Relief d’Ur-Nanshe, roi de Lagash
Relief perforé
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Lieu de conservation
Que nous apprend ce relief sur le rôle des rois comme bâtisseurs en Mésopotamie ? Pourquoi est-il percé d’un trou ?
À partir de 3500 av. J.-C., le pays de Sumer, dans le sud de la Mésopotamie, connaît une évolution majeure image 6 : les premières villes apparaissent et se développent grâce à l'essor du commerce. Une société diversifiée et hiérarchisée se met alors en place, et l'écriture cunéiforme est inventée.
Au IIIe millénaire av. J.-C., se forment de petits royaumes indépendants ou cités-Etats. Celui de Lagash image 6 est le mieux connu grâce aux fouilles archéologiques menées à la fin du XIXe siècle, qui ont permis de redécouvrir une civilisation oubliée, celle des Sumériens.
Le royaume de Lagash
Le petit royaume de Lagash comprenait plusieurs villes, dont celle de Girsu, aujourd'hui Tello, en Irak image 6. C'est là qu'Ernest de Sarzec, consul de France à Bassorah, entreprend des fouilles en 1877.
Il y découvre de nombreuses statues et reliefs en pierre, des objets en cuivre ainsi que des dizaines de milliers de tablettes inscrites image 1 (Tello signifie d'ailleurs « la colline aux tablettes »). Les reliefs perforés comme celui d'Ur-Nanshe image principale comptent parmi les œuvres les plus caractéristiques retrouvées à Tello.
Les reliefs perforés
Au IIIe millénaire av. J.-C., la sculpture se développe grâce à l'utilisation d'outils en cuivre.
Plus d'une centaine de reliefs perforés en calcaire, comme celui d'Ur-Nanshe, ont été mis au jour à Tello. La plupart d'entre eux devait orner des édifices religieux : le trou central, rond ou carré, permettait de les fixer aux murs en brique crue grâce à un clou en cuivre ou en bois. Décorés en bas relief de scènes de culte, de banquet ou relatives à la construction du temple, ils commémoraient sans doute les rites accomplis en l'honneur des dieux image 2. Le relief d'Ur-Nanshe en est un exemple exceptionnel par sa taille et son iconographie.
Ur-Nanshe, roi bâtisseur et souverain accompli
Le décor du relief d'Ur-Nanshe s'organise en deux registres superposés.
Tous les personnages sont identifiés par leur nom. L'un d'eux est représenté deux fois plus grand que les autres, signe de sa prééminence sociale. Il s'agit d'Ur-Nanshe, roi de Lagash. À gauche, il est figuré en bâtisseur, portant sur la tête un panier de briques image b.
En Mésopotamie, le roi, intermédiaire entre les dieux et les hommes, était chargé de la construction et de l'entretien des temples. Les inscriptions sur le fond du relief précisent qu'Ur-Nanshe a construit celui de Ningirsu, le dieu tutélaire de la ville de Girsu.
En effet, à côté d'un panthéon de dieux hiérarchisés, les Sumériens honoraient des divinités protectrices de chaque cité (ce que l'on appelle des divinités poliades, du mot grec polis, « cité »). Ningirsu (« le seigneur de Girsu ») est souvent représenté par son symbole, Imdugud, un aigle à tête de lion maîtrisant deux lions dans ses serres image 3. Ur-Nanshe signifie d'ailleurs « le guerrier de Nanshe », nom d'une déesse vénérée à Lagash et sœur de Ningirsu.
Pourquoi une scène de banquet ?
À droite, Ur-Nanshe, assis, participe à un banquet image c. Servi par le personnage debout derrière lui, qui tient un vase, il boit sans doute de la bière, la boisson la plus courante à Sumer, ou du vin.
Que célèbre-t-il lors de ce banquet ? Les inscriptions peuvent nous éclairer : « Les bateaux de Dilmun, de ce pays lointain, ont apporté le bois. » La Mésopotamie, pauvre en matières premières, devait importer le bois de construction de la vallée de l'Indus. Le précieux chargement transitait par le pays de Dilmun (actuelle île de Bahreïn, dans le golfe Persique) avant d'arriver au pays de Sumer. Ce banquet rituel célèbre donc soit le début de la construction du temple, soit son inauguration.
Ur-Nanshe, fondateur de la première dynastie de Lagash vers 2550 av. J.-C.
