Statue de l’empereur Auguste, dit de Prima Porta
Statue de l’Empereur Auguste, dit Prima Porta
Cistophore. face A : tête de Vénus ; face B : Enée, portant Anchise sur ses épaule, inscription « CAESAR »
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Provenance
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Datation
Lieu de conservation
Comment cette statue est-elle devenue le symbole d’un projet politique ?
Cette sculpture est un portrait en pied de l’empereur Auguste image principale. Il s’agit d’une copie en marbre d’un original en bronze qui date de 20 av. J.-C. Des traces de polychromie nous indiquent qu’elle était peinte. Elle fut découverte à l’emplacement de la villa de Livie, épouse d’Auguste, dans la zona (zone) Prima Porta à Rome, d’où le nom donné à l’œuvre.
L’empereur Auguste
À l’époque de la création de cette œuvre d’art, l’homme qu’elle représente a connu une ascension politique fulgurante et a atteint le sommet de l’État romain. En effet, le premier nom de l’empereur n’est pas Auguste, mais Octave. Il est le petit-neveu de Jules César et devient son fils adoptif et héritier. Le terme Augustus, « celui qui augmente », est un titre qui lui a été attribué en 27 av. J.-C. par le Sénat, en reconnaissance de son hégémonie légitime sur Rome. Ce titre illustre sa capacité à apporter la croissance universelle, et c’est l’acte inaugural d’un nouveau système d’État remplaçant la vieille République romaine : le Principat. Ce système, fondé sur le pouvoir d’un seul homme, devient l’Empire sous les successeurs d’Auguste.
L’original en bronze de cette statue peut être daté de peu de temps après un événement historique décisif, figuré sur la cuirasse : la restitution des enseignes militaires romaines par les Parthes. Celles-ci avaient été perdues lors de la bataille de Carrhes, en 53 av. J.-C. Crassus, chef de cette campagne militaire et membre du premier triumvirat, y avait perdu la vie et l’honneur.
La création de cette statue s’inscrit donc dans un contexte politique d’affirmation du pouvoir personnel d’Auguste, garant de la puissance universelle de Rome. Elle est porteuse d’un message idéologique, lisible à travers son style et certains détails.
L’âge d’or
Cette statue reprend la position du Doryphore de Polyclète image 1, qui, malgré l’armure, reste visible : musculature ramassée, poids du corps reporté sur la jambe droite permettant la flexion de la jambe gauche, légère élévation de l’épaule gauche. Ce modèle statuaire ancien n’est pas choisi par hasard. Composées avec gravité et équilibre, les œuvres de Polyclète sont représentatives, aussi bien pour les Romains que pour notre regard contemporain, d’un idéal de beauté et d’harmonie. Ce style classique est associé à l’âge d’or de la Grèce antique.
L’effigie d’Auguste représente une synthèse réussie d’idéalisation grecque et de réalisme romain. En effet, son visage détail b est très idéalisé et d’une jeunesse qui semble éternelle. Mais il est doté de caractéristiques qui le rendent reconnaissable et semblent lui donner une vie sensible.
L’image d’un militaire
Auguste est représenté en imperator (général en chef), investi de l’imperium, pouvoir militaire et civil suprême. Auguste porte l’habit de général, armure et manteau (le paludamentum). Il est en position d’adlocutio, geste codifié du général haranguant ses troupes. Ce geste est de toute première importance, car l’empereur obtient en effet sa légitimité par l’acclamation des légionnaires.
La cuirasse est porteuse d’images qui célèbrent l’événement de la remise des enseignes. Au centre détail c, un Parthe, habillé à l’orientale, tend ces dernières à un militaire romain, accompagné d’un chien ou d’un loup. Les hypothèses sur l’identité de ce dernier personnage sont variées : représentation de Mars Pacator (apaisant) ou bien de Tibère, beau-fils d’Auguste, qui avait mené la campagne militaire contre les Parthes. Deux personnages féminins, placés sur les côtés de la scène, représentent des provinces récemment conquises et pacifiées : la Gaule à droite détail d et sans doute l’Hispanie à gauche détail e. En récupérant les enseignes, Auguste rendait donc à Rome son honneur perdu et soldait les comptes d’une histoire longue et douloureuse. En effet, la guerre civile opposa, durant le Ier siècle av. J.-C., les diverses factions politico-militaires d’une République romaine en pleine crise. Elle ne prit fin qu’avec la bataille d’Actium, en 31 av. J.-C., qui oppose Marc Antoine et Cléopâtre à Octavien. La remise des enseignes en est le point d’orgue.
