableau présente, sous un ciel clair, une nature dense et sombre, constituée d'immenses frênes et de troncs morts, de rochers et d'une petite rivière. Les personnages et les animaux du premier plan semblent se diriger vers une ferme accueillante, dont la cheminée évacue un peu de fumée
Dans la lignée de Pieter Van Laer
Berchem a peint ce paysage à Haarlem, sa ville natale. Il y a été formé par son père, le peintre de natures mortes Pieter Claesz., avant d'étudier dans les ateliers de Pieter De Grebber et du paysagiste Van Goyen.
L'influence la plus importante sur son style est néanmoins celle du peintre harlémois Pieter Van Laer. Cet artiste est célèbre pour avoir séjourné en 1625 à Rome, où il a créé des tableaux de petit format mettant en scène des personnages en costumes populaires, dans les rues de la ville ou la campagne environnante. Ces œuvres aux accents rustiques, pleines de vie, sont appréciées des collectionneurs italiens et se vendent à des prix assez élevés. On leur a donné le nom de bambochades, issu du surnom Il Bamboccio (« la Poupée de chiffon ») dont Van Laer était affublé par ses collègues.
Peu après, d'autres Néerlandais présents à Rome, Jan Both et Jan Asselyn notamment, développent ce courant en accordant une importance plus grande au paysage. Sur des surfaces plus vastes, ils déploient des motifs de rochers, de cours d'eau, de ruines antiques parmi lesquels cheminent paisiblement des paysans et des bergers. À son retour à Haarlem en 1639, Van Laer introduit dans la peinture hollandaise ce type de paysage méridional image 1. Ses œuvres ont un fort impact sur la génération de Berchem.
Entre anecdote et intemporalité
Paysage aux grands arbres avec des animaux près d'un gué appartient à cette nouvelle catégorie de paysages, très différents de ceux réalisés dans les Provinces-Unies (actuels Pays-Bas) image 2. L'œuvre insiste en effet sur les spécificités méridionales, comme les reliefs vallonnés et les rochers, souvent dessinés par les artistes durant leurs escapades dans la campagne image 3.
Comme ses congénères, Berchem décrit des cavaliers – une femme portant un corsage rouge et, devant la maison, un homme sur un cheval blanc –, un mulet portant leurs bagages, des paysans semblant les accueillir, un berger traversant un gué avec son troupeau.
Au-delà de l'anecdote et des costumes contemporains, l'accent est mis sur l'harmonie avec la nature, en unifiant le tout par les couleurs chaudes. Une quiétude semble régner, conférant à cette vue un caractère idyllique et intemporel.
Les italianisants
À la vue d'un tel tableau, on pourrait penser que Berchem a fait, comme la plupart des artistes d'Europe du Nord depuis le XVIe siècle, le voyage en Italie. Destination de pèlerinage pour les chrétiens, Rome est devenue, à la Renaissance, une référence incontournable sur le plan artistique. Les Fiaminghi y cherchent la confrontation avec les vestiges de l'Antiquité romaine, absents chez eux. Monuments, ruines et fragments sculptés sont visibles partout, et les artistes les dessinent avec ferveur image 4 image 5. Ces derniers s'intéressent de plus en plus à la nature autour de Rome, célébrée également par le poète Pieter Verhoek : « […] je peux contempler cette peinture d'une végétation luxuriante et m'imaginer parcourant la campagne italienne, insouciant et joyeux, dans cette nature sauvage et sensuelle. Les harmonies du ciel et des montagnes, découvertes par les voyageurs descendant des Alpes vers l'Italie, comblent les sens. »
Berchem se rend-il en Italie ?
Arnold Houbraken écrit que Berchem part en Italie après avoir intégré la guilde des peintres de Haarlem, en 1642. Ce séjour, qu'il aurait effectué aux côtés du peintre Jan Baptist Weenix, aurait duré trois ans. Houbraken signale un second voyage à Rome en 1651, qui semble plausible car on ne connaît, pour cette période, qu'une seule œuvre de la main de Berchem, peinte sur une toile introuvable aux Pays-Bas.
Mais, en l'absence de preuve, ces voyages sont mis en doute. En effet, Berchem ne figure pas dans les registres de la Schilderbent. Peut-être a-t-il été simplement influencé par les œuvres rapportées d'Italie par ses collègues ou peintes après leur retour.
La peinture de Berchem connaît son plein épanouissement dans les années 1650. Peintre à succès, extrêmement productif – on connaît de lui 800 tableaux, 500 dessins image 6 image 7 et une cinquantaine de gravures –, il est fidèle à une série de motifs tels que les collines, les grands arbres, les cours d'eau, les bergers et les groupes de cavaliers, agencés dans des compositions pittoresques et décoratives.
Une postérité française
Berchem a de nombreux élèves, parmi lesquels Karel Dujardin, lui aussi représentant du genre du paysage italianisant image 8. Au XVIIIe siècle, sa peinture reste très appréciée des collectionneurs anglais et français. Exerçant une forte influence sur des artistes comme Jean-Baptiste Oudry image 9 et François Boucher, elle est l'une des sources de la pastorale rocaille.
Stéphanie Cabanne
Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/paysage-aux-grands-arbres-avec-des-animaux-pres-dun-gue
Publié le 22/09/2022
Ressources
Un article de la Fondation Custodia sur Jan Baptist Weenix, artiste contemporain de Berchem
Une présentation des paysagistes nordiques italianisants par le musée Fabre à Montpellier
Glossaire
Fiaminghi : Nom par lequel sont désignés, aux XVIe et XVIIe siècles, les artistes originaires des Pays-Bas du Sud, des Provinces-Unies et d’Allemagne présents à Rome.
Arnold Houbraken (1660-1719) : Peintre ayant fait carrière à Amsterdam, auteur du Grand Théâtre des peintres néerlandais, un ensemble de biographies des artistes néerlandais, dans la lignée des écrits de Vasari et Van Mander.
Schilderbent : Confrérie d’artistes créée à Rome en 1623 dans le but d’accueillir et de soutenir les artistes néerlandais arrivant dans la ville.
Pastorale : Thème pictural des XVIIe et XVIIIe siècles puisant sa source dans la poésie de Virgile pour évoquer un monde champêtre idéalisé, peuplé de ruines antiques, de fermes, de bergers et de bergères.
Rocaille : Mouvement artistique du XVIIIe siècle qui s’épanouit en France, à partir de la Régence, dans les ornements architecturaux et les arts décoratifs en privilégiant les jeux de courbes. En peinture, les artistes illustrent des sujets légers et séduisants, galants ou exotiques, dans un traitement où l'aspect décoratif voire anecdotique l’emporte.
Rococo : Style né en France sous le règne de Louis XV, prenant son inspiration dans la nature (coquilles, feuilles, etc.), caractérisé par ses lignes sinueuses et ses couleurs vives. En se répandant en Italie et dans les pays germaniques, il prend le nom de rococo.