L’Inondation à Port-Marly Sisley Alfred

L’Inondation à Port-Marly

Auteur

Dimensions

H. : 60 cm ; L.: 81 cm

Provenance

Technique

Peinture

Matériaux

Huile sur toile

Datation

1876

Lieu de conservation

France, Paris, musée d’Orsay

Un artiste doit-il se consacrer entièrement à son œuvre, quitte à vivre dans la misère ? Doit-il, pour sauver son travail, réaliser également des œuvres plus adaptées au goût du public ?

Né à Paris en 1839, Alfred Sisley est un artiste d'origine britannique dont les parents, anglais, se sont installés dans la capitale française pour affaires.

Après un apprentissage à Londres, où il admire les œuvres de John Constable et de Turner, il décide de se consacrer à la peinture. De retour à Paris, il s'inscrit en 1862 à l'atelier de Charles Gleyre, où il rencontre Frédéric Bazille, Claude Monet et Auguste Renoir et se rallie au mouvement impressionniste naissant.

Les quatre jeunes gens commencent à pratiquer la peinture en plein air. Sisley se révèle un paysagiste très sensible aux variations météorologiques, au passage des saisons. Il aime peindre sur le motif les environs de Paris et les berges de la Seine. C'est non de chez lui, à Marly-le-Roi, qu'il peint cette Inondation à Port-Marly image principale.

Sisley et Port-Marly

Port-Marly est un petit village des bords de Seine, une région que Sisley affectionne particulièrement et dont le charme est vanté depuis plusieurs années, notamment par un guide publié à l'occasion de l'Exposition universelle de 1867. Le peintre en fera le sujet de nombreuses toiles image 3, dont certaines sont présentées dès la première exposition impressionniste en 1874.

En 1876, la crue de la Seine offre à Sisley un exceptionnel sujet de travail sur le motif qu'il chérit tant : l'eau et ses reflets éphémères.

Une représentation en série

L'artiste, qui avait déjà décrit l'inondation de la Seine en 1872 réalise à l'occasion de la crue de 1876 six toiles les unes à la suite des autres image 3. Le tableau conservé au musée d'Orsay image principale, dont une radiographie a montré qu'il a été exécuté sans aucune reprise, à l'aide d'une petite brosse, est considéré comme le chef-d'œuvre de cette série.

L'Inondation à Port-Marly présente, d'un côté, la maison d'un marchand de vin, dont la façade porte l'inscription « À St Nicolas » image b, et, de l'autre, les poteaux et arbres qui ponctuent la berge inondée image d. Au centre, sous un ciel nuageux, des barques et quelques personnages animent la composition image c.

L'eau recouvre tout. Le peintre brosse la surface liquide en larges touches de couleurs appliquées à l'horizontale, accentuant ainsi l'ampleur de l'inondation qui envahit l'espace du tableau.

L'artiste traite l'ensemble de sa toile dans des teintes claires qui produisent un effet de sérénité. Aucun drame ne se joue ici. Dans ce jeu de reflets, l'œuvre semble plus proche d'une vue de Venise que de la représentation d'une catastrophe météorologique.

 

L'inondation, un thème inspirant

Le thème de l'inondation, qui continuera d'intéresser Sisley jusque dans ses dernières années, inspire de nombreux autres peintres. Le plus souvent, il leur permet d'exprimer des émotions où, dans une vision romantique, les tourments de l'âme trouvent un écho face aux débordements de la nature. L'Inondation de Saint-Cloud image 1 de Paul Huet, présentée à l'Exposition universelle de 1855, est caractéristique de cette approche.

Monet peint lui aussi de nombreuses toiles sur le thème de l'eau, qui le fascine dès le début de sa carrière. Dans des compositions aux couleurs claires, il traduit en petites touches colorées, rapidement posées, ce qu'il observe face à l'élément liquide. À partir des années 1880, cette vision impressionniste évolue vers une version plus intériorisée. À la différence de Sisley, Monet exprime ses sentiments à travers une matière picturale de plus en plus épaisse, travaillée avec force. Chez lui, dans ce nouvel univers aquatique des Débâcles image 2 (et bientôt des Nymphéas image 4), l'absence de tout personnage, de toute référence au monde humain suggère la solitude de l'artiste face à son œuvre. Sisley, lui, offre une vision simple et paisible d'un lieu qu'il aime.

 

Un artiste peu reconnu de son vivant

Paysagiste avant tout, Sisley participe aux trois premières expositions impressionnistes qui, comme ses expositions personnelles, ne lui apportent aucun succès. Cet homme réservé vend relativement peu de toiles et à bas prix, voire aucune lors de sa dernière rétrospective en 1897, malgré l'intérêt et le soutien du marchand d'art Paul Durand-Ruel. Malade et sans reconnaissance, il décède à Moret-sur-Loing en 1899.

Quelques jours avant la mort du peintre, Camille Pissarro écrit ces mots à son fils Lucien : « Sisley, dit-on, est fort gravement malade. Celui-là est un bel et grand artiste. Je suis d'avis que c'est un maître égal aux plus grands. J'ai revu des œuvres de lui d'une ampleur et d'une beauté rare, entre autres une Inondation qui est un chef-d'œuvre. »

L'Inondation à Port-Marly est l'une des premières œuvres de Sisley à susciter de fortes enchères. Alors qu'elle avait été vendue par l'artiste 180 francs, elle est acquise en mars 1900 par le comte Isaac de Camondo pour la somme, importante à l'époque, de 43 000 francs. Ce dernier la lègue ensuite à l'État, et la toile entre dans les collections du musée du Louvre en 1911.

Véronique Duprat-Roumier

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/linondation-port-marly

Publié le 23/04/2021

Ressources

L’article sur l’impressionnisme de l’encyclopédie Larousse

https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/impressionnisme/60306

Une biographie du peintre sur le site de l’association Les Amis d’Alfred Sisley

http://www.alfred-sisley.com/biographie/

Glossaire

Impressionnisme : Courant artistique regroupant l’ensemble des artistes indépendants qui ont exposé collectivement entre 1874 et 1886. Le terme a été lancé par un critique pour tourner en dérision le tableau de Monet Impression soleil levant (1872). Les impressionnistes privilégient les sujets tirés de la vie moderne et la peinture de plein air.

Peindre sur le motif : Expression qui signifie peindre en ayant sous les yeux ce que l’on souhaite représenter.

Composition : Manière de disposer des figures, des motifs ou des couleurs dans l’élaboration d’une œuvre.

Romantisme : Le mot est introduit dans la langue française par Rousseau à la fin du XVIIIe siècle. Il désigne par la suite un élan culturel qui traverse la littérature européenne au début du XIXe siècle, puis tous les arts. Rompant avec les règles classiques, la génération romantique explore toutes les émotions données par de nouveaux sujets, en privilégiant souvent la couleur et le mouvement.