Auguste, unificateur du cosmos
Autour de la scène principale se déploie une composition circulaire de personnages mythologiques. Au registre supérieur de la cuirasse, le ciel personnifié préside. À gauche se trouve le char du Soleil, précédé à droite par des divinités de la nuit porteuses de flambeaux, les déesses de la Lune et de la Rosée peut-être détail f. Au registre inférieur à gauche se trouve Apollon, dieu de la lumière et des arts, juché sur un griffon détail g. En position symétrique, la déesse Diane, déesse de la lune et de la chasse, enfourche un cerf détail h. La déesse Terre, porteuse d’une corne d’abondance, se trouve au centre de cette partie basse. Cette vision cosmique illustre l’idée de paix et d’abondance qu’Auguste développe tout au long de son règne, comme le montre l’iconographie de l’Ara Pacis (Autel de la paix), très comparable image 2.
Au pied d’Auguste se trouve un petit amour détail i, chevauchant un dauphin. Celui-ci est une allusion aux origines mythologiques revendiquées par la gens Julia, qui descendrait de Vénus par Énée, le héros troyen. Cette ascendance avait été utilisée par César dans sa propagande véhiculée par les monnaies image 3. Auguste réaffirme donc cette origine divine, rappelant ainsi son lien avec César.
Auguste unit de fait les forces cosmiques, l’espace et le temps – aussi bien mythologique que politique. Il souhaite démontrer sa maîtrise du temps et de l’espace. L’original en bronze ornait le sommet du mausolée d’Auguste, qui servit de sépulture à toute la dynastie julio-claudienne.
Ainsi, cette représentation de l’empereur Auguste est l’expression d’un projet politique : l’ouverture vers un nouvel âge d’or, dans une Rome pacifiée, sûre d’elle-même et de son empire sur le monde.
Mots-clés
Sylvaine Joy
Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/statue-de-lempereur-auguste-dit-de-prima-porta
Publié le 10/03/2025
Ressources
Proposition de polychromie de la statue de l’Auguste de Prima Porta, faite par l’Ashmolean Museum
https://www.ashmolean.org/collections-online#/item/ash-object-741748
Ara Pacis : explication des différentes composantes de l’autel
Glossaire
Enseigne militaire romaine : Sorte d’étendard servant de point de ralliement à la légion et incarnant son honneur. Sacrée, l’enseigne fait l’objet d’un véritable culte, et sa perte est un traumatisme. Sa récupération donne lieu à de somptueuses célébrations.
Gens (Julia) : Groupe familial de père en fils, fondé sur le nom d’un ancêtre commun qui remonte au début de la République romaine.
Parthes : Empire qui se développe de la Perse jusqu’à la Mésopotamie, du IIIe siècle av. J.-C. au IIIe siècle apr. J.-C. Les Parthes représentent une des plus puissantes entités politiques d’Orient. Rome entre régulièrement en conflit avec cet empire, qui fait concurrence à sa volonté d’hégémonie orientale.
Triumvirat : Littéralement « le pouvoir des trois hommes ». Système de partage du pouvoir entre trois personnages politiques forts et ambitieux, lors de la guerre civile romaine, qui oppose diverses factions. Il y eut deux triumvirats : celui de César, Pompée et Crassus (de 60 à 53 av. J.-C.) puis celui d’Octavien (futur Auguste), Marc Antoine et Lépide. Ce système est la résultante du morcellement de l’autorité de la République romaine.
Marbre : pierre calcaire compacte et dure, appelée "marmaros" ("pierre resplendissante") en grec car sa surface peut être lustrée par polissage. Très utilisé en architecture et en sculpture, le marbre l'est également en ameublement, pour des cheminées ou des dessus de meubles.
Polychromie : Procédé qui consiste à appliquer différentes couleurs sur une œuvre d’art ou un monument, ou à utiliser des matériaux colorés pour sa réalisation.
Période classique : Période englobant les Ve et IVe siècles av. J.-C., qui voit naître en Grèce des innovations décisives dans les arts. En sculpture, de grands artistes comme Polyclète, Praxitèle ou Lysippe travaillent sur la représentation du corps en mouvement dans l’espace. Leurs œuvres seront des modèles suivis durant la période hellénistique et dans l’art romain.
Julio-Claudiens : Première dynastie d’empereurs romains. N’ayant pas de fils, Auguste (27 av. J.-C.-14 apr. J.-C.), membre de la famille des Julii, adopte pour lui succéder son beau-fils Tibère (14-37 apr. J.-C.), issu de la famille des Claude. Cette succession vaut à la dynastie des empereurs qui règnent sur Rome jusqu’en 68 le nom de Julio-Claudiens.