Pierre de Rosette

Pierre de Rosette

Auteur

Dimensions

H. 112,3 cm ; L. 75,7 cm ; P. 28,4 cm

Provenance

Égypte, Rosette, fort Jullien

Technique

Matériaux

Granit noir

Datation

196 av. J.-C.

Lieu de conservation

Royaume-Uni, Londres, British Museum

Pourquoi la pierre de Rosette est-elle aussi célèbre ? Quelle est son importance dans le déchiffrement des hiéroglyphes ?

Cette pierre gravée en granodiorite image principale, qui pèse 762 kg et mesure 112,3 cm de haut, est le fragment d'une stèle dont la hauteur est estimée à près de 150 cm. Présentant le même texte en trois écritures différentes, elle est connue pour avoir été décisive dans le déchiffrement des hiéroglyphes par Jean-François Champollion (1790-1832) image 1 au XIXe siècle.

Découverte

La pierre de Rosette est découverte le 15 juillet 1799 par Pierre-François-Xavier Bouchard (1771-1822), soldat français de la campagne d'Égypte de Bonaparte, dans la ville de Rosette (Rachid en arabe), située dans le delta du Nil image 2 image 3. Elle avait été utilisée comme matériau de construction pour le fort Jullien.

Trois mois après sa découverte, un journaliste la présente comme la clé possible du déchiffrement des hiéroglyphes. Immédiatement, des copies par autographie des inscriptions et des moulages de la pierre sont réalisés et mis en circulation.

Récupérée par les Anglais après la capitulation de l'armée française de 1801, la pierre de Rosette entre dans les collections du British Museum, à Londres, où elle est exposée depuis 1802.

Trois écritures et un texte méconnu

Ce fameux texte est un décret édicté par le pharaon Ptolémée V le 27 mars 196 av. J.-C. Il est rédigé sur la pierre en trois écritures distinctes, hiéroglyphes, démotique et grec, qui ne transcrivent en réalité que deux langues, l'égyptien et le grec. Les trois versions du texte sont fragmentaires, essentiellement celle en hiéroglyphes : la partie supérieure de la stèle, soit environ quinze lignes, est manquante.

En 196 av. J.-C., règnent sur l'Égypte les Lagides, dont le pouvoir est mis à mal par des assassinats et des révoltes. Pour restaurer le pouvoir de sa dynastie, le jeune pharaon Ptolémée V, âgé de 13 ans, offre de l'argent et du grain aux temples, allège les taxes, gracie des prisonniers… En échange, les temples s'engagent à le vénérer comme un dieu par des rituels, des fêtes en son honneur et des statues à son effigie, auprès desquelles est dressé ce décret relatant cet échange de bons procédés.

Quel rôle dans le déchiffrement des hiéroglyphes ?

Dès l'Antiquité, de nombreux savants ont tenté de déchiffrer l'écriture hiéroglyphique, sans y parvenir. Les premiers progrès ne remontent qu'à la seconde moitié du XVIIIe siècle : Jean-Jacques Barthélemy (1716-1795) comprend que les inscriptions entourées d'une forme ovale désignent le nom des pharaons, et les nomme cartouches image 4.

À sa découverte, la pierre de Rosette suscite l'intérêt de nombreux savants qui, par leurs travaux, permettent de faire avancer la recherche : Antoine-Isaac Silvestre de Sacy (1758-1838) identifie ainsi cinq noms de pharaons sur la stèle, tandis que Thomas Young (1773-1829), repérant la similitude entre le démotique et les hiéroglyphes, parvient à traduire une centaine de mots. C'est sans doute grâce à son immense culture – il connaît une vingtaine de langues, du sanscrit au perse – et à l'innombrable documentation fournie par son frère Jacques-Joseph que Champollion parvient à trouver la clé de compréhension du déchiffrement des hiéroglyphes. Le 14 septembre 1822, après plus de quatre années de travail acharné, il s'exclame : « Je tiens mon affaire ! » Si l'attention de tous se portait sur les noms des souverains inscrits sur la pierre, c'est finalement en comparant ceux-ci à d'autres cartouches que Champollion a compris la subtilité qui a rendu cette langue si difficile à déchiffrer : les hiéroglyphes peuvent être non seulement des idéogrammes, mais aussi des phonogrammes. Grâce à sa découverte, les hiéroglyphes et le démotique ont pu être déchiffrés. Le savant n'a pourtant travaillé que sur des copies de la pierre, et n'a jamais observé l'originale.

