Raboteurs de parquet Caillebotte Gustave

Raboteurs de parquet

Dimensions

H. : 102 cm ; L. : 147 cm

Provenance

Technique

Peinture

Matériaux

Huile sur toile

Datation

1875

Lieu de conservation

France, Paris, musée d’Orsay

En quoi Caillebotte se montre-t-il novateur quand il peint les Raboteurs de parquet ?

Artiste, mécène et collectionneur, Gustave Caillebotte peint en 1875 les Raboteurs de parquet image principale, son œuvre la plus célèbre. Le refus de ce tableau au Salon amènera le peintre à rejoindre le groupe des impressionnistes.

Le travail, un sujet artistique rare

Les images du travail manuel sont encore rares dans la peinture de l’époque, même s’il y a des précédents avec Courbet, Les Casseurs de pierres image 1 et Daumier, La Blanchisseuse image 2. L’avènement du réalisme au milieu du XIXe siècle a favorisé les scènes de la vie contemporaine, mais ce sont plutôt les paysans qui sont représentés (Millet, Des glaneuses image 3).

Pourtant, avec la révolution industrielle, les ouvriers sont nombreux à travailler dans des villes qui se développent. Paris est transformé par l’empereur Napoléon III et le baron Haussmann. De nouveaux quartiers y sont construits, des appartements aménagés, comme celui qu’on peut voir dans les Raboteurs.

Gustave Caillebotte consacre l’essentiel de sa peinture à des scènes de la vie moderne et parisienne.

Un réalisme saisissant

Une tradition familiale rapporte que le peintre se serait inspiré d’ouvriers travaillant chez lui à Paris pour cette scène. L’artiste l’a traduite avec beaucoup de réalisme. Le parquet, les lambris, la plaque de marbre de la cheminée, l’appui de fenêtre en fer forgé sont typiques d’un appartement haussmannien. Les raboteurs à genoux travaillent avec des gestes précis. Leurs outils sont détaillés avec soin (rabot, racloir, marteau, lime) détail b. Leurs torses nus, leurs bras maigres ne sont pas ceux d’athlètes antiques idéalisés, mais d’ouvriers parisiens au travail pénible. Caillebotte a même peint leurs besaces et la bouteille de vin détail c.

Selon le critique d’art Edmond Duranty dans La Nouvelle Peinture, il faut situer l’homme dans son milieu social. On retrouve ces préoccupations dans l’œuvre de Zola, dont le naturalisme s’appuie sur des recherches précises pour préparer des romans comme L’Assommoir, paru en 1877.

Un style empreint de classicisme

Pourtant, loin d’être saisi sur le vif, le tableau a été peint à l’atelier, à partir de nombreux dessins préparatoires. En effet, Caillebotte a suivi une formation académique auprès du peintre Léon Bonnat et à l’École des beaux-arts. Son style net et précis met en valeur les moindres détails du tableau (l’alliance au doigt du raboteur central détail d). La facture est lisse et la touche peu visible, même si les copeaux de bois sont rendus avec une grande légèreté.

La composition est parfaitement structurée, rythmée par les lignes horizontales et verticales des lambris, obliques du parquet et les grandes courbes des bras. Le peintre utilise une gamme de couleurs limitée, dans les beiges et bruns, et fait jouer la lumière venant de la fenêtre sur le dos des raboteurs et les lattes du parquet.

Une mise en page novatrice

Caillebotte dépasse ce classicisme par un traitement de l’espace qui semble aspirer le spectateur à l’intérieur du tableau. La scène est vue en forte plongée, les murs de la pièce coupés bas, ce qui accentue la perspective fuyante du parquet, qui semble très incliné. L’influence des estampes japonaises peut être évoquée, mais c’est surtout chez Edgar Degas qu’on retrouve des recherches sur l’espace comparables, dans des tableaux quasi contemporains des Raboteurs, La Classe de danse Portraits dans un bureau (Nouvelle-Orléans) image 4.

Degas partage avec Caillebotte une formation classique marquée par l’importance du dessin, un intérêt pour le monde du travail image 5 La Repasseuse et un goût pour les cadrages audacieux.

Le refus au Salon de 1875

Refusé par le jury du Salon à cause de son sujet considéré comme trivial, le tableau est présenté par Caillebotte à la deuxième exposition impressionniste en 1876. Il obtient un grand succès, même si Zola trouve le style trop classique : « M. Caillebotte a des Raboteurs de parquet […] d’un relief étonnant. Seulement, c’est là de la peinture bien anti-artistique, une peinture propre, une glace, bourgeoise à force d’exactitude. »

Devenu un des piliers du groupe des impressionnistes, et leur mécène, Caillebotte adoptera leur facture et la peinture de plein air. À sa mort en 1894, il lègue son exceptionnelle collection de tableaux à l’État, parmi lesquels figure le célèbre Bal du Moulin de la Galette de Renoir image 6.

Raboteurs de parquet Caillebotte, une vidéo de l'émission d'Art d'Art

Mots-clés

Françoise Besson

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/raboteurs-de-parquet

Publié le 11/10/2024

Ressources

Notice et commentaire de l'oeuvre sur le site web du musée d'Orsay

https://www.musee-orsay.fr/fr/oeuvres/raboteurs-de-parquet-105

Un commentaire sur le site L’Histoire par l’image

https://histoire-image.org/etudes/ouvrier-artisan

Un épisode de l’émission de France Inter Un musée dans l’oreille consacré aux "Raboteurs de parquet"

https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/un-musee-dans-l-oreille/les-raboteurs-de-parquet-de-gustave-caillebotte-1875-9021049

Un épisode de l’émission de France Culture "Les Regardeurs" consacré aux "Raboteurs de parquet"

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-regardeurs/les-raboteurs-de-parquet-1875-de-gustave-caillebotte-1848-1894-8227810

« Les Raboteurs de parquet, Gustave Caillebotte. Cause toujours », un épisode de la série Arte "A Musée Vous, A Musée Moi", 2mn20

https://www.arte.tv/fr/videos/071478-018-A/a-musee-vous-a-musee-moi/

Glossaire

Scène de genre : Sujet de peinture qui présente la vie quotidienne en famille et en société.

Réalisme : Courant artistique du XIXe siècle qui privilégie une représentation non idéalisée de sujets inspirés du monde réel. Le peintre Gustave Courbet en est la figure de proue, et son tableau Un enterrement à Ornans, exposé en 1855, le premier manifeste.

Naturalisme : Mouvement d’abord littéraire puis artistique, qui se développe dans les années 1880. Les peintres représentent, dans de grandes toiles, des personnages en taille réelle dans leurs activités quotidiennes. Paysans et ouvriers, ces héros de tous les jours et de la vie moderne, sont peints avec une précision photographique et saisis dans l’instant. Les décors montrent au contraire des effets de coups de pinceau et une palette claire. Ce mouvement influence également la sculpture.