Le Triomphe de Galatée Raphaël

Le Triomphe de Galatée

Copie romaine

Auteur

Dimensions

H. : 295 cm ; L. : 224 cm

Provenance

Technique

Fresque

Matériaux

Datation

1513-1514

Lieu de conservation

Italie, Rome, villa Farnésine

Comment la Renaissance fait-elle revivre le modèle antique ?

Raphaël a vingt-six ans lorsqu'il arrive à Rome vers 1509 pour participer à la décoration des appartements du pape Jules II au Vatican. Délaissée au Moyen Âge, la capitale de la chrétienté retrouve son lustre à la Renaissance, à l'initiative des papes et de leur Cour. Les plus grands artistes sont sollicités, notamment Michel-Ange, auteur du décor de la chapelle Sixtine, et Bramante, l'architecte de Saint-Pierre de Rome. Outre les nombreuses commandes qui stimulent la création contemporaine, les artistes sont en contact permanent avec les traces de la civilisation antique grâce aux monuments et aux collections visibles à Rome. Jusque-là plus familier des sujets religieux, Raphaël se confronte aux mythes antiques, créant avec Le Triomphe de Galatée image principale son œuvre profane la plus harmonieuse et la plus sensuelle.

Un décor de villa

La fresque a été commandée par Agostino Chigi, banquier d'origine siennoise, l'un des hommes les plus riches de son temps. Sa fortune lui permet d'être l'un des acteurs essentiels à Rome au début du XVIe siècle. Il fait construire une villa dans les faubourgs de la ville, sur les bords du Tibre, par l'architecte Baldassare Peruzzi. Elle est connue aujourd'hui sous le nom de villa Farnèse, du nom de ses propriétaires suivants, les Farnèse. Toute la péninsule italienne voit fleurir ces résidences, qui sont aussi des lieux de plaisir et de fête. Le rez-de-chaussée de la villa Farnésine compte deux loggias donnant sur le jardin : l'une est dédiée à Galatée image 1, l'autre à Psyché image 2. Raphaël et d'autres artistes prestigieux, comme Sebastiano del Piombo, sont sollicités pour décorer la demeure.

Les Métamorphoses d'Ovide

L'histoire de la nymphe Galatée est relatée dans Les Métamorphoses d'Ovide, texte latin du Ier siècle de notre ère, maintes fois réédité depuis la Renaissance. Dès la fin du XVe siècle, ce récit est la principale source d'inspiration des artistes en quête de sujets mythologiques. Galatée, amoureuse d'Acis, suscite la passion du cyclope Polyphème. Celui-ci, jaloux de l'amour que la nymphe porte à Acis, tente de tuer le jeune homme qui se transforme en fleuve pour échapper à la colère de Polyphème.

La fresque de Raphaël se situe à côté d'une œuvre de Sebastiano del Piombo représentant le cyclope image 3. Bien qu'ayant conçu les deux images séparément, les artistes évoquent l'esprit de l'histoire racontée par Ovide sans vraiment l'illustrer : Polyphème se tourne vers le rivage, comme s'il cherchait Galatée, tandis que celle-ci, indifférente au cyclope et entourée d'un cortège marin, regarde vers le ciel image b. À la demande de Chigi, l'ensemble de l'ornementation des deux loggias évoque la passion et la sensualité amoureuse, donnant à la villa Farnésine l'un des premiers grands décors profanes à sujet sensuel.

À la gloire du corps nu

Le sujet inspiré de la mythologie antique devient prétexte à la représentation idéale du corps nu. La sculpture antique, redécouverte à cette époque, sert de modèle aux artistes image 4.

Contrastant avec la pudeur de Galatée, le cortège marin est un florilège d'anatomies variées évoquant parfois très directement la sensualité, comme le couple de gauche représentant un triton entreprenant et une nymphe à la poitrine largement dévoilée. La diversité des couleurs rend compte des différents types de carnations, plus claires pour les femmes. Les corps, représentés dans toutes les positions, démontrent la virtuosité du peintre dans la description des anatomies et la richesse de son imagination dans l'évocation de personnages mi-hommes mi-animaux. La fantaisie de l'artiste s'affirme dans l'humour avec lequel il décrit les joues gonflées des tritons et le malicieux petit amour caché derrière un nuage. Celui-ci tient prête la réserve de flèches des trois cupidons qui visent Galatée. Ce sont bien sûr les flèches de l'amour, et non pas celles de la guerre ! Quiconque les reçoit tombe amoureux.

Un modèle d'harmonie

La sensualité de cette peinture est tempérée par l'équilibre de la composition, modèle de mesure classique typique de l'œuvre de Raphaël.

Le buste de Galatée se situe précisément au croisement de l'axe vertical et de la ligne d'horizon, qui divisent la fresque en quatre parties égales. Les positions des personnages du cortège dessinent un losange qui encadre Galatée, faisant d'elle le personnage central de cette cour marine. Loin de rigidifier la scène par des principes géométriques stricts, Raphaël a soin de dynamiser l'ensemble par les regards tournés vers la périphérie de l'image. Les couples, positionnés symétriquement de chaque côté de la nymphe, forment des oppositions qui animent la scène : si la femme au premier plan à gauche est de face, celle de l'arrière-plan à droite est de dos. Admirateur de l'Antiquité, Raphaël recherche l'harmonie et l'équilibre tout en préservant l'évocation subtile de l'émotion et de la sensualité, faisant de lui l'un des maîtres incontestés de la mesure et un modèle de classicisme.

Isabelle Bonithon

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/le-triomphe-de-galatee

Publié le 04/10/2017

Ressources

Le dépliant de présentation de la villa Farnésine en français

http://www.villafarnesina.it/wp-content/uploads/2011/09/leaflet_francese.pdf

Une visite virtuelle de l’exposition « Raphaël. Les dernières années » (musée du Louvre, 11 octobre en 2012 au 14 janvier 2013) par France Info

http://www.youtube.com/watch?v=-_eURIa_xEc

Glossaire

Classicisme : Au XVIIe siècle, courant de pensée qui fait de l’Antiquité le modèle de toute forme artistique (littérature, musique, architecture et arts plastiques). Il coexiste avec le baroque auquel il oppose une certaine forme de rigueur et de pondération. En France, il trouve sa meilleure expression sous le règne de Louis XIV, au travers des différentes académies.

Composition : Manière de disposer des figures, des motifs ou des couleurs dans l’élaboration d’une œuvre.

Fresque : Technique de peinture murale qui consiste à appliquer des couleurs délayées à l’eau sur un enduit frais. Le mot est d’origine italienne, il vient de fresco qui signifie frais. Toute œuvre peinte d’après ce procédé est aussi désignée sous le nom de fresque.

Mythologie : Ensemble des croyances et des récits liés aux religions non monothéistes.

Renaissance : Mouvement artistique né au XVe siècle en Italie et qui se diffuse dans le reste de l’Europe au XVIe siècle. Il repose sur la redécouverte, l’étude et la réinterprétation des textes, monuments et objets antiques. À la différence de la pensée médiévale qui donne à Dieu une place centrale, c'est l'homme qui est au cœur de la pensée de la Renaissance.   

Villa : Terme utilisé dans l’Antiquité romaine pour désigner un domaine rural (villa rustica) ou une riche demeure proche de la ville (villa suburbaine).