Portrait de Sigismond Malatesta Piero della Francesca

Portrait de Sigismond Malatesta

Dimensions

H. : 44,9 cm ; L. : 34 Cm

Provenance

Technique

Peinture

Matériaux

Huile sur bois, Peuplier (bois)

Datation

1450-1475

Lieu de conservation

France, Paris, musée du Louvre

Qui est Piero della Francesca ?

En quoi représente-t-il les idéaux de la Renaissance ?

Le Portrait de Sigismond Malatesta est une œuvre de Piero della Francesca, un des plus grands peintres italiens du XVe siècle image principale. Celui que Luca Pacioli, son disciple, surnommait le Monarque de la peinture est un peintre et mathématicien né à Borgo San Sepolcro, en Toscane. On sait peu de choses sur sa formation à Florence image 9. Il prend part à la révolution esthétique née dans cette ville au Quattrocento : le début de la Renaissance.

Donner l’illusion de l’espace réel

Piero montre très vite une grande maîtrise dans le domaine de la perspective. Créer l’illusion d’un espace en trois dimensions sur la surface plane d’un tableau est sa préoccupation et celle des artistes florentins au début du XVe siècle. Son œuvre la plus célèbre en ce sens est La Flagellation image 1. Cette peinture est considérée comme le point d’aboutissement des recherches de l’époque. Elle met en parallèle le supplice de Jésus, flagellé dans le prétoire de Pilate, et la présence mystérieuse de trois personnages contemporains au premier plan. L’espace est rigoureusement unifié par un réseau de lignes obliques convergeant vers un point central. La Renaissance associe le naturalisme à la construction rationnelle de l’image. Mais un autre aspect est essentiel : l’humanisme. La valorisation de l’humain entraîne un développement du portrait individuel. L’effigie de Sigismond Malatesta image principale attribuée au peintre témoigne de son talent et d’une vision nouvelle.

Sigismond Malatesta, le Loup de Rimini

Le modèle de Piero est un condottiere, une sorte de mercenaire, à la réputation sulfureuse et seigneur de Rimini (en Romagne) de 1432 à 1468 image 9. Il est le membre le plus fameux de la famille Malatesta, au pouvoir à Rimini depuis le XIVe siècle. Sigismond Malatesta a servi plusieurs États italiens, dont Venise et l’État pontifical. L’Église le nomme capitaine général en 1435, mais ses ambitions politiques l’amènent à un conflit avec le pape Pie II. Ce dernier l’accuse d’être un criminel et un hérétique. Il l’excommunie en 1460, avant de lui intenter un procès. Sigismond doit faire la paix avec le pape, qui le punit en le dépossédant de la plupart de ses territoires.

Homme de guerre et mécène

Vers 1450, à l’époque de son portrait par Piero, Sigismond a la réputation d’être un mécène érudit, en même temps qu’il est un illustre capitaine de guerre. Il fait construire une citadelle à Rimini et s’adresse à un des plus grands architectes de son temps, Léon Battista Alberti, pour rénover l’église San Francesco, où est enterrée sa famille. Cette église a été surnommée le Tempio malatestiano, à cause de son style à l’antique jugé à l’époque trop païen. Dans une chapelle de cet édifice, Piero réalise une fresque qui a été rapprochée du tableau du Louvre image 2. Elle représente Malatesta à genoux, de profil, devant son saint patron saint Sigismond, roi des Burgondes, dans une attitude d’hommage. Le saint a les traits de l’empereur du Saint Empire, Sigismond de Luxembourg image 3 image 4, qui a confirmé le condottiere dans ses droits sur le fief de Rimini. La dimension et l’iconographie identiques des deux portraits laissent penser que le tableau du Louvre image principale et la fresque image 5 de l’église San Francesco sont basés sur le même dessin préparatoire. En conséquence, on les date tous deux de 1451, époque du séjour de Piero à Rimini.

