Sarcophage avec la légende de Séléné et Endymion
Sarcophage avec la légende de Séléné et Endymion
Détail de la partie droite : sur le couvercle, portrait ébauché du défunt ; sur la cuve, Dionysos découvrant Ariane endormie
Auteur
Dimensions
Provenance
Technique
Matériaux
Datation
Lieu de conservation
Pourquoi une scène de la mythologie grecque a-t-elle été sculptée sur un sarcophage romain ? En quoi reflète-t-elle les croyances religieuses de l’époque ?
Les sarcophages en marbre constituent l'une des plus importantes productions de la sculpture romaine. Leur décor, souvent inspiré de la mythologie grecque, nous renseigne sur la conception de l'au-delà et l'aspiration à la vie éternelle des défunts.
En 1805, le sarcophage de Séléné et Endymion image a et celui de Dionysos et Ariane image 1 sont trouvés par hasard dans un champ à Saint-Médard-d'Eyrans, une commune située à 20 km au sud de Bordeaux. Exceptionnels par leur qualité et leur état de conservation, ils entrent au musée du Louvre en 1817.
Des sarcophages importés de Rome
S'ils ont été découverts en Gironde, les deux sarcophages ont été réalisés à Rome. En effet, leur arrière lisse est une caractéristique des ateliers de la capitale de l'Empire romain. À partir du IIe siècle de notre ère, lorsque l'inhumation remplace peu à peu la crémation dans l'Empire, des sarcophages en marbre sont sculptés pour une clientèle fortunée. Leur décor diffère suivant le lieu de production : en Grèce et en Asie Mineure (actuelle Turquie), où ils sont disposés en plein air ou au centre d'un monument funéraire, les quatre faces, visibles, sont sculptées. Par contre, en Italie, où ils sont adossés au mur de la chambre funéraire, seuls trois côtés portent un décor, plus soigné sur la face principale que sur les petits côtés image b. Les sarcophages réalisés à Rome sont exportés vers les provinces occidentales de l'Empire, comme la Gaule (Bordeaux ou Arles image 2), par voie maritime et fluviale.
L'Aquitaine, une région en plein développement
L'Aquitaine connaît un grand essor commercial et économique à l'époque gallo-romaine, car elle bénéficie d'une position géographique idéale, entre l'Atlantique et la Méditerranée, l'Espagne et le Nord de l'Europe. Bordeaux, Burdigala dans l'Antiquité, devient la capitale de la province d'Aquitaine et se dote de monuments somptueux (forum, amphithéâtre, thermes) créés à l'image de ceux de Rome. Dans la campagne, de grands domaines agricoles (et viticoles, déjà !) se constituent le long de la Garonne, et leurs propriétaires se font construire de luxueuses villas décorées de peintures et de mosaïques. C'est près des ruines d'une telle villa que les sarcophages de Saint-Médard-d'Eyrans ont été trouvés.
Une composition foisonnante au style raffiné
À l'intérieur d'une scène unique, qui se lit de gauche à droite, la composition se développe en éventail et de façon symétrique autour d'une figure verticale, entourée de personnages allongés ou de chevaux cabrés qui forment des lignes obliques. Elle est lisible, malgré la multiplication des personnages, représentés en fort relief sur différents plans. Le polissage très poussé des corps contraste avec le traitement des chevelures. Cette technique ainsi que certaines coiffures permettent de dater les sarcophages de la fin de la dynastie des Sévères, vers 235, une période troublée qui exacerbe les inquiétudes face à la mort. L'Empire romain est menacé à ses frontières par les Perses en Orient et les Germains en Occident. Pendant une cinquantaine d'années, il connaît une grande instabilité intérieure. De nombreux empereurs se succèdent, règnent très peu de temps et sont le plus souvent assassinés. C'est l'avènement de Dioclétien, en 284, qui rétablit l'autorité impériale.
Des scènes mythologiques qui symbolisent l'espoir de la vie éternelle
Réalisés dans le même atelier, les deux sarcophages forment une paire. Chacun est décoré d'une scène de la mythologie grecque, qui montre une divinité apportant un amour éternel à un mortel plongé dans le sommeil, image adoucie de la mort. Ce thème est fréquent sur les sarcophages romains, car il exprime l'espoir de salut et de félicité dans l'au-delà.
