Triptyque de la Résurrection Memling Hans
Triptyque de la Résurrection
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Quelle fut l’inspiration de l’artiste pour ce chef-d’œuvre de la peinture flamande ?
Conservée au Louvre, cette œuvre image principale réalisée en fin de carrière par le peintre flamand Memling révèle, malgré son assez petit format, une interprétation originale d’un sujet religieux.
Le Triptyque de la Résurrection
Le panneau central détail b montre Jésus sortant de son tombeau, dans une lumière d’aurore. Cette scène non relatée dans la Bible a été imaginée d’après les textes de celle-ci attestant de la résurrection du Christ. Memling représente Jésus, comme l’avait fait quelques années plus tôt le peintre flamand Van der Weyden (Triptyque de Miraflores, image 1) jeune, sans nimbe, très mince. On aperçoit ses plaies au côté et sur le pied droit. Il est vêtu du manteau de pourpre détail c symbole de pouvoir chez les Romains, dont ses bourreaux l’avaient habillé par moquerie, au moment de son procès. De face et calme, sa main gauche tenant une grande croix à étendard voletant, sa main droite bénissant, il sort de son tombeau ; celui-ci n’est pas la petite caverne évoquée par la Bible, mais un de ces sarcophages de pierre fréquents aux Pays-Bas au XVe siècle ; ainsi, Memling actualise le sujet. Le lourd couvercle est ici soulevé par un ange vêtu de blanc détail c.
Quatre soldats, gardant le tombeau pour empêcher les disciples de venir voler le corps du Christ, se sont endormis ; celui de gauche, à la belle armure partiellement dorée, est étendu sur son bouclier, bouche entrouverte et révélant les dents, détail rare en peinture détail d. Un autre militaire, à droite, heurté par le déplacement du couvercle du cercueil, se réveille ; derrière lui, un troisième garde porte un casque reflétant la silhouette de Jésus détail e. Un jeu de reflet similaire est utilisé par Memling dans le décor de la Châsse de Sainte Ursule, sur la cuirasse d’un soldat : celle-ci reflète la sainte qui se tient à ses côtés.
Derrière les personnages, le paysage montre le Golgotha avec ses trois croix. À droite, Jérusalem apparaît dans le soleil levant. Un édifice circulaire attire l’attention : la Coupole du Rocher, une mosquée bâtie bien après l’époque du Christ, mais dans laquelle les artistes du Moyen Âge voyaient le Temple de Salomon. Sur la route sinueuse venant de la ville, trois saintes femmes avancent, minuscules dans le lointain détail i.
Le Martyre de saint Sébastien et L’Ascension du Christ
Le volet gauche représente le martyre de saint Sébastien détail f : ce saint, officier de l’empereur romain Dioclétien, fut martyrisé à cause de son adhésion au christianisme et livré aux archers à Rome. Dans la peinture flamande, sa première représentation, qui le montre nu et isolé comme ici, apparaît au revers du Polyptyque du Jugement dernier de Rogier Van der Weyden. Chez Memling, il est attaché à un arbre, très frêle et longiligne, et seulement vêtu d’un linge blanc ajusté sur son bas-ventre ; sa chemise et son pourpoint gisent à ses pieds ; son corps, bien que percé de nombreuses flèches, ne saigne pas ; de même, son visage n’exprime aucune souffrance : son regard gris-bleu est seulement résigné ; cette indifférence à la douleur signifie le triomphe de la foi. Cette interprétation se trouvait déjà dans un autre Martyre de saint Sébastien peint par Memling, dont l’artiste reprend le personnage principal presque à l’identique pour le Triptyque du Louvre.
À l’arrière-plan se tiennent deux archers ; l’un d’eux s’apprête à tirer, visant de l’œil droit. Le sujet de ce panneau pourrait suggérer que le triptyque, dont on ignore l’origine exacte, aurait été commandé par une guilde d’archers, ou bien pour protéger de la peste. Saint Sébastien est traditionnellement invoqué lors des épidémies de peste, car si ses nombreuses blessures par flèches évoquent les plaies occasionnées par cette maladie, et pourtant il survécut à son martyre. Or, Bruges image 5 fut frappée par une épidémie de peste en 1489, époque de notre tableau.
Le volet droit illustre l’Ascension du Christ en présence de Marie et des disciples détail g (texte des Actes des Apôtres I, 9 et 10). Les personnages entourent le monticule d’où Jésus vient de s’élever et sur lequel il a laissé l’empreinte de ses pieds, preuve de son existence terrestre détail h. Au-dessus du groupe, le Christ a déjà presque disparu. Son corps, coupé par le cadre du haut du tableau, ne montre plus que ses pieds (troués par les clous de la crucifixion).
