Sceptre de Charles V
Sceptre de Charles V dit de Charlemagne
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Pourquoi Charlemagne trône-t-il en haut du sceptre de Charles V ? Que nous dit cet objet sur la personnalité du roi Charles V ?
Sous l'Ancien Régime, le sceptre de Charles V, aujourd'hui au Louvre [ image principale ], était précieusement conservé au trésor de l'abbaye royale de Saint-Denis. C'était un élément des regalia de la monarchie française, placés sous la garde de l'abbé de Saint-Denis, dont la plupart furent détruits durant la Révolution. Le terme regalia désigne l'ensemble des instruments, emblématiques d'une monarchie, servant lors de la cérémonie du sacre (instruments liturgiques, vêtements, insignes…). La couronne et le sceptre, insignes du pouvoir par excellence, en sont les principaux. Le sceptre réalisé à la demande et sur les consignes du roi Charles V (1338-1380) se compose essentiellement de trois éléments montés au bout d'une hampe. Chacun est investi de sens.
Un objet à la gloire de Charlemagne
Le sceptre de Charles V est aussi désigné sous le nom de sceptre de Charlemagne en raison de la statuette qui trône à son sommet et qui, comme l'indique l'inscription, représente ce très illustre roi des Francs, vénéré comme un saint à la cour de France. Il apparaît en empereur du Saint Empire romain germanique car il tient dans sa main gauche un globe surmonté d'une croix (l'orbe), caractéristique de cette fonction. La statuette repose sur une corolle de lys, emblème de la royauté française. Cette fleur jaillit elle-même d'une sphère de métal appelée le nœud. Toute la surface du nœud est décorée de reliefs qui, comme la statuette, célèbrent la gloire de Charlemagne. Ils représentent trois épisodes de sa légende : Charlemagne y figure en roi guerrier, défenseur de la foi, parti délivrer l'Espagne des Sarrasins.
Les trois épisodes mettent face à face Charlemagne et saint Jacques, évangélisateur et patron de l'Espagne. On les reconnaît bien, saint Jacques à son auréole, son petit chapeau rond et son manteau de pèlerin, Charlemagne à sa longue barbe, sa couronne et son épée. Dans le premier relief [ détail b ], saint Jacques apparaît à Charlemagne pour lui ordonner de se rendre à Compostelle pour délivrer son tombeau. Dans le deuxième [ détail c ], Charlemagne et ses soldats se prosternent devant saint Jacques après avoir découvert que le bois de leur lance, plantée dans le sol la veille, a miraculeusement fleuri durant la nuit. Dans le troisième [ détail d ], saint Jacques lutte contre un démon pour lui arracher des mains l'âme de Charlemagne, représentée sous la forme d'un enfant nu, tandis que la dépouille du roi gît dans la partie inférieure.
Un manifeste politique pour Charles V et ses successeurs
Il n'est pas certain que le sceptre de Charles V ait servi au sacre de Charles V lui-même, en 1364. On pense plutôt qu'il le fit réaliser peu après son accession au trône, en prévision du sacre de son fils, le futur Charles VI (1368-1422).
Remplacer un instrument du sacre, choisir un sujet aussi fort que celui de Charlemagne, constituaient pour Charles V un véritable acte politique, destiné à affirmer clairement sa légitimité, à se placer dans la lignée et sous la protection d'un grand souverain dont il porte le même prénom. En effet, l'accession au trône de France de la maison des Valois, dont Charles V est le troisième représentant, ne se fit pas sans contestation. C'est elle qui est à l'origine du conflit avec les Plantagenêts et de la guerre de Cent Ans. Le sceptre de Charles V exprime donc une idée forte et témoigne de l'habileté politique de Charles V, resté dans l'histoire comme Charles le Sage.
Le sceptre de Charles V est resté en usage du sacre de Charles VI en 1380 jusqu'à celui de Charles X en 1825. Il apparaît clairement dans plusieurs portraits officiels de roi de France, celui de Louis XV par exemple [ image 1 ]. Les quelques modifications qu'il a pu subir au fil des ans n'ont rien altéré de sa force symbolique : Napoléon lui-même sut en tirer parti pour que son empire semble renouer avec l'héritage de Charlemagne [ image 2 ].
