Victoire de Samothrace
Victoire de Samothrace
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Que sait-on vraiment cette « star » du musée du Louvre ?
Chef-d'œuvre incontesté de la sculpture grecque et monument naval impressionnant, la Victoire de Samothrace image principale est une œuvre exceptionnelle, même si l'absence de signature et de dédicace empêche de connaître son auteur et les circonstances de sa réalisation.
La découverte de la Victoire de Samothrace au xixe siècle : une incroyable aventure !
La Victoire a été découverte en 1863 par Charles Champoiseau, diplomate français et archéologue amateur en poste depuis 1862 à Andrinople (aujourd'hui Edirne, en Turquie), lors des fouilles archéologiques qu'il mène sur l'île de Samothrace, au nord de la mer Égée, où les ruines d'un sanctuaire antique sont visibles. La statue est conservée jusqu'à la ceinture la partie droite du buste et de nombreux fragments de draperies et de plumes, épars, forment un véritable puzzle. Champoiseau est ébloui par le travail de la draperie, « véritable mousseline de marbre collée par le vent sur des chairs vivantes ». La statue est envoyée au musée du Louvre, où elle est exposée sans être complétée.
En 1873, des archéologues autrichiens comprennent que les énormes blocs de marbre retrouvés à côté de la sculpture constituent sa base, en forme de proue de navire. Champoiseau revient alors à Samothrace les récupérer et les envoie au Louvre. La tête reste introuvable, comme les bras et les pieds, mais la main droite image b est découverte en 1950 par les archéologues américains désormais en charge du sanctuaire et mise en dépôt au Louvre.
Plusieurs restaurations nécessaires
L'odyssée de la Victoire de Samothrace se poursuit avec les restaurations dont elle fait l'objet au musée du Louvre. Entre 1880 et 1883, le buste est refait en plâtre, en intégrant le sein droit original en marbre. L'aile gauche est reconstituée à partir des nombreux fragments d'origine, tandis que la droite, presque entièrement manquante, est refaite en plâtre. La statue est alors replacée sur sa base et connaît la consécration en étant exposée sur le palier supérieur de l'escalier Daru.
Lors de la dernière restauration, conduite en 2013-2014, la statue est déposée, et les vingt-trois blocs du bateau et du socle sont démontés un par un. Des examens scientifiques poussés permettent d'en savoir plus sur le monument : l'analyse des marbres révèle leur nature (marbre blanc de Paros pour la statue, marbre gris de Rhodes pour la base et le socle), tandis qu'un décor peint invisible à l'œil nu est découvert sur la sculpture (un galon bleu sur le manteau). Le nettoyage met en valeur la finesse du traitement du vêtement. Des fragments de draperie qui n'avaient pas encore été assemblés et une grande plume au sommet de l'aile gauche image c sont replacés sur la statue.
Un mouvement et une légèreté hors du commun
La statue représente la déesse ailée de la Victoire – Nikè en grec – dont l'image est familière à l'art grec depuis la période archaïque. Généralement représentée en vol image 1, elle couronne les vainqueurs d'une compétition sportive ou d'une bataille image 2. Ici, le sculpteur a relevé un défi particulièrement audacieux : donner une impression de mouvement et de légèreté à une statue de près de trois mètres de haut et pesant plus de deux tonnes ! La déesse, les ailes déployées, se pose sur la proue d'un bateau, en appui sur sa jambe droite formant une solide ligne verticale prolongée par le buste image d. Le bras droit était levé dans un geste de salut, le bras gauche abaissé. La figure se tourne légèrement sur la gauche, si bien que le meilleur point de vue pour l'observer se situe à droite image e. La jambe levée forme une grande ligne oblique qui donne tout son élan à la composition. Le sculpteur a accentué ce dynamisme en déployant une extraordinaire virtuosité dans le traitement de la draperie : la déesse porte une fine tunique de lin (chiton) plaquée par le vent sur son corps, dévoilant le modelé du ventre image f, dans un effet de « draperie mouillée » apprécié par les Grecs depuis le Parthénon. Un manteau de laine plus épais (himation), simplement drapé, sans ceinture, glisse et n'est maintenu sur la hanche et la jambe droite que par le vent. Il forme de grands plis profondément creusés entre les jambes qui soulignent le mouvement vers l'avant. Le pan qui flotte à l'arrière prolonge la silhouette et constitue un contrepoint aux ailes.
