Louis XV, roi de France Rigaud Hyacinthe

Portrait de Louis XV, âgé de 5 ans (1710-1774), assis sur son trône en grand costume royal

Dimensions

H. : 189 cm ; L. : 135 cm

Provenance

Technique

Peinture

Matériaux

Huile sur toile

Datation

1715

Lieu de conservation

France, Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon

Louis XV, l’enfant-roi.

Né en 1710, Louis XV devient roi de France suite au décès de son arrière-grand-père, Louis XIV, le 1er septembre 1715. Son grand-père, le Grand Dauphin, était effectivement mort en 1711, et son père, le duc de Bourgogne, ainsi que son frère aîné en 1712. Fragile survivant de la dynastie, il est donc un orphelin âgé de 5 ans lorsqu'il monte sur le trône de France. Jusqu'en 1722, date de sa majorité – 13 ans et un jour pour les rois –, la régence du royaume est confiée à son oncle, Philippe d'Orléans.

Le portrait du jeune monarque image principale est commandé au peintre Hyacinthe Rigaud quelques jours seulement après la mort de Louis XIV. Un ordre écrit, daté du 18 août de l'année suivante et signé du jeune roi, intime l'ordre au prieur de l'abbaye de Saint-Denis de transmettre à l'artiste les emblèmes de la monarchie nécessaires à la réalisation du portrait. Celui-ci est achevé en juin 1717 et présenté au régent puis au roi, qui l'apprécient tant que vingt-quatre exemplaires en sont commandés par les Bâtiments du Roi. Ces répliques, destinées à orner les institutions du pouvoir à travers le royaume, sont confiées à l'atelier de Rigaud. Le peintre est en effet contraint de s'appuyer sur ses collaborateurs pour faire face à ces nombreuses commandes.

Hyacinthe Rigaud et la tradition des portraits royaux

Tout roi ou héritier présomptif au trône fait dès sa naissance l'objet de portraits, peints et dessinés. Par la suite, chaque étape de son existence donne lieu à de nouvelles représentations, elles-mêmes démultipliées sous forme de répliques et gravées afin d'être diffusées dans le royaume. Ainsi les images des rois de France en bas âge sont-elles légion, qu'ils soient montrés dans les bras de leur mère, de leur nourrice, au côté de leur gouvernante ou seuls image 1. Elles suivent l'évolution de l'art du portrait en général et les codifications se précisent avec le temps. Ainsi l'apparition du portrait d'apparat au XVIe siècle entraîne-t-elle la figuration des enfants royaux en pied, impassibles, portant certains des emblèmes de la royauté, tel le jeune Louis XIV âgé de 3 ans, vêtu du manteau bleu fleurdelisé image 2.

Hyacinthe Rigaud, lui-même auteur en 1701 du portrait emblématique de la monarchie absolue, celui de Louis XIV adulte, dit parfois en costume de sacre image 3, sait adapter sa formule au jeune Louis XV.

Afin que l'enfant ne paraisse pas écrasé sous le volume de son costume, le peintre choisit de le représenter assis, sur un trône de bois doré tapissé de velours bleu fleurdelisé, les pieds reposant sur un carreau fait du même tissu. Au premier plan apparaît la marche de l'estrade, couverte d'un brocart, mettant le modèle à distance et participant à la monumentalité de l'ensemble. À droite du trône est représentée une colonne, symbole traditionnel du pouvoir et de la stabilité dans les portraits d'apparat, et à gauche un socle où reposent la couronne du sacre et la main de justice. Un grand drapé de brocart rouge et or surplombe et encadre le trône, évoquant le dais traditionnel. Il est traité ici avec lyrisme et brio, dans la manière caractéristique de Rigaud.

L'enfant tourne la tête vers la droite, direction qu'il pointe avec son index. Ce geste est un signe de commandement, destiné à affirmer l'autorité naturelle du jeune roi. Dans sa main droite, il tient le sceptre fleurdelisé, symbole du pouvoir.

