Armilla - Résurrection du Christ Nicolas de Verdun

Cette pièce maîtresse image principale de Nicolas de Verdun a été réalisée dans un temps de transition entre l’art roman et l’art gothique. Ce bel objet orné du Moyen Âge surprend par sa forme. Il a tout d’une pièce d’armure, mais il présente le luxe d’une parure.

Une armilla d’apparat

L’armilla est habituellement un élément de l’armure image 1, qui protège l’épaule. Dès l’époque romaine, les gladiateurs couvrent leurs épaules avec des morceaux de cuir appelés épaulières. Au Moyen Âge, elles sont métalliques, le plus souvent en fer. Aujourd’hui, elles sont utilisées par les joueurs de hockey ou de football américain et sont en plastique. L’épaulière, aussi appelée spalière au Moyen Âge image 1, est une pièce indispensable dans les combats, où les coups sont portés sur le casque et ricochent sur l’épaule, la brisant presque systématiquement quand on utilise un marteau ou une hache. Cet élément est très rembourré, et il est articulé pour permettre les mouvements.

L’armilla présentée ici image principale est exceptionnelle par sa matière en cuivre doré et émaillé. Elle est décorée du thème de la Résurrection du Christ. Luxueuse et fragile, elle n’était certainement pas utilisée pour le combat, mais plutôt portée sur un vêtement de prestige, réservé à des cérémonies ou à des parades. Cet objet raffiné a été découvert dans la sépulture du prince Bogolioubski. Une autre armilla, son pendant, représente la Crucifixion image 2 ; celle-ci est conservée au Musée national germanique, à Nuremberg. Les deux objets sont réalisés en cuivre doré et en émail champlevé. La hache de guerre de ce souverain, incrustée d’argent, est restée en Russie (musée historique d’État de Moscou).

Un puissant prince russe

André Ier Bogolioubski est prince de Vladimir image 7 de 1157 à 1174. Bogolioubski signifie « aimé de Dieu ». Très pieux, il entretient de bonnes relations avec l’Église russe. On le surnomme le César scythe. Il est très généreux à l’égard des pauvres, organise une bureaucratie fidèle et puissante, et tente d’unifier les terres russes sous son pouvoir. Il entre en guerre contre les principautés de Novgorod et Kiev image 7 et revient vainqueur. La nouvelle capitale russe sera sa ville, Vladimir. Il y fait construire la cathédrale de la Dormition image 3 vers 1158-1160, où il sera enterré après son assassinat en juin 1174.

Technique de l’émail champlevé

Le champlevé est l’une des principales techniques de fabrication des émaux, très répandue à la période romane. On utilise une plaque de métal, du cuivre ici, de deux ou trois millimètres d’épaisseur. On aménage dans cette plaque des cuvettes, appelées alvéoles. Les alvéoles sont creusées au burin ou à l’eau-forte et dessinent un motif ou un décor. Dans chacune de ces cavités, on dispose un mélange de poudre de verre et d’oxyde métallique. La plaque de cuivre est chauffée dans un four, l’oxyde se colore et la poudre se vitrifie. Cette technique s’applique aussi à la céramique. Les foyers de production se concentrent en France (Conques, Limoges image 8) image 4 et dans la vallée de la Meuse (Namur, Liège, Stavelot, Cologne image 8) ; on parle alors d’art mosan image 5, et cette armilla en est représentative.

Un décor religieux

L’armilla image principale représente la Résurrection du Christ. Celui-ci porte un nimbe et une croix. Le couvercle de son tombeau, une plaque bleutée, est représenté en diagonale détail b. Deux anges aux ailes déployées et aux drapés colorés sont situés de part et d’autre de lui détail c détail d. L’Évangile, pourtant, précise qu’ils sont vêtus de blanc. L’artiste du XII^e siècle, qui vit dans le nord de la France, s’inspire des militaires de sa région – cotte de mailles, épée et bouclier rond – pour représenter le soldat romain dans la scène détail e.

Nicolas de Verdun

Nicolas est un orfèvre né vers 1130 à Verdun, d’où son nom. Il meurt vers 1205 à Tournai, en Belgique. Artiste très réputé, il travaille à Vienne en Autriche, à Cologne, ainsi qu’en France et en Flandre (Belgique actuelle) image 8. Il est connu par de nombreuses œuvres d’art exceptionnelles, comme l’ambon de Klosterneuburg image 6 et la châsse de la cathédrale de Tournai. Cet artiste réinterprète les modèles carolingiens de l’école de Metz et byzantins de l’époque ottonienne, eux-mêmes inspirés par l’Antiquité. On parle à son sujet de style 1200, un art novateur, dynamique. Les figures de la période romane qui précède apparaissent figées, tandis que celle du Christ de l’armilla est animée d’un élan naturel et porte un visage personnalisé.

La plupart du temps, ces objets de luxe ont été convoités, achetés, volés, et fondus. Ils n’étaient plus identifiables et l’or a été employé à un autre usage. Près de mille ans nous séparent de cette armilla, heureusement parvenue jusqu’à nous, car conservée dans une sépulture. Elle reste un objet exceptionnel par sa qualité, mais aussi par son excellent état.