Un objet célèbre et convoité

Aujourd'hui connue dans le monde entier, la pierre de Rosette est l'objet le plus admiré du British Museum. Elle est aussi très convoitée : dans les années 2000, le chef du Conseil suprême des Antiquités égyptiennes Zahi Hawass a demandé sa restitution à son pays d'origine, au moins sa présentation dans le cadre d'expositions temporaires.

En France, Figeac, la ville natale de Champollion, conserve le souvenir du savant par un musée à son nom et lui rend hommage par une gigantesque réplique de la pierre de Rosette, réalisée par l'artiste américain Joseph Kosuth (né en 1945) en 1991.

Du fait du grand rôle de l'objet dans le déchiffrement des hiéroglyphes, l'expression « pierre de Rosette » est aujourd'hui devenue synonyme de grande découverte dans le langage courant.

La Pierre de Rosette en 3D

The Rosetta Stone by The British Museum on Sketchfab

La Grammaire égyptienne de Champollion - La BNF

Raphaëlle Frémont

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/pierre-de-rosette

Publié le 28/02/2022

Ressources

« “Objet d’observation et d’intelligence” : la pierre de Rosette entre Paris, Londres, Le Caire et… Göttingen (1799-1805) », un article de Bénédicte Savoy sur la dimension politique de l’œuvre publié dans la revue Études germaniques, disponible sur le por

https://www.cairn.info/revue-etudes-germaniques-2009-4page-799.htm

« Champollion et la pierre de Rosette », un article de Pierre Grandet publié dans le magazine L’Histoire

https://www.lhistoire.fr/champollion-et-la-pierre-de-rosette

« Champollion, déchiffreur des hiéroglyphes », une étude de Malika Dorbani-Bouabdellah sur le site L’Histoire par l’image

https://histoire-image.org/fr/etudes/champollion-dechiffreur-hieroglyphes

« Champollion, la pierre de Rosette et le déchiffrement des hiéroglyphes », un article de Jean Leclant publié en 1972 dans les Comptes rendus de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, disponible sur le portail Persée

https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1972_num_11 6_3_12797

La notice de l’œuvre sur le site du British Museum (en anglais)

https://www.britishmuseum.org/collection/object/Y_EA24

La pierre de Rosette sur le site L’Aventure des écritures de la Bibliothèque nationale de France

http://classes.bnf.fr/ecritures/grand/e016.htm

Glossaire

Hiéroglyphe : Nom donné par les Grecs à l’écriture égyptienne formée de signes, signifiant « écriture sacrée ».

Autographie : Méthode de reproduction qui consiste à enduire un objet d’encre puis à appliquer une feuille dessus pour obtenir une impression en négatif.

Campagne d’Égypte : Expédition militaire dirigée par le général Bonaparte entre 1798 et 1801 pour barrer la route des Indes aux Anglais, en guerre contre la France de la Révolution. L’armée française est accompagnée de nombreux savants, qui ont rapporté une documentation scientifique importante sur l’Égypte.

Cartouche : Dans l’Égypte ancienne, forme ovale dans laquelle étaient inscrits les noms des pharaons

Décret : Décision prise par le pouvoir exécutif.

Démotique : Écriture dérivée de l’écriture hiéroglyphique, plus simple à tracer et ayant une destination plus large que les hiéroglyphes, qui étaient plutôt réservés aux prêtres.

Granodiorite : Roche magmatique proche du granite.

Lagides : Dynastie hellénistique, parfois dite ptolémaïque, qui règne sur l’Égypte de 323 à 30 av. J.-C.

Phonogramme : Signe exprimant un son.

Ptolémée V : Cinquième pharaon de la dynastie des Lagides. Époux de Cléopâtre Ire, Ptolémée V a régné sur l’Égypte une vingtaine d’années.

Stèle : Monument monolithique portant une inscription.

Idéogramme : Signe exprimant une idée.