Un portrait politique destiné à rassurer

Au moment où le portrait est peint, Louis XV est roi mais n'a pas encore reçu l'onction du sacre, lequel a lieu à Reims quelques années plus tard, en 1722. Le costume représenté dans cette œuvre renvoie pourtant à cette cérémonie. Défini par les « ordines » du XIIIe siècle, le vêtement porté par les rois lors de leur sacre à Reims est resté constant à travers les siècles à quelques détails près, notamment l'allongement du manteau qui est progressivement doté d'une longue « queue ». Dégageant le bras droit et relevé sur le bras gauche, le manteau bleu fleurdelisé reprend la forme des vêtements de l'Antiquité tardive. Sa couleur fait référence à la robe du grand prêtre du Temple dans l'Ancien Testament (Exode, 28,31), couleur ensuite attribuée au Christ et à la Vierge Marie portant le deuil de son fils. Le culte marial connaissant un essor considérable au XIIe siècle, les rois capétiens empruntent cette couleur.

Au milieu du même siècle, la fleur de lis est adoptée par Louis VI puis Louis VII comme emblème royal d'abord, comme armoirie ensuite. En effet, la Vierge est alors protectrice du royaume de France, et cette fleur fait référence à un texte du Cantique des cantiques, un livre de la Bible, dans lequel Marie lui est comparée : « Comme un lis au milieu des épines, telle est ma dame au milieu des lis » (Cant. 2, 2). Répartis en semé, les lis renvoient à une symbolique cosmique, au ciel étoilé, soulignant les origines divines des armoiries royales.

Sur le mantelet d'hermine, Louis XV porte le collier de l'ordre du Saint-Esprit, constitué d'une alternance de maillons en fleur de lis, en trophées d'armes et en forme de H, ceints de flammes image 4. Le médaillon est composé d'une croix à quatre branches, séparées par des fleurs de lis, avec la colombe du Saint-Esprit en son centre image 5.

Le vêtement blanc que le monarque porte sous son manteau n'est pas celui du sacre mais celui des novices de l'ordre du Saint-Esprit, qui viennent rendre hommage au roi le lendemain de la cérémonie. Rigaud a déjà combiné ces deux vêtements dans le portrait de Louis XIV de 1701. Cette association, devenue une convention pour évoquer la monarchie absolue, est ensuite reprise par Rigaud lui-même et par ses collègues pour les portraits d'apparat de Louis XV image 6 et de Louis XVI image 7.

En choisissant de représenter l'enfant de 5 ans paré d'un tel costume, l'artiste affirme que, malgré la minorité du souverain et le fait qu'il n'est pas encore couronné, celui-ci assume déjà la mission sacrée des rois de France, c'est-à-dire d'être le représentant de Dieu sur la terre et de devoir assurer le salut de ses sujets. Après la succession de décès qui ont endeuillé la famille royale et fait disparaître la quasi-totalité de la descendance de Louis XIV, il convient de produire une image rassurante, capable d'affirmer pleinement la continuité du pouvoir malgré un écart de trois générations, et la capacité du jeune Louis XV à assumer son rôle. Ce défi est parfaitement relevé par Rigaud.

Stéphanie Elhouti-Cabanne

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/louis-xv-roi-de-france

Publié le 19/03/2015

Glossaire

Ancien et Nouveau Testament : Pour les chrétiens, les deux recueils constituant la Bible. Le Nouveau Testament, qui comporte notamment les quatre Évangiles, rapporte la vie et l’enseignement du Christ et de ses disciples.

Armoiries : Ensemble composé de signes, de couleurs, de devises ou d’ornements qui constitue l’emblème d’un groupe, d’une famille, d’une ville ou d’un État.

Régence : Organisation du pouvoir en la minorité ou en l’absence d’un souverain.

Sacre : Cérémonie religieuse conférant au souverain un caractère sacré.

Saint-Denis : Abbaye située au nord de Paris, construite à l’emplacement de la sépulture de saint Denis. Lieu habituel de l’inhumation des rois de France depuis l’époque carolingienne.

Sceptre : Insigne de pouvoir en forme de bâton.