Portrait de Baldassare Castiglione, écrivain et diplomate (1478-1529) Raphaël

Portrait de Baldassare Castiglione, écrivain et diplomate (1478-1529)

Auteur

Dimensions

H. : 82 cm ; L. : 67 cm

Provenance

Technique

Peinture

Matériaux

Huile sur toile

Datation

Vers 1514-1515

Lieu de conservation

France, Paris, musée du Louvre

En quoi ce portrait traduit-il l’idéal de perfection de la Renaissance ?

Ce portrait de Baldassare Castiglione image principale, écrivain et diplomate italien, a été réalisé par un de ses amis, le célèbre peintre Raphaël. Il est considéré comme l'un des plus beaux tableaux de la Renaissance. Cette période, qui glorifie l'être humain, ses actions, sa valeur, est empreinte d'une philosophie qui remonte à l'Antiquité gréco-romaine, l'humanisme. Un portrait doit célébrer l'individu non seulement par la ressemblance physique avec le modèle, mais aussi en laissant transparaître ses qualités morales. C'est ce à quoi Raphaël est parvenu dans ce tableau, qui traduit à la perfection la sobriété et le raffinement de Castiglione, dans un équilibre entre naturel et élégance.

Castiglione, le savoir-vivre d'un homme de cour

Le comte Baldassare Castiglione, né à Mantoue en 1478 et décédé à Tolède en 1529, est un noble italien. Comme militaire et diplomate, il sert plusieurs cours d'Italie du Nord : Milan, Mantoue, Urbino. C'est dans cette dernière ville, en 1504, qu'il fait la connaissance de Raphaël et devient son ami. Envoyé à Rome comme ambassadeur, il y retrouve le peintre qui exécute son portrait vers 1514-1515.

Castiglione est également un intellectuel, écrivain et poète. En 1528, il publie un manuel de savoir-vivre : Le Livre du courtisan, qui connaît un grand succès. Il y décrit les qualités nécessaires à la vie de cour. Parmi les conseils qu'il donne, « fuir l'affectation », « user en toute chose d'une certaine désinvolture qui cache l'art et prouve que ce que l'on a fait ou dit vient sans fatigue et presque sans y penser ».

La composition comme l'exécution de ce portrait présentent les qualités d'aisance, de facilité apparente et de grâce que Castiglione prône dans son traité, rassemblées sous le terme italien sprezzatura (dédain, nonchalance). Comme un miroir, son image renvoie à celle que les contemporains nous ont donnée de son ami Raphaël : un homme aimable et cultivé, aux manières parfaites, et dont le talent paraît un don du ciel.

Sobriété et élégance

Raphaël donne de son ami l'image du plus parfait gentilhomme de son temps, considéré par tous comme l'arbitre des élégances.

Coiffé d'un bonnet noir qui cache sa calvitie et d'un béret aux bords découpés, Castiglione, barbu, est vêtu d'un costume d'hiver : un pourpoint sombre sur une chemise de lin blanc, réchauffé par une fourrure d'écureuil.

Le portrait est réalisé dans un camaïeu de gris, de blanc et de noir, mettant en valeur le raffinement et la simplicité du modèle. Castiglione prône en effet l'austérité du costume, adoptant la mode bourguignonne du vêtement noir ou sombre. Seuls ressortent le rose du visage et le bleu des yeux.

Les différentes textures (velours, lin, fourrure, barbe et peau) sont rendues avec précision image c. La subtilité de l'exécution est renforcée par l'emploi d'un nouveau support, la toile, que l'artiste utilise pour les portraits d'amis et d'intimes. Par sa souplesse, la toile de lin, fixée sur un châssis, réagit plus aisément que le bois aux variations du coup de pinceau. Sa surface irrégulière crée une légère animation ondulatoire de la matière picturale, très fine dans ce tableau.

Une recherche de simplicité et de naturel

Au début du XVIe siècle, Léonard de Vinci crée avec La Joconde le type même du portrait classique : le modèle, grandeur nature, est présenté à mi-corps, les mains croisées, légèrement tourné vers le spectateur, sur un fond de paysage ou d'architecture. Ce procédé donne une impression de stabilité et de sérénité.

Raphaël reprend ici la composition de La Joconde la figure, inscrite dans un triangle, est présentée de trois quarts. En revanche, le peintre supprime tous les éléments accessoires : le siège est à peine visible, et l'arrière-plan nu. La perspective, quant à elle, est à peine suggérée.

La figure sombre de Castiglione se détache sur un fond lumineux, son ombre se projetant sur le mur à droite, conférant du volume à la représentation. Ses mains étant à peine visibles, toute notre attention se porte sur son visage image b. Si le regard affable du modèle interpelle le spectateur, créant un rapport d'intimité, son acuité induit toutefois une certaine distance.

Par cette recherche de simplicité et de naturel, Raphaël crée un portrait d'une grande modernité, axé sur la psychologie du modèle.

Une recherche continuelle de perfection

Dans chacun des portraits qu'il réalise, Raphaël propose une solution nouvelle : le Portrait de Dona Isabel de Requesens, vice-reine de Naples image 1, qu'il peint en collaboration avec Giulio Romano, son élève, est le prototype du portrait d'apparat, la richesse du décor et du vêtement s'accordant avec la distinction sociale du modèle.

Le Autoportrait avec un ami image 2est quant à lui plus vivant : le personnage au premier plan, sans doute Giulio Romano, esquisse un geste animé vers le spectateur, comme pour attirer son attention vers Raphaël, plus en retrait.

Peu d'œuvres donnent un sentiment d'équilibre, d'harmonie et de vérité aussi fort que ce portrait de Castiglione, témoignage de la Renaissance à son apogée. La toile fera l'objet d'une admiration continue et sera copiée par de très nombreux artistes, dont Rubens, Rembrandt, Delacroix image 3 ou encore Matisse.

En 1911, après le vol de La Joconde, le portrait de Castiglione remplacera le tableau de Léonard de Vinci dans le Salon carré du Louvre.

Ressources

« Raphaël, un prince de peinture devenu victime de son succès », un entretien avec Dominique Cordellier, conservateur au musée du Louvre, sur France Culture

https://www.franceculture.fr/emissions/lart-est-la-matiere/raphael-diffusion-le-dimanche-5-novembre

Voir aussi le site Histoiredesarts.culture.fr

Glossaire

Renaissance : Mouvement artistique né au XVe siècle en Italie et qui se diffuse dans le reste de l’Europe au XVIe siècle. Il repose sur la redécouverte, l’étude et la réinterprétation des textes, monuments et objets antiques. À la différence de la pensée médiévale qui donne à Dieu une place centrale, c'est l'homme qui est au cœur de la pensée de la Renaissance.   

Humanisme : Mouvement de la pensée qui se développe au cours de la Renaissance et qui met au cœur de ses valeurs la personne humaine, sa dignité et son épanouissement, accompagné d’un retour aux sources gréco-latines

Perspective : Technique qui permet de représenter l’espace et les objets avec de la profondeur et des volumes sur une surface plane pour donner l’illusion de la troisième dimension.

Composition : Manière de disposer des figures, des motifs ou des couleurs dans l’élaboration d’une œuvre.