Ce relief perforé est aussi un relief généalogique : il montre Ur-Nanshe comme le fondateur de la première dynastie qui régna pendant près de deux cents ans sur le royaume de Lagash.
À partir du milieu du IIIe millénaire av. J.-C., le pouvoir royal se transmet de père en fils. Il est donc important de montrer la famille du roi, qui se tient devant lui au registre supérieur. Son épouse Abda est suivie de leur fils aîné Akurgal, qui succéda effectivement à son père image d l'héritier du trône, la tête ceinte du bandeau royal, est associé à la cérémonie et tient un vase. Derrière Akurgal, figurent trois autres fils, tandis que les trois derniers sont représentés au registre inférieur, introduits par un fonctionnaire devant leur père. Avec sept fils, l'avenir de la dynastie est assuré !
Un style expressif malgré les conventions du dessin
Le torse et les yeux des personnages sont représentés de face, le visage et les jambes de profil les yeux sont grands, les têtes rondes. Les hommes, crâne rasé et torse nu, portent le kaunakès, une épaisse jupe en laine de mouton, dont les mèches sont traitées de façon très stylisée. Ce vêtement, typiquement sumérien mais peu pratique, est sans doute rituel.
Le relief d'Ur-Nanshe est stylistiquement très proche de statuettes d'orants contemporaines image 4.
Les Sumériens, inventeurs de l'écriture cunéiforme
L'écriture cunéiforme est inventée vers 3300 av. J.-C. par les Sumériens. Elle est appelée ainsi car les signes qui la composent sont en forme de clous ou à de coins (« cuneus » en latin). Les Sumériens en utilisent environ 500. Chacun correspond à un objet ou une idée ce sont des idéogrammes. Vers 2900 av. J.-C., les signes prennent aussi une valeur phonétique.
Les Sumériens écrivent le plus souvent sur des tablettes d'argile, dont la taille permet de les tenir dans - la main image 5 .Les signes sont imprimés dans l'argile humide grâce à un bâtonnet à section triangulaire, qui leur donne leur forme caractéristique de clou. Grâce aux fouilles menées par Sarzec à Tello, le sumérien, qui n'est apparenté à aucune autre langue connue, fut déchiffré à la fin du XIXe siècle.
Françoise Besson
Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/relief-dur-nanshe-roi-de-lagash
Publié le 03/12/2021
Ressources
« L’Histoire s’écrit à Sumer », un article du site Bible et Archéologie
« Les Sumériens, des cités-États au royaume d’Ur », un article de Jean-Louis Huot sur le site Clio
https://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/les_sumeriens_des_cites_etats_au_royaume_dur.asp
Le dossier pédagogique lié à l’exposition L’Histoire commence en Mésopotamie présentée au musée du Louvre-Lens du 2 novembre 2016 au 23 janvier 2017
Les ressources documentaires liées à l’exposition L’Histoire commence en Mésopotamie présentée au musée du Louvre-Lens du 2 novembre 2016 au 23 janvier 2017
http://ressources.louvrelens.fr/EXPLOITATION/mesopotamie.aspx
Tello, ancienne Girsu, un site de la série Patrimoine du Proche-Orient (collection Grands sites archéologiques, ministère de la Culture)
https://archeologie.culture.fr/proche-orient/fr/a-propos/tello-ancienne-girsu
Glossaire
Sumériens : Peuple de l’Antiquité habitant le pays de Sumer, dans le sud de l’actuel Irak. À la fin du IVe millénaire av. J.-C., les Sumériens inventent l’écriture cunéiforme et fondent les premières villes, dirigées par un roi qui cumule les fonctions politique, religieuse et militaire.
Mésopotamie : « Le pays entre les fleuves ». Nom donné par les Grecs dans l’Antiquité à la plaine située entre le Tigre et l’Euphrate. Cette région correspond à l’Irak et à une partie de la Syrie actuels.
Orant : Personnage représenté en prière.
Relief : Type de sculpture en deux dimensions, dont le décor se détache en saillie sur un fond.
Bas-relief : Type de sculpture en deux dimensions. Le matériau est creusé afin que la forme souhaitée apparaisse en épaisseur par rapport au fond.
Kaunakès : Jupe à longues mèches imitant les poils d’animaux caractéristique de la Mésopotamie.
Cunéiforme (écriture) : Antique écriture mésopotamienne, aux caractères ressemblant à des clous ; les savants qui l’étudièrent, au XIXe siècle, l’appelèrent écriture « cunéiforme », clou se disant « cuneus » en latin.