Trésor de Guarrazar
Trésor de Guarrazar
Auteur
Dimensions
Provenance
Technique
Matériaux
Datation
Lieu de conservation
En quoi ces couronnes reflètent-elles la puissance des rois wisigoths au début du Moyen Âge ?
Un trésor enfoui depuis l’invasion des Arabes en Espagne en 711 est découvert à Guarrazar, près de Tolède image 4, entre 1858 et 1860. Vingt-six couronnes, des croix, des calices et d’autres objets en or et gemmes étaient cachés dans un coffret. Une partie du trésor a été fondue. Neuf couronnes sont achetées par le gouvernement français en 1859 et déposées au musée de Cluny.
En 1941, six de ces couronnes sont restituées à Madrid, dont la couronne de Receswinthe image 1, lors d’un échange d’œuvres d’art entre les deux pays. Désormais trois sont conservées à Paris et sept à Madrid.
Une orfèvrerie germanique
Ces couronnes fastueuses image principale sont constituées d’un large bandeau d’or parfois ajouré image b. Elles sont ornées de gemmes montées en bâte détail c ou en pendant. Améthyste, perle, cristal de roche, émeraude, saphir, grenat, jaspe, nacre… Ces matériaux ajoutent à leur préciosité au même titre que les couleurs et la brillance. Des chaînettes de suspension ainsi que des croix image d et des lettres pendantes image e image 2 indiquent que les couronnes n’étaient pas destinées à être portées, mais à être accrochées dans un bâtiment.
Utilisée sur les lettres, la technique du cloisonné image e est typiquement germanique et très appréciée des Wisigoths, mais aussi de leurs voisins Francs image 3. Issues d’ateliers locaux, ces couronnes montrent la virtuosité des orfèvres wisigoths.
Des offrandes royales
Les lettres pendantes de deux couronnes nous révèlent les noms de leurs commanditaires : Swinthila (dont la couronne est disparue) et Receswinthe image 1. Ces deux rois wisigoths, que mentionnent des textes anciens, ont sans doute offert ces cadeaux prestigieux à des églises de Tolède à l’occasion de leur dédicace, de fêtes ou de cérémonies. Les couronnes suspendues au-dessus de l’autel devaient être un symbole évident du lien puissant entre pouvoirs royal et religieux.
Un trésor similaire découvert à Torredonjimeno image 4, en Andalousie, montre que cette pratique était répandue dans l’élite wisigothe. Ces objets précieux témoignent du luxe des décors des églises wisigothiques, dont il reste peu de vestiges.
Les Wisigoths
Ce peuple germanique est sûrement originaire de Pologne. Au IVe siècle, chassés par les Huns, les Wisigoths entrent en contact avec les Romains des provinces orientales de l’Empire. De là, ils se déplacent vers l’ouest et s’installent en Aquitaine, avec Toulouse pour capitale. Peuple de barbares fédérés, ils sont soumis à l’autorité de l’Empire et leurs chefs font partie de l’administration romaine. A la chute de l’Empire romain d’Occident en 476, le roi des Wisigoths est Euric (depuis 466 déjà). Le royaume atteint son expansion maximale : Aquitaine, Septimanie (province de Narbonne), Provence et péninsule Ibérique. Lors de la bataille de Vouillé contre les Francs de Clovis en 507, l’Aquitaine est perdue et la capitale est transférée à Tolède.
Cette cour rayonne par sa production artisanale et ses relations politiques avec Byzance, et se développe entre les VIe et VIIe siècles. Comme à Byzance La coutume de déposer des couronnes votives dans une église se pratique déjà à Byzance. En outre, les couronnes wisigothiques sont très proches de celles portées par les empereurs byzantins. En témoignent les mosaïques de la basilique Saint-Vital de Ravenne, qui représentent l’empereur Justinien et son épouse Théodora en vêtements de cérémonie. Le royaume wisigothique entretient des contacts politiques forts et parfois guerriers avec Byzance. Au milieu du VIe siècle, Justinien envahit le sud de l’Espagne. La région est reconquise par les Wisigoths au début du VIIe siècle. Le point commun entre les Wisigoths et les Byzantins est leur lien à l’Empire romain. Les rois wisigoths se considèrent comme des héritiers de Rome, dont ils souhaitent imiter la grandeur et dont ils adaptent le cadre administratif au droit germanique. Or après 476, l’empire romain perdure en Orient. Byzance devient alors un modèle à suivre.
Des fouilles se poursuivent aujourd’hui sur le site de Guarrazar. En 2014, un saphir y a été découvert. Les couronnes de Guarrazar sont un symbole éclatant de la royauté wisigothique. Cette dernière mêle la revendication de l’héritage politique romain, avec l’influence de Byzance, et les traditions germaniques, avec la haute qualité d’orfèvrerie. Loin d’être une rupture avec la fin de l’Antiquité, le début du Moyen-Age en est bien la continuité, tout en développant des cultures originales.
Anne-Lise Blanchet
Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/tresor-de-guarrazar
Publié le 22/08/2024
Ressources
Notice de l'oeuvre sur le site web du musée de Cluny
https://www.musee-moyenage.fr/collection/oeuvre/couronne-votive-guarrazar.html
Notice de l'oeuvre sur le site web du musée archéologique de Madrid
https://ceres.mcu.es/pages/ResultSearch?Museo=MANT&txtSimpleSearch=Incrustaci%F3n&simp
Le site web du gisement archéologique de Guarrazar
Description du trésor de Guarraza, Gallica BNF
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65463828/f9.planchecontact
Glossaire
Orfèvrerie : Art de travailler les métaux précieux.
Cloisonné (grenat) : Technique d’orfèvrerie qui consiste à fixer de petites cloisons d’or à la verticale sur un support lui-même en or. Les cloisons reproduisent des formes géométriques, végétales ou animales. On y insère ensuite des plaquettes de grenat.
Bâte : En orfèvrerie, monture en or dans laquelle une pierre peut être sertie, et qui forme une petite boîte autour de celle-ci.
Trésor : Le terme trésor désigne à la fois un ensemble d’objets précieux et le lieu qui les abrite.
Dédicace d’église : Consécration d’un édifice religieux.