La tradition du portrait de cour

Le condottiere se détache en buste, de profil, sur un fond sombre. C’est la tradition des premiers portraits peints indépendants qui naît en Europe à la fin du XIVe siècle. Un des premiers exemples connus représente le roi de France Jean le Bon image 6. La présentation de profil se réfère à l’usage antique des monnaies romaines frappées à l’effigie de l’empereur. En Italie, dans la première moitié du XVe siècle, le grand représentant de ce courant est Pisanello. Son style, caractérisé par un graphisme élégant et raffiné, correspond aux critères d’un art de cour encore attaché aux valeurs gothiques image 7. Le peintre apporte une évolution décisive au genre du portrait. En effet, vingt ans plus tard, il entre au service du grand rival et ennemi de Sigismond, le condottiere Frédéric de Montefeltre, seigneur d’Urbino, et peint le double portrait de Frédéric et de son épouse Battista Sforza image 8. Les deux profils se découpent cette fois de façon plus naturelle sur un paysage ensoleillé.

La modernité du portrait de Malatesta

Formé à Florence, Piero s’attache avant tout au rendu du volume. La forme est simplifiée, suivant un principe géométrique. Le cou de Sigismond est cylindrique, son épaule légèrement en saillie, et sa chevelure bombée forme une calotte sur le crâne. La lumière venant de la gauche accentue le relief et détache le personnage sur le fond sombre. Pour Piero, passionné de mathématiques et auteur d’un traité d’architecture, la géométrie est le reflet de l’ordre de l’univers. L’artiste ne doit pas se contenter de reproduire l’image observée, mais la reconstruire idéalement. À cette plasticité sculpturale, Piero ajoute un naturalisme d’inspiration nordique. L’artiste a pu voir des peintures flamandes lors de ses séjours en Italie du Nord. Il leur emprunte le sens précis du détail. Réalisme et psychologie Sigismond porte un pourpoint de satin brodé d’or sur une chemise blanche, surmonté d’un mantelet de même tissu bordé de fourrure image b. La brillance des tissus, la transparence de la peau, l’ombre de la barbe naissante sur la joue confèrent une présence extraordinaire au modèle. Ce réalisme est rendu possible par la technique mixte utilisée par Piero, qui mélange la tempera (technique à l’œuf utilisée en Italie) et l’huile (utilisée par les Flamands), permettant un rendu minutieux des textures. À cette vérité physique, s’ajoute la réalité psychologique. L’image du condottiere dégage une impression de force et d’autorité. Son profil aigu et ses yeux mi-clos suggèrent aussi la ruse et la cruauté que lui attribuaient ses contemporains. Avec une grande maîtrise, Piero a pu créer dans ce portrait une synthèse entre différents apports stylistiques et réaliser une étape importante dans le processus d’individualisation du modèle.

Colette Féraudet

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/portrait-de-sigismond-malatesta

Publié le 27/12/2022

Glossaire

Fresque : Technique de peinture murale qui consiste à appliquer des couleurs délayées à l’eau sur un enduit frais. Le mot est d’origine italienne, il vient de fresco qui signifie frais. Toute œuvre peinte d’après ce procédé est aussi désignée sous le nom de fresque.

Perspective : Technique qui permet de représenter l’espace et les objets avec de la profondeur et des volumes sur une surface plane pour donner l’illusion de la troisième dimension.

Renaissance : Mouvement artistique né au XVe siècle en Italie et qui se diffuse dans le reste de l’Europe au XVIe siècle. Il repose sur la redécouverte, l’étude et la réinterprétation des textes, monuments et objets antiques. À la différence de la pensée médiévale qui donne à Dieu une place centrale, c'est l'homme qui est au cœur de la pensée de la Renaissance.   

Quattrocento : Correspond au XVe siècle en Italie et coïncide avec le début de la Renaissance notamment à Florence

Condottiere : En Italie, au Moyen Âge et à la Renaissance, chef des compagnies de mercenaires se mettant par contrat (condotta) au service des princes ou des villes

Humanisme : Mouvement de la pensée qui se développe au cours de la Renaissance et qui met au cœur de ses valeurs la personne humaine, sa dignité et son épanouissement, accompagné d’un retour aux sources gréco-latines