Mithra immolant le taureau

Mithra immolant le taureau

Face B : Le banquet de Mithra et du Soleil

Auteur

Dimensions

H. 50 cm ; L. 77 cm

Provenance

Liban, Saïda, mithraeum de Sidon

Technique

Haut-relief

Matériaux

Marbre blanc

Datation

Fin du IIe siècle ou 389 ap. J.-C.

Lieu de conservation

France, Paris, musée du Louvre

Qui est ce personnage tuant un taureau ? Pourquoi est-il entouré d’animaux et de différents symboles ? Quelle est la signification de cette scène ?

Ce petit relief [ image principale ], au style raffiné et à la surface soigneusement polie, fait partie d'un ensemble de neuf sculptures en marbre blanc qui décoraient un sanctuaire du dieu iranien Mithra (ou mithraeum) à Sidon, l'antique Saïda au Liban. Elles ont été découvertes à la fin du XIXe siècle par un marchand d'antiquités italien, Edmond Durighello, qui a laissé du sanctuaire une description fantaisiste et n'en a jamais révélé l'emplacement. Nous ne disposons donc que de son décor sculpté, particulièrement abondant et typique du culte de Mithra. Devenu un culte à mystères en dehors de son pays d'origine et introduit à Rome au Ier siècle av. J.-C., il s'est largement répandu dans tout l'Empire, de l'Angleterre à la Syrie. En l'absence de texte sacré conservé, nous le connaissons par l'archéologie et les images, qui sont très homogènes car elles avaient un rôle d'enseignement auprès des fidèles.

Mithra : un dieu sauveur du monde

L'épisode principal de l'histoire de Mithra le montre sacrifiant un taureau dans une grotte. Sur la représentation de Sidon, le dieu, coiffé d'un bonnet phrygien et vêtu d'une tunique ceinturée à la taille et d'un manteau agrafé autour du cou, maîtrise le taureau et lui enfonce son glaive dans le corps. Un chien et un serpent s'approchent pour s'abreuver du sang de l'animal, tandis qu'un scorpion lui pique les testicules pour en faire sortir le sperme parfois, des végétaux sont également représentés. La mort du taureau régénère ainsi la nature et la féconde. Sur la droite se tient un corbeau [ détail b ], messager du dieu du Soleil (Hélios chez les Grecs, Sol chez les Romains) qui a ordonné à Mithra de tuer le taureau pour sauver le monde en faisant triompher la lumière et le bien.

Cette scène a un retentissement cosmique et s'inscrit dans le cycle de la nature, des saisons et des mois. Au-dessus de la scène centrale, le Soleil [ détail b ] et la Lune [ détail c ] sont représentés en haut relief dans des médaillons circulaires, l'un entouré de rayons, l'autre se détachant sur un croissant. Dans les quatre angles, des enfants en buste personnifient les quatre saisons, reconnaissables à leurs couronnes végétales et à leurs symboles sculptés en léger relief à côté d'elles, par exemple le blé et la faucille pour caractériser l'Été en haut à droite [ détail b ], et la vigne et le raisin pour l'Automne en haut à gauche [ détail c ]. La scène principale est encadrée des douze signes du zodiaque représentés en bas relief on reconnaît notamment les Poissons entre le Soleil et l'Été [ détail b ] et les Gémeaux entre l'Automne et la Lune [ détail c ]. L'astronomie, née à Babylone au IIe millénaire, a été ensuite reprise et développée par les savants grecs, et l'idée que les astres influencent les phénomènes naturels et le destin des hommes prend une place très importante dans le sentiment religieux à l'époque romaine.

Les étranges personnages du cortège de Mithra

Plusieurs statues en ronde bosse complètent le décor du mithraeum de Sidon. Deux porteurs de torche accompagnent le dieu et sont habillés à la perse comme lui : Cautès, dont la torche est levée, représente le soleil levant [ image 1 ] et Cautopatès [ image 2 ], à la torche abaissée, le soleil couchant. La déesse grecque Hécate, liée au monde souterrain, est également associée à Mithra comme le veut son iconographie, elle est ici représentée avec trois corps, autour desquels des jeunes filles forment une ronde [ image 3 ]. Une autre statue est particulièrement difficile à interpréter : un homme ailé, à tête de lion, et dont le corps nu est entouré d'un serpent [ image 4 ]. La tête de lion peut faire penser au dieu Cronos (Saturne chez les Romains), qui dévorait ses enfants et qui, par un ancien jeu de mots, était assimilé à Chronos, le dieu du Temps, lui aussi dévorateur. Il pourrait également s'agir d'Aiôn, le dieu de l'Éternité, à cause du serpent, un animal qui semble renaître sans cesse grâce à ses mues en effet, les adeptes du culte de Mithra avaient une conception cyclique du temps et croyaient en une sorte d'éternel retour.