Un luxe raffiné, caractéristique de la cour de Charles V
Réalisé à partir de matériaux de grand prix, l'or, les perles, les pierres précieuses (remplacées depuis par des éléments de verre), le sceptre de Charles V témoigne d'un luxe justifié par sa fonction et son prestige. Sa fabrication a également nécessité le recours à divers procédés représentatifs du savoir-faire des orfèvres de l'époque (ciselure, travail au repoussé, fixation). La corolle de lys était jadis recouverte d'émail blanc et constituait l'un des plus anciens exemples de l'usage de l'émail sur ronde-bosse d'or. La perfection de l'exécution rivalise avec la sculpture monumentale des grands portails de cette époque. La statuette de Charlemagne présente un visage osseux aux pommettes saillantes, des yeux creux, un nez effilé et aquilin et une longue barbe bifide. Ces traits accentués, caractéristiques, se retrouvent dans d'autres œuvres de cette époque, comme le Parement de Narbonne conservé au musée du Louvre [ image 3 ].
Ce sceptre est sans conteste l'un des plus beaux objets créés à la cour de France sous le règne de Charles V. Il témoigne de l'essor que connurent alors les arts précieux. Charles V, roi bâtisseur et collectionneur avisé, fut avec ses frères Louis d'Anjou, Jean de Berry et Philippe le Hardi un grand mécène qui contribua à donner un lustre nouveau à la vie de cour en France.
Mots-clés
Odile Dechelotte, Cécile Maisonneuve
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Publié le 22/09/2022
Ressources
Les objets d’art au Moyen Âge, sur le site du musée du Louvre
Glossaire
Sacre : Cérémonie religieuse conférant au souverain un caractère sacré.
Charles V le Sage : (1338-1380) fils de Jean II le Bon et de Bonne de Luxembourg. En pleine guerre de Cent Ans, sa politique habile lui valut le surnom de « Sage ». Ce roi, de la dynastie des Valois, protecteur des arts, redonne une grande partie de son prestige à la couronne.
Sceptre : Insigne de pouvoir en forme de bâton.
Saint Empire romain germanique : Partie orientale de l’empire de Charlemagne ou Germanie, devenue Saint Empire romain germanique sous le règne d’Otton Ier en 962. L’Empire regroupe, pendant dix siècles et dans sa plus grande extension, la majeure partie de l’Europe centrale sous l’autorité d’un empereur élu. Bien que la fonction ne soit pas héréditaire, les empereurs, à l’époque moderne, sont pour la plupart issus de la maison de Habsbourg.
Valois : Maison royale française de la dynastie capétienne qui a régné de 1328 à 1589. Ses plus illustres représentants sont au Moyen Âge Charles V (1338-1380) et à la Renaissance François Ier (1494-1547).
Orfèvrerie : Art de travailler les métaux précieux.
Trésor : Le terme trésor désigne à la fois un ensemble d’objets précieux et le lieu qui les abrite.
Saint-Denis : Abbaye située au nord de Paris, construite à l’emplacement de la sépulture de saint Denis. Lieu habituel de l’inhumation des rois de France depuis l’époque carolingienne.
Hampe : Long manche sur le haut duquel vient se fixer un fer de lance, un drapeau, une statuette…
Orbe : Globe surmonté d’une croix, symbole du pouvoir royal ou impérial.
Plantagenêts : Dynastie de souverains qui régnèrent sur l’Angleterre du XIIe au XVe siècle.
Guerre de Cent Ans : Conflit franco-anglais qui s’étale sur le XIVe et le XVe siècle.
Repoussé : Technique de métallurgie qui consiste à obtenir un motif en relief en travaillant une plaque de métal par l’arrière, en le « repoussant » à l’aide d’un poinçon.
Ronde-bosse : Sculpture en trois dimensions, travaillée sur toutes ses faces. Toute statue est une ronde-bosse.
Émail : Vernis coloré, opaque ou translucide, qui peut s’appliquer sur différents supports (céramique, métal, pierre, verre…).
Regalia : Ensemble des instruments emblématiques d’une monarchie, servant lors de la cérémonie du sacre (instruments liturgiques, vêtements, insignes…). La couronne, le sceptre et la main de justice, insignes du pouvoir par excellence, en sont les principaux