Selon la légende, Séléné, déesse de la lune, venait visiter chaque nuit le beau berger Endymion, condamné par Zeus à un sommeil éternel. La Lune, astre nocturne, est étroitement liée au monde des morts dans l'art romain ainsi, sur l'autel funéraire de Julia Victorina image 3, un croissant de lune surmonte le portrait de la jeune défunte. Sur le sarcophage de Séléné et Endymion, la déesse, vêtue d'une longue tunique flottante et tenant une torche, descend du char tiré par deux chevaux avec lequel elle parcourt le ciel image c. Elle se dirige vers Endymion, allongé, entouré de son troupeau de chèvres, deux épieux à la main, car il est aussi un chasseur. Le dieu du sommeil, Hypnos, nu, des ailes dans le dos et sur le front, approche une corne de la tête du jeune homme pour l'endormir. Deux jeunes femmes à demi nues, sans doute des nymphes, ferment la composition à droite. De l'autre côté image d, un petit amour brandissant une torche tient les rênes des chevaux qui sont arrêtés par une jeune femme, peut-être Aura, la déesse de la brise. Sous les chevaux cabrés, Tellus, la personnification de la terre nourricière, est allongée et tient une corne d'abondance. À gauche, un vieux berger se tourne pour observer la scène. Sur le couvercle, encadré des masques du Soleil et de la Lune – qui symbolisent l'éternité car l'un ou l'autre est toujours visible dans le ciel –, on trouve, à gauche, une scène mythologique (le Jugement de Pâris) et, à droite, une scène champêtre (confection de guirlandes).
Sur le second sarcophage découvert à Saint-Médard-d'Eyrans image 1, Dionysos, le dieu du vin, suivi de son cortège, découvre Ariane endormie, abandonnée par Thésée sur l'île de Naxos. Il l'épouse et lui apporte ainsi l'immortalité divine.
Des époux unis au-delà de la mort
Les défunts n'hésitaient pas à s'identifier aux personnages de la mythologie. Ainsi, les têtes de Séléné et d'Endymion ont été simplement ébauchées dans l'atelier romain. Une fois les sarcophages arrivés à destination, elles auraient dû être sculptées à l'image des défunts. Le mari devait aussi figurer en buste sur le couvercle du sarcophage de Dionysos et Ariane image 4, celui de sa femme. Mais, pour une raison inconnue, les portraits funéraires n'ont jamais été réalisés, ni les épitaphes au centre des couvercles image c image 4. Pourtant, les sarcophages ont bien été utilisés, car on a retrouvé le squelette d'un homme dans celui de Séléné et Endymion, et d'une femme dans l'autre.
Mots-clés
Françoise Besson
Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/sarcophage-avec-la-legende-de-selene-et-endymion
Publié le 20/02/2019
Ressources
La notice d’un sarcophage orné de la légende de Séléné et Endymion sur le site du Metropolitan Museum of Art de New York (en anglais)
Le site du musée d’Aquitaine
Un dossier pédagogique sur les rites et croyances funéraires dans l’Antiquité romaine sur le site du musée départemental de l’Arles antique
http://www.arles-antique.cg13.fr/docs/Dos_enseignant%20ritetcroyance.pdf
Glossaire
Forum : Dans l’urbanisme du monde romain, le forum est la place principale d’une ville. C’est là que se discutent les affaires publiques.
Thermes : Bains publics.
Mythologie : Ensemble des croyances et des récits liés aux religions non monothéistes.
Satyre : Dans la mythologie grecque, créature hybride du monde champêtre, souvent associée aux dieux Dionysos (Bacchus) et Pan. Les satyres sont très proches de ce que les Romains appellent des faunes.
Ménade : Prêtresse du dieu Dionysos (le Bacchus des Romains).
Villa : Terme utilisé dans l’Antiquité romaine pour désigner un domaine rural (villa rustica) ou une riche demeure proche de la ville (villa suburbaine).
Crémation : pratique funéraire qui consiste à brûler le corps des morts.
Inhumation : pratique funéraire qui consiste à enterrer le corps des morts.
Amphithéâtre : dans l’Antiquité romaine, vaste édifice de spectacles, de forme arrondie, destiné aux combats de gladiateurs, chasses aux fauves ou même batailles navales. Il comporte une arène centrale entourée de gradins étagés pour les spectateurs.
Nymphes : déesses de la nature, de rang secondaire, peuplant les forêts, les montagnes, les rivières et la mer. Un nymphée est à l’origine un sanctuaire qui leur est consacré, en forme de grotte naturelle ou artificielle abritant une source ou une fontaine.
Trépan : outil formé d’une pointe métallique que l’on fait tourner à l’aide d’un archet pour percer des trous dans des matériaux durs comme la pierre ou le bois.