Le rituel principal du culte de Mithra : un repas pris en commun

Certains reliefs, sculptés sur les deux faces, pouvaient pivoter de manière à illustrer différents moments de l'histoire du dieu. L'un d'entre eux, retrouvé à Rome et conservé au musée du Louvre, montre d'un côté le sacrifice du taureau et, de l'autre, l'épisode qui suit [ image 5 ] : Mithra participant dans la grotte à un banquet sur la dépouille du taureau, en compagnie du dieu du Soleil (reconnaissable aux rayons qui entourent sa tête), dont il devient alors l'égal, voire le supérieur, grâce à son action salvatrice. La Lune est aussi présente, ainsi que deux porteurs de torche, figurés autour d'un autel.

À l'image de ce banquet, les fidèles du dieu se réunissaient dans des sanctuaires voûtés en forme de grotte. Allongés sur des banquettes autour d'un autel central, ils y prenaient en commun des repas commémorant celui de Mithra et du Soleil. Ces sanctuaires, de taille modeste, étaient conçus pour accueillir des groupes restreints d'initiés. Ces derniers, uniquement des hommes, devaient subir un certain nombre d'épreuves pour gravir les sept degrés de l'initiation, qui étaient placés chacun sous la protection d'une planète. Le culte de Mithra a eu beaucoup de succès auprès des militaires, des fonctionnaires et des commerçants qui ont largement contribué à sa diffusion. Il répondait à des aspirations nouvelles et au goût des Romains pour les cultes à mystères. Il différait radicalement de la religion officielle, très ritualiste, pratiquée à l'air libre et en public, et présentait certaines analogies avec le christianisme, comme le repas partagé entre les fidèles. Mais l'exclusion des femmes et le côté élitiste et secret ont marqué ses limites et il fut combattu au IVe siècle par des empereurs chrétiens, tel Constantin, avant d'être interdit comme tous les cultes païens en 391. Les sculptures du mithraeum de Sidon, dont certaines [ image 3 ] [ image 4 ] portent la dédicace de Flavios Gerontios (qui avait le grade le plus élevé dans la hiérarchie, celui de « Père ») et la date de 389, sont donc particulièrement tardives, mais le relief est peut-être antérieur à cette date.

Françoise Besson

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/mithra-immolant-le-taureau

Publié le 22/09/2022

Ressources

Sur une statue provenant du mithraeum de Bordeaux et qui fait partie des chefs-d’œuvre du musée d’Aquitaine

http://www.musee-aquitaine-bordeaux.fr/fr/article/statue-de-cautopat%C3%A8s

Une introduction à l'astronomie, un blog et une carte du ciel

http://www.astronomes.com/

Glossaire

Culte à mystères : Culte comportant une initiation dont le contenu ne doit pas être révélé aux non-initiés. Les plus célèbres en Grèce sont ceux de Déméter à Éleusis et des Grands Dieux à Samothrace.

Bas-relief : Type de sculpture en deux dimensions. Le matériau est creusé afin que la forme souhaitée apparaisse en épaisseur par rapport au fond.

Cronos : Dieu du Temps dans la mythologie grecque. Il est vénéré sous le nom de Saturne par les Romains.

serpent

Haut-relief : Type de relief dans lequel les figures se détachent fortement du fond, à la différence du bas-relief.

Relief : Type de sculpture en deux dimensions, dont le décor se détache en saillie sur un fond.

Ronde-bosse : Sculpture en trois dimensions, travaillée sur toutes ses faces. Toute statue est une ronde-bosse.

Sanctuaire : Lieu ou édifice consacré à un culte. Le terme peut correspondre à différentes réalités selon les religions. Dans le monde grec antique, c’est un espace délimité, parfois très vaste, dédié à une divinité et comprenant l’autel pour les sacrifices, le temple et les offrandes. Dans le christianisme, il désigne plus particulièrement la partie de l’église située autour du maître-autel.