La Victoire sur un navire
La statue a été réalisée en six blocs, fixés par des éléments métalliques. Cette technique, qui facilite le travail du sculpteur pour les œuvres de grandes dimensions, est courante à la période hellénistique, surtout dans les îles de la mer Égée et en Asie Mineure.
La base image g fait partie intégrante de la statue et a sans doute été réalisée à Rhodes, dans un atelier spécialisé. Elle représente la proue d'un navire de guerre de la période hellénistique. Les caisses contenant les rames avancent sur l'eau pour augmenter la vitesse du navire et éperonner plus efficacement. Il manque à l'avant deux éperons en pierre superposés, surmontés d'un ornement de proue en forme de volute. La statue, posée directement sur le navire, assurait par son poids la stabilité de l'ensemble.
Un monument naval dans le sanctuaire de Samothrace
Le monument a été élevé dans le sanctuaire panhellénique de Samothrace, consacré aux Grands Dieux ou Cabires qui protégeaient plus particulièrement les navigateurs. Ce culte à mystères très ancien connaît une grande renommée à la période hellénistique, lorsque le sanctuaire passe sous la domination des rois de Macédoine qui y font de somptueuses offrandes. La Victoire s'insérait pleinement dans ce cadre architectural, un souci propre à la période hellénistique : disposée en oblique dans un petit édifice au-dessus du théâtre, elle se présentait au visiteur de trois quarts gauche, ce dont le sculpteur a tenu compte pour sa composition. Elle a sans doute commémoré une bataille navale du début du iie siècle av. J.-C., quand les royaumes grecs rivaux se disputaient l'hégémonie en Méditerranée. La puissance expressive et les draperies virevoltantes de la statue se retrouvent d'ailleurs dans la gigantomachie du Grand Autel de Zeus à Pergame, élevé un peu plus tard (vers 180-160) et auquel l'auteur de la Victoire a peut-être travaillé.
Françoise Besson
Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/victoire-de-samothrace
Publié le 26/11/2018
Ressources
« La Victoire de Samothrace à la loupe », un dossier très complet du Louvre sur le monument avant sa dernière restauration
http://musee.louvre.fr/oal/victoiredesamothrace/victoiredesamothrace_acc_fr_FR.html
La Victoire de Samothrace : une icône dévoilée, un film de Juliette Garcias sur la restauration récente de l’œuvre
L'Escalier Daru de la Victoire de Samothrace
https://www.louvre.fr/decouvrir/le-palais/un-escalier-pour-la-victoire
Un dossier du Louvre sur l’œuvre, complété par des vidéos et prenant en compte sa récente restauration
Un entretien avec Ludovic Laugier, qui a supervisé la restauration de 2013-2014 au musée du Louvre
https://www.sciencesetavenir.fr/archeo-paleo/la-victoire-de-samothrace-de-retour-au-louvre_37859
Une émission sur la restauration récente de la Victoire
http://www.franceculture.fr/emission-les-regardeurs-la-victoire-de-samothrace-2014-05-17
Une vidéo extraite du film sur la récente restauration de l’œuvre
Glossaire
Période archaïque : Période qui s’étend de 620 à 480 av. J.-C. et qui connaît un grand développement artistique dans le monde grec, avec l’apparition de l’architecture de pierre et de son décor sculpté, l’essor de la grande statuaire de marbre et l’apogée de la céramique peinte, d’abord à figures noires, puis à figures rouges.
Période hellénistique : Dernière période chronologique de la civilisation grecque antique. Elle s’étend de la mort d’Alexandre le Grand en 323 av. J.-C. à la défaite des royaumes hellénistiques vaincus par les Romains à la bataille d’Actium en 31 av. J.-C. Par le choix des thèmes, l’art hellénistique privilégie la représentation de la souffrance humaine et affirme la toute-puissance des dieux. Il offre les premières représentations de l’âge, du petit enfant au vieillard. Il s’intéresse à la représentation du corps en mouvement et à l’expression des sentiments.