Malgré son encadrement architectural, le panneau central est associé aux volets par la ligne d’horizon de son paysage qui se prolonge sur ceux-ci image principale. Partout se déploie une lumière limpide, ainsi qu’une gamme colorée harmonieuse, contrebalançant les tons froids de la campagne par les rouges de certains vêtements : cape du Christ, pourpoint de saint Sébastien, manteau de saint Jean.
Influences italiennes
La composition centrale s’inscrit dans une grande arcade cintrée détail c de goût romain, rompant avec les arcatures le plus souvent gothiques des tableaux des prédécesseurs flamands de Memling ; ornée de feuilles de vigne et de chêne sculptées en relief et dorées, elle présente aussi six statuettes de putti tenant des guirlandes de fleurs et de fruits. Ce motif décoratif avait été créé en Italie, au début de la Renaissance, d’après des décors antiques. Avant Memling, il fut employé, stylisé, par le peintre français Jean Fouquet dans une enluminure montrant Étienne Chevalier présenté par saint Étienne à la Vierge et à l’Enfant image 3 ainsi que, fréquemment et de façon plus naturaliste, par l’Italien Andrea Mantegna image 4. Memling est proche de l’interprétation de ce dernier, figurant une guirlande de vrais fruits et végétaux. Il est l’un des premiers artistes à introduire ce motif de la Renaissance italienne dans la peinture nordique.
S’adaptant parfaitement au sujet, l’italianisme antiquisant de cette arcature et des colonnes de porphyre doublant ses montants suggère une sorte d’arc de triomphe, valorisant le Christ vainqueur de la mort. Au-dessus des putti latéraux se trouvent d’autres petits groupes sculptés ; inspirés de l’Ancien Testament, ils montrent, à gauche, le meurtre d’Abel par Caïn (symbole du péché originel ou préfiguration du sacrifice du Christ) et, à droite, Samson combattant le lion (annonce de la victoire de Jésus sur le mal) détail i.
Avant Memling, Van Eyck avait placé les mêmes motifs sculptés dans une de ses œuvres. Memling les utilisa aussi avec la même arcade à putti ainsi que les guirlandes végétales et colonnes de porphyre dans sa Vierge à l’Enfant conservée aujourd’hui à Florence.
Le successeur de Van Eyck à Bruges
Hans Memling (ou « Memlinc ») est né vers 1440, en Allemagne, près de Francfort. Dans sa jeunesse, il aurait travaillé à Bruxelles image 5, dans l’atelier du grand peintre Rogier Van der Weyden. En 1465, il s’installe à Bruges, ville flamande, où il restera jusqu’à sa mort, en 1494. Il devient alors le grand maître de la peinture brugeoise, succédant en cela à Jan Van Eyck. Il y travaille pour des religieux ou pour de riches bourgeois, souvent étrangers, notamment italiens. Comme la plupart des peintres de l’époque, il produit surtout des tableaux religieux, dont de nombreuses Vierge à l’Enfant trônant, entourées d’anges ou de saints. Bien que capable de grandes compositions, il excelle dans les œuvres de petit format, telles les miniatures dont il recouvrit la célèbre Châsse de sainte Ursule conservée à l’Hôpital Saint-Jean de Bruges.
Son art est une synthèse de la peinture de Van Eyck et de celle de Van der Weyden, en plus équilibré, plus aimable, avec un goût prononcé pour la figure humaine (Memling fut un remarquable portraitiste) et pour le détail précis et anecdotique, dans la tradition picturale flamande. Œuvre très raffinée, cette peinture à l’huile sur bois, dont le petit format indiquerait un usage domestique, pourrait avoir été commandée par un riche client italien afin de conjurer le retour de la peste.
Mots-clés
Sylvie Cuni-Gramont
Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/triptyque-de-la-resurrection
Publié le 12/11/2024
Ressources
La notice de l’œuvre sur le site web du Musée du Louvre
La Châsse de Bruges d'Hans Memling
https://closertomemling.be/fr/%C5%93uvres-d-art/ch%C3%A2sse-de-sainte-ursule
Biographie d'Hans Memling sur le site web des musées de Bruges
Glossaire
Putti : (putto au singulier) Mot italien qui désigne des petits garçons souvent nus, ailés ou non, assimilés à des esprits, des génies ou des anges. Inspirés des Amours antiques, ils apparaissent au XVe siècle dans l’art italien. Appelés spiritelli (« petits esprits », spiritello au singulier) à Florence.
Triptyque : Œuvre constituée de trois volets reliés par une charnière. Par extension, le terme s’applique à trois œuvres formant un ensemble.
Porphyre : Roche de couleurs variées (rouge, vert). Dans l’Antiquité, le porphyre rouge est considéré comme le plus précieux car il est associé à la pourpre, dont il tire son le nom.